Jazz / Toujours au sommet, cette fois du Mont Ararat où son dernier disque puise son inspiration, Tigran Hamasyan revient après plusieurs années hors des sentiers battus au piano solo, formule qui l'a révélé comme un prodige du jazz et de la musique contemporaine.
Tigran Hamasyan construit souvent ses disques en opposition aux précédents, comme s'il s'agissait de ne jamais reproduire la même formule et de changer sinon de visage – son style reste néanmoins reconnaissable entre tous –, du moins de masques, qui sont chez lui autant de nuances.
Ainsi avait-on eu droit avec Shadow Theater à ce qui ressemblait beaucoup à un album de pop, contribuant à extraire pour de bon Tigran de son image de pianiste jazz et à magnifier ses talents de mixeur de genres : musique classique, contemporaine, traditionnelle, jazz, rock... Un disque qui reste sans doute à ce jour le plus impressionnant du jeune Arménien.
Le suivant Mockroot revenait un peu plus aux basiques : le jazz, la musique arménienne, une expression du piano solo qui n'appartient qu'à lui, mais avec des intrusions rock très tendues, à la fois héritières du métal, mais aussi des expressions folkloriques du Caucase. Puis Tigran avait reculé de quelques siècles pour se produire dans des églises avec un chœur de chambre afin d'interpréter de la musique religieuse arménienne du Ve siècle (ce qui donna l'album Luys i Luso).
Chausse-trappes
On pourrait aujourd'hui se figurer que An Ancient Observer, son disque du moment, est un retour aux sources du piano solo, formule qu'il avait "quitté" après A Fable, il y a sept ans.
Sauf qu'après toutes ces expériences, même en solo Tigran ne semble jamais tout à fait seul avec lui-même, et que désormais ce genre de promesse se laissera toujours un peu déborder par une inspiration qui s'enroule autour de rythmiques complexes, héritage de la musique arménienne qui l'irrigue. Inspiré par le Mont Ararat, ce volcan biblique, An Ancient Observer se révèle bourré de chausse-trappes qui mêlent le répertoire arménien à l'avant-garde pianistique, le chant séraphique au beatbox, le baroque aux synthétiseurs.
Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre mais les deux à la fois, c'est peut-être cela la patte de Tigran : où qu'elle se pose, elle laisse des empreintes et marque un territoire musical sans cesse élargi.
Tigran Hamasyan
Au Radiant-Bellevue le mardi 25 avril