400 000 euros pour le festival belge / Tomorrowland, l'un des plus gros festivals du monde basé à Anvers, installera du 13 au 15 mars 2019 une édition hivernale à l'Alpe d'Huez, largement subventionnée par la Région à hauteur de 400 000 euros.
C'est par un communiqué de presse de la Région que l'on apprend ce vendredi 9 mars l'arrivée à l'Alpe d'Huez d'une version hivernale du festival Tomorrowland. Ce festival accueille chaque année depuis 2005 à Boom, dans la province d'Anvers en Belgique, plus de 400 000 festivaliers. À l'Alpe d'Huez, 30 000 personnes sont attendues.
Laurent Wauquiez, qui rêvait de son grand festival (au départ, de rock, comme l'avaient révélé nos confrères de Lyon Capitale) accueille donc la grande foire de l'eurodance et ce en grande pompe : 400 000 euros de subvention vont être alloués à ce festival, ce qui fait de la Région son premier financeur public, « une participation inédite » dixit la Région elle-même. Ce qui démontre aussi l'incapacité du président de Région de monter ou de prendre part à un projet original, l'Alpe d'Huez s'étant portée candidate pour importer ce festival très commercial, qui avait déjà lancé des éditions au Brésil ou aux États-Unis en joint-venture avec des industriels américains du divertissement, SFX, pour ce qui s'est avéré un échec. L'édition française sera elle entièrement portée par l'équipe belge : « Cette édition de Tomorrowland a été créée par notre jeune et passionnée équipe anversoise, et nous avons le contrôle sur l'ensemble à 100%. Nous ne pouvions pas imaginer de meilleure manière de fêter notre quinzième anniversaire et nous nous attendons à une année énorme. Nous sommes impatients d'accueillir les festivaliers dans ce cadre magique. » a déclaré sur le site du festival l'un des deux frères fondateurs de l'événement, Michiel Beers.
400 000 euros de la culture... pour la montagne ?
Surtout, se pose la question de l'utilisation des deniers publics : à l'heure où les subventions de nombreuses associations et institutions sont rognées dans la région, lâcher 400 000 euros pour un festival à la ligne éditoriale et artistique pour le moins discutable (euphémisme), qui revendique 25 millions de chiffre d'affaire pour son édition belge selon L'Écho, interpelle forcément et ne manquera pas de faire réagir ceux qui agissent concrètement pour la culture dans nos contrées.
Mais l'idée motrice de ce festival et de son soutien financier n'est sans doute pas à chercher du côté de la culture. Jean-Yves Noyrey, le maire de l'Alpe d'Huez, était en 33e position sur la liste des candidats présentés par Laurent Wauquiez aux dernières régionales : comme souvent avec le président de Région, les soupçons de clientélisme ne sont jamais loin.
Et comme beaucoup de stations de sports d'hiver, l'Alpe d'Huez est en difficulté et souffre d'une certaine désaffection. Le président de Région, sous l'influence de certains de ses proches (en particulier le discuté Gilles Chabert, conseiller général élu sur la liste Wauquiez, devenu son "conseiller montagne", mais aussi président du Syndicat national des moniteurs du ski français, ) est sensible aux demandes de ce secteur : il avait dès 2016 lancé un plan d'investissement en neige de culture de 200 millions d'euros sur six ans. Précisons que messieurs Noyrey et Chabert sont tous deux proches également, se côtoyant en particulier au sein de l'ESF, l'École du Ski Français. L'intérêt touristique et financier pour la commune a visiblement largement primé sur l'approche culturelle pour appâter le festival belge.
Pour revenir à Tomorrowland, on notera que lors de la dernière édition à Anvers de ce festival, le dancefloor s'est vidé lorsque les inventeurs du genre techno que sont Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson ont joué... Car Tomorrowland, c'est surtout le temple de l'EDM (ou eurodance), entièrement voué à la gloire de David Guetta, Calvin Harris, Tiësto et autres stars du même acabit, même si une récente ouverture s'est faite vers d'autres genres depuis que le grand public s'est entiché de la house et la techno. Aucune indication n'a été donnée à l'heure actuelle en ce qui concerne la programmation de jeunes artistes issus de la région sur les scènes du festival.
Le président des Républicains a déclaré via son communiqué : « Tomorrowland Winter sera un événement culturel majeur du calendrier 2019 en Auvergne-Rhône-Alpes. Cette manifestation unique à l'échelle internationale s'inscrira également dans les priorités de la politique culturelle régionale et renforcera l'attractivité de la région pour la première édition hivernale du festival. Pour cette raison, la Région a tenu à être le premier financeur public de Tomorrowland. Avec plus de 360 festivals soutenus, dont 8 dépassant les 100 000 spectateurs, Auvergne-Rhône-Alpes se félicite de pouvoir accueillir les "People of Tomorrow" à l'Alpe d'Huez, l'une des stations les plus prestigieuses d'Europe. »
« Une fois de plus notre région démontre toute son attractivité, tout son potentiel et toute sa capacité à accueillir des événements culturels majeurs et internationaux. C'est une chance incroyable pour notre territoire et plus spécifiquement pour nos montagnes. Tomorrowland Winter pourra compter sur notre formidable écosystème culturel, fort de nombreux professionnels mondialement reconnus et d'une Région pleinement investie pour la culture » a ajouté Florence Verney-Carron, la vice-présidente déléguée à la culture.
Tomorrowland Winter s'étendra sur tout le domaine skiable de l'Alpe d'Huez. Le communiqué précise en outre que « tous les ingrédients sont réunis pour que le festival devienne une expérience inoubliable et encore jamais vue dans le monde » : de toute évidence, Laurent Wauquiez n'a jamais mis les pieds jusqu'ici dans un festival de musique, encore moins électronique, au point de confondre culture et arrivée du Tour de France.