Réversible aux 7 collines : l'équilibre des 7 Doigts

Réversible

Opéra de Saint-Etienne

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Les 7 Collines / Avec Réversible, la compagnie québécoise Les 7 Doigts de la Main s'impose par un cirque mêlant technicité et surtout humanité. Traitant de thématiques autour du passé, des origines et de la construction de l'être, Réversible frappe un grand coup. Nous avons posé quelques questions au metteur en scène Gypsy Snider, qui fait également partie des créateurs de la Compagnie Les 7 Doigts de la Main en 2002. 

En 2002, avec six autres artistes, vous avez décidé de lancer la Compagnie Les 7 Doigts de la main, un cirque à "l'échelle humaine"... Pourquoi à ce moment-là ?
Gypsy Snider : Nous étions tous des artistes de cirque et nous arrivions à un certain âge. Autour de la trentaine, l'acrobate commence à faire une transition importante. Tout d'abord parce que notre physique a un temps limité, mais aussi parce que nous étions déjà mentalement et créativement, des artistes de cirque avec des visions assez larges des expressions que nous pouvions proposer. Si l'on parle des années 90, le cirque était déjà assez développé en Europe. Ce n'était pas encore au même niveau en Amérique du Nord. Nous avions le Cirque du Soleil mais l'expression du cirque contemporain en était à ses débuts.

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On voyait ce grand frère [ndlr : le Cirque du Soleil] prendre énormément de place dans l'industrie du divertissement. Pour notre part, nous étions des "rebelles adolescents". Nous voulions une image contraire à cela. Le grandiose, le fabuleux, le quasi-extraterrestre qu'ils voyaient ne correspondaient pas à notre vision. Nous souhaitions du minimalisme et une créativité centrés sur l'être. Exprimer cette condition humaine n'est pas seulement faire du cirque à taille humaine, mais aussi parler de choses vraies dans notre esprit et dans notre cœur. C'est la base de tout le travail que l'on exécute, même si nous faisons de temps en temps des spectacles de plus grande envergure. Le plus important reste pour nous de mettre un miroir face à la société.

Vous jouez souvent dans des salles de capacités moyennes. Est-ce pour être plus proche du public ?
Oui, c'est ça. À l'origine de la compagnie, nous nous disions que nous n'allions jamais jouer dans des salles de plus de 500 places. Mais nous avons eu la chance de jouer dans des salles bien plus grandes et même à l'ouverture des J.O. à Sotchi en 2014. Cependant, nous essayons de conserver une certaine intimité dans tous nos spectacles. Il faut que chaque individu dans le public ait l'impression qu'on lui parle directement. Peu importe la taille de la salle, nous avons envie de mettre "le quatrième mur derrière le public". C'est-à-dire que le public ait l'impression d'avoir une conversation intime avec le spectacle.

Il faut que chaque individu dans le public ait l'impression qu'on lui parle directement.

Vous parlez de mur, le concept de Réversible se rapporte d'ailleurs à cela, en mettant des murs à deux faces, représentant notre face "intérieure" et notre face "extérieure"...
La scénographie du spectacle est minimaliste avec 3 murs mobiles. Ces derniers proposent deux faces : une de type "façade" et l'autre de type "intérieur", qui, pour moi, sont très théâtrales. Chaque mur possède une porte et une fenêtre. Les portes représentent le passage d'une chose à l'autre, le fait de s'ouvrir à l'opportunité, mais aussi de claquer dans la face de quelqu'un... Les fenêtres sont une vue sur l'âme, sur l'autre côté. Et les murs sont une protection, mais ils nous confinent aussi. Ce sont des obstacles sur lesquels nous pouvons aussi nous dépasser.

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Je souhaitais travailler sur tous ces concepts-là dans ce spectacle, tout en conservant une idée que l'on retrouve souvent chez les 7 Doigts : la tension et l'intention créées dans l'intimité. Quand on met le cirque dans un contexte très enfermé, il explose ces murs et devient beaucoup plus grand. On comprend que le contexte nous enferme et que l'artiste a la capacité de nous emmener plus loin. Il se dépasse et emporte le spectateur. Finalement, cette scénographie de confinement permet paradoxalement d'aller au-delà.

Quand a débuté votre travail sur Réversible ?
J'ai commencé en 2015 avec l'écriture des concepts. S'en est suivi un long processus de casting d'artistes avec lesquels je souhaitais collaborer. Le premier "workshop" s'est déroulé au début de 2016 et la création a été réalisée à la fin de cette même année.

En parlant de ces "workshops" ou phases de recherches, vous avez demandé aux artistes de faire des investigations poussées sur leur propre généalogie ?
Après avoir créé le contexte des murs, je voulais construire une chorégraphie géométrique et remplir ces petits espaces avec des gens qui avaient des intentions. J'ai commencé moi-même à faire des recherches sur ma famille. J'avais besoin de savoir d'où je viens et de m'ancrer dans la société en voyant le chemin qui m'a mené là où j'en suis aujourd'hui.

J'ai demandé à mes artistes de poser des questions que j'avais préparées à leur famille à propos de leurs grands-parents et arrière-grands-parents. Ces questions tournaient autour de deux choses : rechercher un événement qui a changé la vie de leurs aïeux mais aussi à propos d'un choix qu'ils ont du faire et qui les a affectés pour toujours, aux alentours de la vingtaine, c'est-à-dire à l'âge actuel des artistes...

Il y a un tas d'autres questions "annexes" qui ont permis de construire le spectacle : la question de la mode de l'époque, de la musique d'alors, des photos, des textes, des journaux, des événements politiques... Avec ce travail, j'ai réalisé à quel point nous sommes aujourd'hui déracinés et si peu connectés avec nos familles. J'ai également eu un retour de la part de plusieurs des parents d'artistes expliquant que j'avais demandé à leurs enfants de poser des questions qu'eux-mêmes n'avaient jamais osé évoqué avec leurs propres parents.

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C'était extraordinaire d'entendre cela et de recevoir des remerciements sur le fait d'avoir permis d'ouvrir certaines portes qui étaient restées fermées. Une des artistes a par exemple appris qu'elle était juive... Elle ne le savait pas car sa famille avait changé de nom pour survivre et s'échapper. D'autres ont appris ce que leurs familles ont subi comme horreurs avec des cicatrices qui restent encore bien présentes. Ouvrir ces discussions sur le passé a été bénéfique.

Y a-t-il toujours autant de recherches personnelles pour les artistes lors de la création des spectacles de la compagnie ?
C'est à chaque fois la même chose, mais avec des thématiques et des recherches différentes. Ce qui est important chez les 7 Doigts, c'est que le public ait l'impression que le spectacle sort des artistes. Aujourd'hui, le monde du cirque est devenu très technique, mais il faut aussi de l'investissement émotionnel et intellectuel.

Réversible de la Compagnie Les 7 Doigts de la Main, jeudi 29 et vendredi 30 à l'Opéra de Saint-Étienne, dans le cadre du festival des 7 Collines

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