Rires et châtiments avec Clémence de Villeneuve

Boui Boui / Sans avoir la prétention d’enchaîner les blagues et en esquissant des personnages inquiétants, Clémence de Villeneuve fait preuve d'une singularité sans concession et reprend à son compte le I am what I am de Gloria Gaynor.

Comment débarquer sur la scène d'un café-théâtre et ne pas se dire que le public doit scander par ses rires chacune des saillies prononcées ? Clémence de Villeneuve construit, comme ses confrères et consœurs, un récit dans de courts sketchs qu'elle structure par une histoire récurrente. Jusque là, rien de bien original.

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Mais la jeune femme, comédienne de formation, passée par le Conservatoire du 15e arrondissement de Paris, se fait grinçante sans surfer outre mesure sur l'actualité. Elle instille des éléments politiques sans crier gare. Ainsi ce personnage d'ouverture : une prisonnière qui a lacéré son homme de onze coups de couteau et lui a mis la main au mixer, car il préférait se concentrer sur le Sopalin® de la cuisine quand elle lui expliquait la crise des subprimes.

Il y a chez cette actrice une capacité certaine à dire l'horreur calmement, loin de l'hystérie ambiante, et à confronter la brutalité individuelle à celle, bien plus insidieuse, sourde et cachée, de la société.

Sans blague ?!

Attention, il ne s'agit pas là de livrer un meeting déguisé en spectacle (on peut y voir aussi un point de vue idéologique féroce), mais bien d'inventer des personnages pris dans la nasse d'une injustice, d'un mal être comme cette Femme au téléphone que Zouk avait créé jadis, disant mieux la solitude et la misère que de longs discours.

Avec des intermèdes musicaux piochés dans Psychose, Clémence de Villeneuve questionne le présupposé bonheur que génèrent la maternité et la présence des enfants via une baby-sitter polonaise, Erasmus en criminologie, débarquant avec le 7e sceau sous le bras pour enseigner « la Shoah, le sexe, la violence. »

Il y a du Leïla Slimani (et son Goncourt Chanson douce) ou du Joël Pommerat (et son observation cruelle du couple et de la famille dans La Réunification des deux Corées). Mais il y a surtout du Clémence de Villeneuve, sa patte à elle lorsqu'elle déroule la vie de cette stagiaire Narta, master de reportage de guerre à Columbia sous le bras, qui range les pots à crayons de Pujadas depuis six ans.

La révolte et l'implosion suintent par tous les pores de ce spectacle n'empêchant jamais le rire, mais un rire flippant, aussi inconfortable que réjouissant.

Clémence de Villeneuve
Au Boui Boui jusqu'au 1er avril

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