Le diable se déshabille en bla-bla : "Que le diable nous emporte"

Que le diable nous emporte
De Jean-Claude Brisseau (Fr, 1h30) avec Fabienne Babe, Isabelle Prim...

Le puritanisme de précaution étant le parfum de saison, il est à redouter que ce Brisseau suscite une volée d’anathèmes venant d’apôtres du boycott moral n’ayant, pour certain·e·s jamais vu une traîtresse image de ses longs-métrages. Depuis sa condamnation devant les tribunaux pour harcèlement et agression sexuelle dans le cadre de son activité de cinéaste, ses opus anciens et récents sont tous entachés de suspicion — d’autant que l’homme n’a pas renoncé à filmer des femmes se dévêtant et s’aimant dans de vastes appartements : Que le diable nous emporte en témoigne. Et sa confidentialité, comme sa fragilité économique, en font une bien commode cible expiatoire : lorsque l’affaire Weinstein a enfin éclaté (et qu’il fallut faire choir des têtes), quelques heures suffirent pour que sa rétrospective prévue pour janvier à la Cinémathèque soit reportée sine die. Ce malus post-tribunaux a dû en arranger d’autres : pendant qu’on se braquait sur le vieux Brisseau, on ne regardait pas ailleurs…

Que le diable nous emporte creuse donc un sillon de chairs et d’esprits connu : une donzelle élancée s’invite par accident dans un couple de femmes, couche avec elles, leur abandonne son jules alcoolo avant de s’initier à la lévitation en compagnie d’un vieux sage qu’elles hébergent…

Entre interrogation métaphysique, fascination pour les ingénues, esthétique du saphisme, méditation transcendantale, création artistique et voyeurisme, ce film synthétise tout le bizarre, le bancal, mais aussi le bavard de son œuvre. Brisseau rohmerise plus souvent qu’à son tour ; et à travers les mots, la chair se révèle triste, dépassée — d’où cet attrait (déjà ancien) pour l’élévation spirituelle. C’est peut-être là que réside sa subversion majeure, et sa contradiction : user autant d’un cul pictural pour parler de l’esprit.

Notons pour finir que les interprètes, jusqu’à preuve du contraire, étaient ici tou·te·s consentant·e·s, et que rien de dégradant n’est montré. Vraiment, il est sympa, le XXIe siècle…

de Jean-Claude Brisseau (Fr, 1h37) avec Fabienne Babe, Isabelle Prim, Anna Sigalevitch…

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