Pop / Avec Les Choses qu'on ne peut dire à personne, Bertrand Burgalat a sans doute livré l'an dernier son album le plus personnel. Où la richesse des mots le dispute à l'éclectisme musical, l'intime à l'universel et la légèreté de la confession à la gravité de ce que l'on garde pour soi.
Avec sa mise de dandy, son aura de gourou de l'easy-listening, Bertrand Burgalat est toujours parvenu à nourrir une certaine hype sans jamais être à la mode. Peut-être parce que depuis ses débuts, Burgalat, dont son label Tricatel serait le navire amiral, est barré dans un espace temps porteur tout à la fois d'une conception toute personnelle de la pop (mélange de pop légère, d'instrumentaux cinématographiques, de groove tentateur et de musique d'ascenseur émotionnel) et d'une certaine idée de la France (avant-gardiste à force de vintage).
Si avec Les Choses qu'on ne peut dire à personne, son album publié l'an dernier, Burgalat poursuit dans cette voie, il en infléchit malgré tout la course, dans un voyage au cœur d'une géographie intime, la sienne et celle de la France d'aujourd'hui, ce fantôme envahissant.
Aux plumes de Laurent Chalumeau qui lui livre le magnifique morceau-titre, Philippe Vasset, Hélène Pince, Yattanoel Yansane ou, à trois reprises, Blandine Rinkel, auteure multitâche membre du collectif Catastrophe qui se produira au Sonic en première partie de Burgalat et dont le premier album sort très bientôt chez Tricatel, BB ajoute ses propres mots sur trois morceaux.
Sur la banquette arrière
Et c'est sans doute là que le musicien peu habitué à l'expression verbale se révèle le plus touchant. Comme sur le splendide L'Enfant sur la banquette arrière, de ces torrents énumératifs qui parviennent à dresser un portrait de l'auditeur en même temps que celui de l'auteur, dans une forme de poésie aride qui rappelle le Houellebecq de Présence Humaine quand l'écrivain jouait les rock stars antalgiques au sein de la maison Tricatel justement.
Malgré tout, sur l'instrumental Tombeau pour David Bowie – hommage à l'un de ses maîtres caméléons et petite abstraction renvoyée au pascalien silence éternel des espaces infinis du Major Tom – dans l'intimité des notes et des atmosphères, il n'en dit pas moins.
Parce que précisément il n'y a rien à dire de plus, à personne, et que même face aux mots les plus riches, la musique burgalienne s'étale ici encore sur un spectre immense – l'album est truffé, donc, d'instrumentaux aussi versatiles qu'émouvants –, se suffit souvent à elle-même comme plein et entier espace d'expression des choses. Et comme un voyage à elle toute seule, sur la banquette arrière de l'espace et du temps, de l'intime et du monde qui l'entoure.
Bertrand Burgalat & AS Dragon + Catastrophe
Au Sonic le mercredi 24 janvier