Un "Chagrin d'Hölderlin" réconfortant par Chantal Morel

Un
Le Chagrin d'Hölderlin

Ramdam, un centre d'art

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Dans le doux travail que livre Chantal Morel sur le poète Friedrich Hölderlin, il y a toute l'apprêté d'une époque corsetée. La déchirure est au cœur de cette très juste création.

Impossible, même les jours de grisaille, de ne pas voir en se promenant à Tübingen, cette tour jaune, lorgnant vers le Neckar depuis la rive. Elle est toujours lumineuse et reste le symbole majeur de cette cité magnifique du Bade-Würtemberg. De ce lieu, il n'est pourtant pas question dans Le Chagrin d'Hölderlin puisque le texte de Chantal Morel se clôt précisément au moment où commence l'enfermement chez le brave menuisier Ernst Zimmer. Durant 37 ans, Hölderlin occupera la pièce du haut, aujourd'hui modeste musée consacré à l'écrivain. Mais, peut-être Chantal Morel ne parle-t-elle en fait que de cela dans ce spectacle qu'elle a créé en janvier 2016 en quittant le Théâtre du Petit 38 (24 places !) qu'elle a occupé durant vingt ans. En retraçant chronologiquement la biographie de cet homme, elle dit en quoi il a perdu la raison.

Orphelin de père à deux ans, en 1772, il est endeuillé par la disparition du deuxième mari de sa mère sept ans plus tard. Celle-ci, peu tendre, l'envoie rapidement en pension dans un collège religieux. « Ce trop aimant qui fut un enfant mal aimé » comme l'écrivait Charles Juliet dans une pièce adaptée en 2002 par Roger Planchon (Approches de Hölderlin) s'affirme de plus en plus et s'érige contre l'institution : il ne sera pas pasteur, mais poète !

« la foi ne saurait être imposée »

Chantal Morel, à l'opposé du travail de Planchon, immerge son récit dans un plateau certes encombré mais pas grandiloquent. Dans une maison mal agencée, aux planches de bois mal fagotées, ses deux actrices endossent chacune le rôle de l'écrivain et de ses proches. La fluidité avec laquelle elles manient leur art ainsi que les interactions avec des personnages présents seulement par la voix (et quelle étrangeté émouvante que d'entendre celle d'enfants !) rendent l'ensemble extrêmement sensible, à l'image d'Hölderlin qui combat la rigueur du séminaire de théologie protestante où la lecture de romans est punie du cachot, où pratiquer la poésie est suspect.

Il s'y fera deux amis : Hegel et Schiller, mais c'est après, fuyant ce milieu sans issue, en devant précepteur à Francfort, qu'il tombe amoureux de la mère de son élève, Susette (la Diotima de son Hypérion). Ni elle ni lui ne se remettront de cet amour condamné. C'est tout le talent de Chantal Morel que de rendre palpable ce romantisme bien sombre à l'époque des idéaux évanouis.

Le Chagrin d'Hölderlin
À Ramdam centre d'art du 2 au 10 mars

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