Biennale Musiques en Scène / Bérénice Gulmann, déléguée artistique de la Biennale Musiques en Scène, nous emmène au cœur de la nouvelle et palpitante édition État(s) Limite(s). Des créations multiples qui posent la question des frontières, du virtuel et du réel, qui reposent la question des états humains. Quid de cet état entre rêve et sommeil, de ce lieu entre enfance et âge adulte ?
Lorsque l'on regarde la programmation de cette édition, on a le tournis. Pourquoi ce trop ?
Bérénice Gulmann : 47 concerts, c'est beaucoup. Grame est une sorte d'incubateur tout au long de l'année et la Biennale est là comme un moment phare qui montre la création contemporaine dans toute sa diversité. Les artistes s'emparent de disciplines sœurs, travaillent dans la transdisciplinarité. Un festival, c'est un moment où tout est possible, où le public est à même d'aller d'une proposition à une autre sans avoir une idée préconçue, il se laisse emmener par la dynamique, par l'énergie. C'est le cas par exemple du Crazy Week-end à l'Auditorium. Il y a de plus en plus de propositions participatives qui sont possibles grâce aux recherches faites à Grame et aux nouvelles technologies. On a tissé une programmation à la fois très savante et en même temps très ludique.
Comment faire venir un public qui se détourne parfois de la musique de son temps ?
On essaie, au sein d'une même programmation, d'avoir une musique de notre temps assez convenue, plus attendue et d'autres plus surprenantes. À l'Auditorium, dans le même concert, sont programmés La Voix Humaine de Poulenc, l'Ouverture de Don Juan de Mozart et une œuvre participative de Kourliandski où l'orchestre petit à petit se défait de lui-même au profit du public qui devient acteur du concert. On emmène ce même public à la soirée Liszt et Beethoven revisités. Dans ce spectacle, la pièce de Bernard Cavanna Geek Bagatelles nous fait entendre quelques bribes de la 9e Symphonie de Beethoven mélangées à un chœur de smartphones. Le public peut également être surpris par l'œuvre de Vincent Carinola, Virtual Rhizome, pour deux smartphones, une proposition musicale décapante et déroutante. Dans un autre style Myousic, premier spectacle solo de Dimitri de Perrot, propose une expérience sensorielle qui dépasse les limites.
Michaël Lévinas est le compositeur invité cette année. Comment définiriez-vous son univers musical ?
Michaël Lévinas est un compositeur toujours en avance sur son temps. Il écrit de la musique mixte depuis très longtemps. Il a été l'un des inventeurs de la musique spectrale mais, dès qu'elle a été reconnue, il s'en est éloigné. Pour cette Biennale, nous avons construit avec lui une sorte de rétrospective presque chronologique de son œuvre. Lévinas rentre complètement dans la thématique, c'est lui qui parle de « l'au-delà du son ». Il a commencé à utiliser l'informatique musicale dans ses compositions dans les années 80, c'est un visionnaire.
Biennale Musiques en Scène, État(s) limite(s)
En divers lieux du 27 février au 21 mars 2018
Borderline et plus encore
Les containers jaunes comme un signal dans la ville, des phares massifs et incongrus posés ça et là pour annoncer la Biennale Musiques en Scène. Cette année, Grame sort le grand jeu : en état(s) limite(s) comme au bord d'une falaise, comme s'il fallait toujours dire haut et fort que la création contemporaine reste audacieuse, multiple et incroyablement mouvante. Plus de 47 concerts, des installations, des créations hybrides où l'on s'y perd avec joie et un compositeur phare autour duquel gravite la jeune garde. L'invité 2018 n'est autre que Michaël Lévinas, compositeur visionnaire, pianiste inclassable. Les projets participatifs sont de plus en plus nombreux. À ne rater sous aucun pretexte : la création hypnotique d'Hector Parra, ...limite les rêves au-delà. Le compositeur s'inspire de son dialogue avec l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet. Parra met le spectateur dans cet inouï, cet insondable qu'est la question du trou noir. On est pris par l'énergie du violoncelle, par cette proposition musicale unique et l'on ne respire plus.