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La succulente Cuisine d'Elvis
Par Nadja Pobel
Publié Mardi 9 janvier 2018
Photo : © Sonia Barcet
La cuisine d'Elvis
Célestins, théâtre de Lyon
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Théâtre / Farce déglinguée convoquant une famille au bord de l'implosion et un Presley ressuscité, La Cuisine d'Elvis est un terrain de jeu idéal pour l'acteur et metteur en scène Pierre Maillet. De quoi commencer la saison avec une des plus belles réussites de la saison dernière.
Il a l'habitude de voisiner avec Copi. Pierre Maillet, membre fondateur du collectif d'acteurs Théâtre des Lucioles piloté par Marcial di Fonzo Bo, est à l'aise avec un théâtre féroce jamais dénué de tendresse ni de drôlerie. Qu'il choisisse d'adapter et de créer en octobre 2016 cette pièce du dramaturge anglais quinqua Lee Hall, écrite en 1999, est dans la droite lignée de son travail – il fut aussi très récemment le metteur en scène idéal de Marilu Marini dans La Journée d'une rêveuse (Copi, encore...).
Jill, une ado de 14 ans, raconte une vie de famille bien peu modèle entre une mère de 38 ans prof d'anglais alcoolique, son père tétraplégique arrimé à son fauteuil roulant et un inconnu, beauté glacée à la Terence Stamp, qui comme chez Pasolini va bousculer ce trio étriqué en devenant l'amant de la mère, séducteur auprès de la fille, libérateur (sexuel) de l'accidenté.
Love them tender
Tout cela serait grave et imbitable si ce n'était pas jalonné d'un humour anglais qui, comme chez Ken Loach, permet de respirer aux moments où tout semble condamné. Il y a dans l'écriture de Lee Hall, également scénariste de films (Billy Elliott...), une empathie tout à fait sincère pour ses personnages et indispensable pour qu'émerge une adhésion avec eux. Ainsi cette gosse dite « grosse » et paumée ne l'est en fait pas. Ce qui nous est montré est une Jill volontaire, apprenant à cuisiner (odeur de plats comprises), parfaitement en voie d'équilibre ; la mère, certes très "ab fab" est aussi et surtout une femme désemparée face à la maladie incurable de son homme. Et l'amant n'est pas si machiavélique qu'il le parait au premier abord : Matthieu Cruciani, metteur en scène de Gracq (Un beau ténébreux) lui confère une simplicité déconcertante.
Enfin, Pierre Maillet est lui-même ce personnage statique, imitateur de métier d'Elvis dans sa vie valide. À sept reprises, il se relève pour interpréter en mode cabaret une chanson du King. Bien plus que des ponctuations, ces scènes délicieusement jouées, sont l'âme de ce spectacle épatant, scénographié avec intelligence sur deux niveaux par un des maîtres français en la matière, Marc Lainé (aussi à l'origine de la pièce avec les Moriarty, Vanishing point). Cette version de La Cuisine d'Elvis est une merveilleuse rencontre entre des artistes tous parvenus à un niveau de justesse peu commun.
La Cuisine d'Elvis
Aux Célestins du 11 au 21 janvier
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