"A Cure for Life" : traitement de choc

A Cure for life
De Gore Verbinski (ÉU-All, 2h27) avec Dane DeHaan, Jason Isaacs...

Impatient de gravir les échelons de son entreprise, l’ambitieux Lockhart accepte une étrange mission : aller chercher l’un de ses patrons en cure dans une clinique suisse. Mais sur place, le jeune trader se trouve piégé dans cet institut aux procédés peu orthodoxes. Au point d’en devenir patient…

à lire aussi : Lone Ranger

La lecture de La Montagne magique de Thomas Mann peut entraîner des effets secondaires différents selon les tempéraments. Ainsi, quand Wes Anderson développe un Grand Budapest Hotel d’une noire fantaisie baroque, le bien prénommé Gore Verbinski accouche d’une série B horrifique aux tendances schizoïdes — c’est-à-dire du genre à se prendre pour du Fincher rectifié Singer. Las ! Sa symbolique ampoulée suggère plutôt le Alan Parker tardif découvrant les mutations stylistiques des années 1990, tout en le plaçant bien loin des atmosphères Mitteleuropa saturées de vapeurs jaunâtres exhalées par Lars Von Trier.

Oscillant entre réalisme hors du temps et fantastique hors d’âge, ce conte gothique peu flamboyant, à la longueur insensée, eût sans doute gagné en digestibilité à être développé sous forme de série télé : il en présente tous les critères. Son dénouement flou en aurait aussi bénéficié, lui permettant de se débrouiller posément, plutôt que sur un écheveau d’incertitudes bâclées et un rire dément…

à lire aussi : Rango


3 questions à... Gore Verbinski

Réalisateur des trois premiers volets de Pirates des Caraïbes, de Rango (2011) et de Lone Ranger (2013), Gore Verbinski s’essaie au thriller fantastico-métaphysique. Rencontre.

Pourquoi avoir situé votre film en Suisse germanophone ?
Gore Verbinski : Parce que notre influence principale avec le coscénariste Justin Haythe, c’était La Montagne magique de Thomas Mann. Nous voulions l’idée d’un sanatorium en hauteur depuis des siècles, contemplant la société, et qui ait été le témoin de la révolution industrielle, de l’avénement des ordinateurs. En somme, toutes ces choses ayant petit à petit mis l’Homme moderne dans la condition de maladie où il se trouve. Ce lieu est aussi un endroit de purification, comme une bulle, hors de l’espace-temps : quand l’on s’en approche, les portables ne marchent plus, les montres s’arrêtent, le temps s’écoule dans un registre différent. Lorsque le héros y arrive, il est “ailleurs”.

à lire aussi : "Loving" : et ils vécurent (difficilement) heureux…

Quelles sont vos autres influences, en particulier cinématographiques ?
Au moment de la production, alors que le film était déjà écrit, l’un des producteurs m’a conseillé de regarder Traitement de choc (1972) d’Alain Jessua que je ne connaissais pas. Ça m’a beaucoup intéressé, mais ça n’a pas été une influence directe. Le fil narratif de notre film, c’est la maladie et plus encore, l’inéluctable. On a toujours l’impression que quelque chose existe dans l’ombre, comme une tache noire sur une radio ; une force qui exprime le reflet d’un déni — car notre société est beaucoup dans le déni. J’aime les films qui ont ce sens de l’inéluctable comme Le Locataire (1976) de Polanski, Ne vous retournez pas (1973) de Nicolas Roeg, Shining (1979) de Kubrick ou The Servant (1963) de Losey.

En quoi le cinéma de genre vous intéresse-t-il ?
Quand le rideau se ferme, il y a une distance entre ce que vous avez vu et ce que vous ressentez. Si ce que vous voyez parle à votre âme, quand vous sortez du “traitement” proposé par le film, peut-être que vous aussi, vous allez ressentir des effets secondaires. Par le film, nous essayons de pénétrer en vous psychologiquement ; de faire en sorte que vous soyez le malade. Et de vous confronter à la fin à la question : « Comment vous sentez-vous ? »

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Jeudi 23 janvier 2014 Fin du diptyque de Lars von Trier, qui propulse très haut sa logique de feuilleton philosophique en complexifiant dispositif, enjeux, références et discours, avec d’incroyables audaces jusqu’à un ultime et sublime vertige. On ose : chef-d’œuvre...
Dimanche 19 février 2012 Surfant plus ou moins habilement sur la mode du faux documentaire en l’hybridant avec le film de super-héros, Chronicle hume l’air du temps hollywoodien où le cinéma tente de rivaliser avec la série télé. Christophe Chabert

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X