Heretik, dans la légende

« C'était... La techno, la drogue et le sexe. Alors moi j'ai fait une croix sur le sexe, j'ai pris beaucoup de drogues, et j'ai écouté énormément de techno. » Ainsi Léo résume l'aventure des mythiques Heretik System, dont il faisait partie, au commencement d'un documentaire culte leur étant consacré, We had a dream, réalisé par Damien Raclot Dauliac. Un film éloquent qui montre toute la folie et l'urgence créative dégagée par ce collectif formé en 1996, ayant marqué l'histoire des musiques électroniques en France, par de très nombreuses fêtes sauvages et des tracks emblématiques du mouvement des free partys, imposant dans la réalité le concept des Zones d'Autonomie Temporaire théorisé par Hakim Bey. Il faut voir dans ce film le policier des renseignements généraux expliquer son travail pour suivre ces brigands de la fête : c'est aussi hilarant qu'instructif... « Un p'tit peu par habitude, on a suivi les exploits des Heretiks. Sachant que bon, on a pas été déçu : ils en ont fait quand-même un paquet ! »

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Et c'est peu de le dire... Nourris par les lectures de Bakounine comme par la légende entourant les Spiral Tribe, ces Anglais ayant entraîné tant de vocations, les Heretiks signent leur première action d'envergure en organisant une fête... dans la gare de fret de Bercy, en plein Paris, au nez et à la moustache des autorités. C'était en 1999 mais deux ans plus tard, le samedi 14 avril 2001, c'est tout simplement le plus bel exploit du genre dans l'hexagone que la bande réussit en investissant la piscine Molitor, bâtiment art déco des années 20 situé en plein quartier bourgeois du 16^e arrondissement, alors abandonné et laissé aux graffeurs et squatteurs.

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J'peux pas j'ai piscine

Sur le site Defcore.com, un participant raconte : « 00h00 : Tout est presque prêt ! Dehors, il y a déjà quelques personnes qui squattent car les rumeurs sur l’endroit ont très bien tourné. Et bien sûr la police tourne pour savoir ce qui se passe… Il y a de plus en plus de monde dehors et la situation devient dangereuse, car il y a aussi de plus en plus de flics. Alors les organisateurs décident de commencer à faire rentrer les squatteurs indiscrets, l’infoline est lancée et dix minutes plus tard c’est plus de 2000 personnes qui débarquent devant l’entrée !! TROP DE MONDE !! GRAVE TROP DE MONDE !!

La fête est dantesque, les DJ et lives de la bande s'enchaînent, de TomBuilder à Signal Électrique, en passant par Beuns, Nout et même Manu le Malin débarqué au petit matin de Strasbourg pour clôturer la fête. Ce soir-là, Heretik est entré dans la légende et ne pouvait guère aller plus loin. L'apogée du mouvement free party venait d'être atteint, du moins côté feeling ; d'autres fêtes attireront encore plus de monde. Comme les Bérurier Noir en leur temps, les rebelles s'attaquent alors aux symboles du show-business : d'abord un Zénith de Paris en février 2007 en compagnie des copains de Trouble Fêtes, puis un Olympia un an plus tard. L'un des DJs du crew s'est émancipé : Popof est devenu une star mondiale, surfant sur la vague minimale techno, parcourant le monde et multipliant les hits pour dancefloor.

Les Heretiks ont résisté à tout. À la répression policière et gouvernementale, aux médias les traitant longtemps de voyous, aux sirènes du succès. La tribu est restée dans sa majorité soudée, résistant aussi au temps pour aujourd'hui fêter ses vingt ans d'activisme dans l'underground, vingt années d'indépendance totale et de folie joyeuse. Une scène leur est consacrée ce samedi au festival Dantesk, avec les principaux activistes du crew, de Nout à KRS et Noisebuilder. Forward the revolution, rugissaient les Spiral...

Heretik System - We had a dream
Au Périscope dans le cadre du festival Fest'E-Graine le mardi 13 juin à 20h30