article partenaire
Quand on arrive en livre !

Riad Sattouf : « Le patriarcat me semble être à la base de tout ce qui bloque »

Riad Sattouf

Librairie La Bande Dessinée

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Bande Dessinée / Alors que le deuxième tome de ses Cahiers d’Esther vient de sortir, Riad Sattouf, passionnant auteur de BD (son Arabe du futur est un véritable succès) et réalisateur de deux bijoux cinématographique (dont un, malheureusement, incompris), sera mercredi à Lyon.

Vous êtes une figure très populaire de la BD française actuelle. Quasiment une star ! Et vous continuez les rencontres dans les librairies...
Riad Sattouf :
Je fais des bandes dessinées "professionnellement" depuis quinze ans, mais c'est une grande passion qui me suit depuis l'enfance. Au début, je n’avais pas énormément de lecteurs mais j’étais déjà heureux de vivre de ma passion. Alors maintenant que j’en ai beaucoup, je suis encore plus heureux et j’ai du coup envie de tous les rencontrer, de tous les connaître… Je suis même devenu un peu drogué à ces rencontres dans lesquelles j’apprends plein de choses !

à lire aussi : Jain : « écrire une chanson, c'est une sorte de thérapie »

Et en plus, j’adore les librairies. J’aurais adoré être libraire. Les libraires font partie, pour moi, des gens les plus précieux de notre société. Surtout dans les petites villes où l’on parle tout le temps de désertification : ils sont porteurs de lien social, ils créent des communautés autour d’eux. Je rêve de monter une librairie un jour. D’ailleurs, si on me demande si je me sens plutôt Syrien ou Français, je dirais que je me sens plutôt lecteur et amateur de livres !

Vous présentez le deuxième tome des Cahiers d'Esther, qui évoque la vie d’une jeune fille d’aujourd’hui. Une série qui vient après L'Arabe du futur, dans laquelle vous racontez votre enfance. Vous vouliez changer de sujet, vous éloigner de vous, tout en restant dans le réel ?
Quand, en 2014, j’étais en train d’écrire L’Arabe du futur, je me rappelais de mon enfance, de mes souvenirs… C’est à ce moment-là que j’ai revu cette petite fille que je n’avais pas vue depuis longtemps – c'est la fille d’un couple d’amis. Elle avait neuf ans à l'époque et était très volubile. Elle s’était mise à me raconter sa vie, comment ça se passait à l’école, ses goûts musicaux, comment se comportaient les garçons… Des paroles qui ont tout de suite fait écho à ma propre expérience d’enfant que j’étais en train de raconter dans L’Arabe du futur. D’où cette envie de raconter son enfance à elle, aujourd’hui, trente ans après la mienne. Pour voir s’il y a des points communs, des différences…

à lire aussi : Jacotte Brazier : l’héritière

Comment marche votre binôme avec Esther ?
Je l’appelle assez souvent, je la vois parfois… On parle, je lui pose des questions, je prends beaucoup de notes… Je vais la suivre jusqu’à ses dix-huit ans, à raison d’un album par an, pour observer comment passe une jeunesse – sauf si elle me vire avant bien sûr !

Revenons sur L'Arabe du futur, dont les trois tomes déjà publiés ont connu un immense succès – 1, 5 millions d’albums vendus. Comment a débuté cette aventure ?
En 2011, j’ai dû aider une partie de ma famille à quitter la Syrie. J’ai eu beaucoup de difficultés à leur obtenir des autorisations pour rentrer en France. J’ai alors voulu raconter ces difficultés en bande dessinée. Mais pour que ça puisse être intéressant pour le lecteur, qui forcément ne connaît rien à mon histoire, il fallait que je la raconte depuis le début. C’est comme ça que je me suis lancé dans L’Arabe du futur.

C’est une série de bandes dessinées dont le titre est très fort…
Je l’explique dans le volume 1. Quand j’étais petit et ne voulais pas aller à l’école, mon père me motivait en me disant que l’Arabe du futur doit y aller, en opposition selon lui à l’Arabe du passé qui n’était pas éduqué, colonisé… Dans cette notion d’Arabe du futur, il y a donc une notion désuète de nationalisme que je voulais conserver. Et en même temps, il y a aussi cette notion d’enfance, comme les enfants portent en eux tous les espoirs pour le futur : le futur sera forcément mieux que celui que l’on connaît. C'est quelque chose d’assez nostalgique…

Le grand public vous connaît aussi grâce à une autre casquette : celle de réalisateur. Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cette aventure ?
Parce qu’Anne-Dominique Toussaint, la productrice, me l’a proposé. On a fait Les Beaux Gosses qui a été un énorme succès à sa sortie en 2009. Ça m’a donné plus de moyens pour un deuxième film : j’ai fait Jacky au royaume des filles, qui lui a été un énorme four...

Dans Jacky au royaume des filles, comme dans pas mal de vos œuvres, vous parlez de manière détournée du monde… Une façon de procéder imagée plus forte qu'un discours frontal ?
Les questions d’égalité entre les femmes et les hommes sont le sujet majeur du XXIe siècle, de l’humanité moderne… Si on arrive à cette égalité, je pense que l’être humain s’en sortira. C’était donc normal pour moi de faire un film sur ce sujet, et notamment sur le patriarcat, qui me semble être à la base de tout ce qui bloque. Après oui, je ne veux attaquer personne, aucune religion, donc pour en parler, j’ai été obligé de créer un monde parallèle.

Du fait de vos œuvres comme L'Arabe du futur et de vos origines franco-syriennes, on vous interroge souvent sur la géopolitique actuelle, sur les questions autour du monde arabe… Vous semblez toujours y répondre avec prudence, comme si vous ne vous sentiez pas légitime pour émettre un avis…
Oui, même si ce n’est pas que je ne me sens pas légitime. Je ne me sens juste pas à l’aise avec le temps médiatique, où il faut réagir constamment à des événements qui viennent de se passer. Mon temps d’expression, c’est celui du livre. Dans mes livres, et également dans mes films, je dis ce que je pense. En dehors, je préfère m’abstenir. Ce qui n’est pas plus mal : comme il y a plein de gens qui ne s’abstiennent pas de s’exprimer, ça contrebalance !

Rencontre avec Riad Sattouf
À La BD le mercredi 8 mars à 13h

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Vendredi 11 juin 2021 Officiellement, la 16e édition du Lyon BD Festival se tient les 12 et 13 juin. Mais chacun sait que, dans les faits, le rendez-vous de la bande dessinée a commencé depuis une septaine déjà. Rien à voir avec quelque éviction prophylactique :...
Mardi 23 septembre 2014 Riad Sattouf est sans doute l'auteur de BD le plus observateur de sa génération. "L'Arabe du futur", le recueil de souvenirs d'enfance qu'il dédicacera cette semaine, confirme qu'il est aussi le plus lucide. Benjamin Mialot
Mardi 15 juillet 2014 Pour son premier long métrage, Thomas Cailley a trouvé la formule magique d’une comédie adolescente parfaite, dont l’humour est en prise directe avec la réalité d’aujourd’hui. Il dispose d’un atout de choc : Adèle Haenel, actrice géniale révélant...
Vendredi 24 janvier 2014 Après "Les Beaux gosses", Riad Sattouf élève d’un cran son ambition de cinéaste avec cette comédie sophistiquée, aussi hilarante que gonflée, où il invente une dictature militaire féminine qu’il rend crédible par des moments de mise en scène très...
Jeudi 2 janvier 2014 Après une année 2013 orgiaque, 2014 s’annonce à son tour riche en grands auteurs, du maître Miyazaki à une nouvelle aventure excitante de Wes Anderson en passant par les vampires hipsters croqués par Jarmusch et les flics tarés de Quentin...
Lundi 11 juin 2012 Quand on pense musique canadienne, on se représente une «diva rock'n'roll» pour qui la consommation de quelques grammes de cannabis à Amsterdam est un (...)
Jeudi 22 avril 2010 La Vie secrète des jeunes – Tome 2 L'Association
Lundi 22 juin 2009 On a découvert Riad Sattouf sur le tard, via son personnage culte Pascal Brutal. Soit la description en bande dessinée, dans une France futuriste dirigée (...)
Vendredi 19 juin 2009 Cyril Despontin, président de l’association Zone Bis, organisatrice de L’Étrange Festival et des Étranges séances. Vertige d’Abel Ferry À défaut d'être (...)
Mardi 2 juin 2009 Une comédie sur des ados moyens, dans un espace-temps insituable, se jouant des codes du réalisme avec un humour franchement incorrect : le premier film de Riad Sattouf est un pur bonheur. Christophe Chabert

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X