Pop / En dignes héritiers de l'école de Canterbury, Aquaserge livre l'une des musiques les plus aventureuses du moment. Où désir de danse et penchants dada épousent ambition musicale et penchants révolutionnaires, conjuguant le passé décomposé au présent progressif.
Quelque chose dans le mode de fonctionnement et le syncrétisme musical opéré par Aquaserge (Barbagallo, Gasc, Glibert et consorts réunis en un collectif parfaitement démocratique) rappelle les riches heures des maîtres de Canterbury (Soft Machine, Caravan, Gong, Hatfield and the North...), entre les années 68 et 78, décennie en grand huit.
Car ce que l'école de Canterbury a permis – à savoir réconcilier, et même plus que cela, marier sous les meilleures hospices, ce drôle de machin boursouflé que fut le rock progressif, la musique psychédélique et ses transpositions musicales de l'expérience lysergique, et le jazz-rock, enfant bâtard de deux grands courants qui n'ont jamais ménagé leur peine pour le renier – Aquaserge le reprend à son compte tout personnel. N'oubliant jamais aussi d'enjamber l'esprit de sérieux que cette musique a trop souvent donné l'impression de brandir malgré elle.
Où le rock progressif fend la douceur d'une atmosphère complexe où viennent flotter avec grâce des textes minimalistes souvent clairsemés mais nourrissant, en une poésie naïve, une certaine forme, pour ne pas dire une forme certaine de dadaïsme (le dorica castra de Tintin on est bien mon Loulou), ou même de situationnisme. Quelque chose qui, quand même, colle des slogans sur l'époque et ses avanies, comme pour les démonétiser.
Si loin si proche
Laisse ça être, titre en forme de clin d'œil beatlesien du dernier album "d'À quoi sers-je?", pourrait traduire, littéralement, cette intention. Ou se faire le commentaire de la dernière période électorale : L'ire est au rendez-vous, détournant un message de Radio Londres et incluant un vers de Lamartine, évoque l'ombre du FN.
Certes, si Aquaserge plaque ainsi l'un sur l'autre histoire (tout court, musicale) et présent (actualité, improvisation), c'est pour mieux les faire danser, Si loin, si proche, tout autour (des musiques) du monde : « J'entame une danse de solstice / j'appelle les jours propices / Je te chante une messe sans âge / Qui nous ramènera à l'abri, l'abri d'un feuillage ». Il n'empêche que dans ce paganisme musical radical qui fait rimer alchimiste avec anarchiste, Aquaserge refuse d'achever sa propre révolution : « Si tu marches sur tes propres pas, c'est que tu as fait le Tour du monde / Si ton reflet correspond à ton visage, c'est que tu n'es pas la Joconde ». Préférant, jusqu'au bout faire rimer « inspiration qui vient » avec « insurrection qui vient ».
Aquaserge
Au Bal des Fringants le jeudi 28 et le vendredi 29 septembre