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Des bons plans pour Noël

Alain Garlan, l'initiateur

Alain Garlan, l'initiateur
Frigo Generation 78/90

Musée d'Art Contemporain

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Portrait / Cet homme a participé au culte collectif Frigo, à l'honneur en ce moment au Musée d'Art Contemporain. Mais aussi aux lancements, dans le désordre, de : TLM, Radio Bellevue, Symposium d'Art Performance, Zap FM, Couleur 3, le Truck et bien plus encore. Mais il faudrait un livre pour tout raconter. Ça tombe bien, il existe et se nomme Rois de la forêt, tout juste paru. Voici (une partie de) l'histoire d'Alain Garlan.

Fracassant, le retour ! Il faut croire que les vieux rebelles ont le cuir épais. Oh, pas tous... Mais Alain Garlan, l'œil toujours alerte, le regard un brin taquin, oui, c'est certain. L'homme a déjà marqué en profondeur l'underground lyonnais, il y a bien longtemps. Et a continué à naviguer dans l'overground, les années suivantes. Laissant infuser dans la ville un feeling mödern qui aujourd'hui porte son empreinte : pas pour rien que Christophe Mahé, le boss de Radio Espace, accueille de nouveau Garlan et sa bande dans son groupe audiovisuel avec Radio Bellevue Web. Que Vincent Carry, directeur de Arty Farty, les suit de près et pense encore à eux pour son futur incubateur, les renommant « la start-up de vieux »... Comme Cyrille Bonin le boss du Transbordeur, ils ont tous grandi en écoutant Bellevue ou Zap sur leur transistor dans les années 80 ! Et Thierry Raspail, aujourd'hui, leur offre une salle du Musée d'Art Contemporain : come-back pour Frigo. Késako ?

À la base, un court moment, Alain Garlan veut devenir éducateur. Ou directeur de MJC :

« Je me suis très vite impliqué dans les comités d'éducation populaire, je voulais faire ce boulot. Mais j'ai vite oublié : c'était pas mon truc... J'ai fait du théâtre. Pour l'envie de jouer, d'abord. Être devant. Être regardé par les filles. »

C'est l'époque du Living Theatre, troupe fondée par Judith Molina et Julian Beck à New York, libertaire et joyeuse. « Je suis allé les voir dès que j'ai pu. Mais avant, je suis allé voir des trucs plus classiques. Et Planchon : j'allais au théâtre de la Cité. Ses comédiens permanents venaient jusqu'à La Duchère vendre des tickets. À l'époque, il n'était pas encore traditionnel, pas bourgeois. Planchon, c'était militant, relativement marxiste, il adaptait Brecht. Moderne ! Après, j'en ai pensé autre chose... Mais c'est toujours resté un metteur en scène sachant travailler le plateau. Après, arrive la découverte du happening avec Jean-Jacques Lebel. »

Jeté de képi

Il faut dire qu'Alain Garlan et les conventions bourgeoises ont toujours eu du mal à danser la valse ensemble. Plutôt le pogo...

« En 1968, j'ai été embarqué dans le service militaire : j'ai perdu deux ans à apprendre à marcher à pas. Ça laisse des souvenirs désagréables et j'ai mis un moment à m'en remettre. Après, quand je croisais un képi, j'avais envie de le jeter dans le Rhône, d'une force terrible... Maintenant, ça va mieux. Mais l'idée de la hiérarchie et du respect des règles, je n'en suis pas encore guéri complètement. »

Forcément, ça laisse des traces. Surtout quand on passe les swinging sixties à se nourrir de pop planante et de protest songs à l'américaine, genre Joan Baez et Bob Dylan :

Because something is happening here
But you don't know what it is
Do you, Mister Jones ?

Garlan comprend vite, lui. Il a été à bonne école. « Je me suis battu dans la cour de récréation contre la constitution de 1958... J'avais dix ans ! On était très peu à être contre ce référendum. J'avais une conscience, mais d'enfant : j'avais pas lu Marx, encore ! » rigole-t-il, avant d'expliquer plus sérieusement que le Parti Communiste Français, alors, était « un outil de connaissance, d'apprentissage. Ça a été quelque chose d'important pour notre génération et celle d'avant. Il fallait faire sa culture soi-même. Et j'avais été viré du lycée Jean Perrin avant le bac. J'étais un élève extrêmement turbulent, voire désagréable. Sauf en cours de français. Et au cours de théâtre du lycée, où je passais mon temps. »

C'est en 1962 que la famille est venue s'installer à La Duchère, fuyant la crise du textile qui privait le papa d'un emploi à Paris : « Mon père avait trouvé du boulot rue des Feuillants, dans une boutique qui fournissait des textiles brodés pour le roi du Maroc. J'avais pas encore 14 ans ».

« Mais je ne suis pas lyonnais et je ne le serais jamais : je suis né à Paris. Ce qui est un mauvais début, pour être un Lyonnais... »

Enfance passée dans les quartiers populaires de la capitale, à Bastille, aux Batignolles, au pied du Sacré-Cœur, avec un petit frère et une sœur : « J'ai vécu une enfance heureuse, à l'époque dans les quartiers populaires il y avait une vraie solidarité entre ritals, espagnols, bretons... tout le monde se dépannait car personne n'avait rien : c'était assez facile de partager. Dans une famille de prolos classiques, militants coco, très impliqués. Ils ont milité jusqu'à Budapest, quand l'URSS s'implique de manière visible dans les pays de l'Est pour ramener l'ordre, cassant le Printemps de Prague et les suivants. »

Ouvrir un Frigo

Le spectacle vivant, forcément vivant, lui devient vite vital. « Avec ma première épouse, dès 20 ans, on a fait des marionnettes ; j'ai vécu de ça, pendant trois ans, on tournait dans les écoles maternelles. Après, avec les gens qui m'avaient appris le théâtre à La Duchère, j'ai monté une compagnie : La Grenette, à Villeurbanne. On fait encore beaucoup de jeune public, surtout on tourne dans les banlieues rouges. » C'est à ce moment-là que vient la rencontre avec les deux Gérard, Bourgey et Couty. Les deux bossaient beaucoup en graphisme pour les mairies communistes. Ils sont embauchés par la troupe pour les décors et autres visuels.

« On est devenus copains et ils ont décidé de quitter les pentes de la Croix-Rousse, où ils avaient participé à la création de Faits Divers Magazine, au sein de la galerie Traboule 69 » qui allait être détruite. C'est là où s'est constitué ce groupe de jeunes gens modernes de Lyon, en référence à Actuel : Bourgey et Couty ont trouvé un local rue Saint-Michel, une ancienne fromagerie, « dont je suis devenu colocataire au black, la revue s'est installée dans ce local qui est devenu le Frigo. C'était en 1978. »

« Une revue est souvent un ferment d'unité autour de gens qui ont une esthétique, une pensée politique. »

Costume et cravate fine de rigueur, c'est l'époque : s'ensuit l'aventure Frigo, mêlant art très moderne, déniaisant l'art vidéo (collaborant avec le magazine Infermental), fricotant avec la performance.

« On était très intéressés par la société, par le monde. Par l'international. On a été très vite en contact avec des artistes internationaux grâce au Symposium d'art performance, qui avait été monté par Orlan et Hubert Besacier, un curateur. Ils ont réussi à convaincre la fille qui venait de prendre la direction de l'ELAC, l'Espace Art Contemporain Lyonnais : Marie-Claude Jeune. Et avec un peu de naïveté feinte, elle les a laissé faire. Il se passait beaucoup de choses du coup à l'ELAC. C'est à ce moment-là que l'on a rencontré Charles Picq, qui était vidéaste.

«Très peu de gens faisaient de la vidéo : ça coûtait deux bras et c'était très lourd. »

On avait convaincu une boîte de nous prêter du matos. On a travaillé en vidéo pour des institutions, ça nous a permis d'acheter notre matériel. Et de faire nos propres trucs. Voilà comment on a monté notre business en parallèle de notre activité de création. » Autofinancé, Frigo.

Ébullition !

« On a eu beaucoup de chance : pas grand monde faisait des choses intéressantes à cette époque à Lyon. Et il y a eu 1981, l'espoir du changement. »

Le collectif Frigo durant dix ans, jusqu'à la chute du mur de Berlin, agite le microcosme local mais aussi international, s'aventurant jusqu'en Inde. Investit la bande FM avec Radio Bellevue, puis fait une télé pirate, en 1983. Culte.

Alain Garlan en parallèle monte un projet de télévision privée avec des investisseurs : c'est ce qui amènera TLM en 1988, dont il devient directeur d'antenne, avant d'être rapidement licencié. « J'ai toujours fait plusieurs choses à la fois ! » En 1989, il participe à l'aventure du Truck, salle mythique de Vénissieux devenue Bizarre! l'an dernier, où toute la crème du rock'n'roll de l'époque a joué avant implosion un an plus tard, en même temps qu'il monte Zap FM. Avec l'équipe de Zap, s'ensuit Virage FM, qui propose les premiers décrochages de Couleur 3 à Lyon. Avant rachat de Virage par... Christophe Mahé, qui aujourd'hui les héberge, donc, avec Radio Bellevue Web. Une boucle de bouclée ? Avec Alain Garlan, rien n'est moins sûr : ce grand lecteur de Jean Genet a toujours un projet d'avance.

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