Dans son Voyage à travers le cinéma français, Bertrand Tavernier révèle que son premier souvenir de cinéma se rattache à la vision de Dernier Atout (1942) de Jacques Becker ; ce même réalisateur connu pour avoir immortalisé Saint-Germain-des-Prés, révélé Lino Ventura et Michel Constantin, ou inspiré à François Truffaut le concept de “politique des auteurs“. Trop tôt disparu, ce Howard Hawks français laisse une petite dizaine de films d'un étourdissant éclectisme, où cependant le genre noir s'octroie la part du lion.
Parmi ces perles en figurent deux monumentales, reprises ici pour le cycle Ciné-Collection, chacune ayant contribué à fonder des légendes du 7e art. D'abord Casque d'Or (1952), un drame de la jalousie se déroulant au XIXe siècle dans le monde des apaches parisiens, illuminé par l'irrésistible beauté vénéneuse de la nouvelle-venue Simone Signoret, rendant fou le malheureux Serge Reggiani.
Ensuite, Touchez pas au grisbi (1954), adaptation d'Albert Simonin, matrice du polar “entre hommes” au langage fleuri, tel qu'il proliféra dans la décennie suivante. Porté par un lancinant thème à l'harmonica de Jean Wiener, ce classique du film de gangsters offre à un Jean Gabin alors sur le retour un rôle empli d'une autorité et d'une stature incontestables. Son succès sera tel dans cet emploi que l'acteur ne quittera plus jamais ni les têtes d'affiches, ni les personnages de notables — fussent-ils des membres de la pègre. Et qu'il continuera, après une généreuse distribution ici prodiguée notamment à Dora Doll et Jeanne Moreau, à asséner des baffes claquantes à ses partenaires féminines... ou masculins.
>Jusqu'au 12 juin dans les salles du Grac