Restaurant / Un couple franco-japonais sert dans un espace simple et clair une cuisine nippone du même ordre, chaleureuse et sans chichis.
Puisque les chefs japonais excellent dans la cuisine française, particulièrement à Lyon, pourquoi un Français ne pourrait pas s'essayer à la cuisine nipponne ? C'est le pari d'Adrien Padirac, qui vient d'ouvrir avec sa femme Naoko un restaurant sur le plateau de la Croix-Rousse. Son nom, Mubyotan, pourrait se traduire en "6 calebasses" : la cucurbitacée passe en effet de l'état de récipient à celui de porte-bonheur lorsque l'on en réunit une demi-douzaine. "C'est "muttsu no hyotan". Qui rime avec "Mubyosokusai", une formule qui conjure la maladie, et apporte la bonne augure", tente de nous expliquer Adrien.
Le jeune trentenaire ne se destinait pas vraiment à la popote - il voulait devenir ingénieur. Mais à l'INSA, en plus d'apprendre le "génie des matériaux", il fonda le club de cuisine de l'école. Il fallut encore un voyage au Japon pour qu'il tombe définitivement dans les marmites. Il s'exila 8 ans, durant lesquels il apprit la gastronomie locale, notamment dans le restaurant d'une de ses amies. De retour à Lyon, il vient de reprendre avec Naoko, le local occupé par un restaurant italien, qu'ils ont, c'est le moins qu'on puisse dire, sévèrement rafraichi. Le résultat : de grands murs blancs, à peine décorés de quelques "chiyogami" (des motifs imprimés anciens), un mobilier rustique (bien que neuf) en chêne clair et merisier, moult suspensions, toutes habillées du même abat-jour en papier et au centre de la pièce, un imposant comptoir en forme de U. "Nous l'avons dessiné, explique Adrien, c'est un peu le bébé du Mubyotan.".
Le cuisinier, que l'on aperçoit en permanence par la fenêtre de sa micro-cuisine envoie des assiettes de grands-mères japonaises. Ni sushis, ni udon mais par exemple, au déjeuner, le kei-chan, la poule-au-pot de là-bas : posés sur du riz, de dodus morceaux d'une volaille noire de Bourgogne, attendris dans le miso, et accompagné de quelques morceaux de chou chinois et de carottes. Ou, le karï (le curry), là encore un plat "popu", servi ici tous les vendredis, comme c'est la tradition dans la marine impériale. L'après-midi, Naoko fait le service des thés verts, et notamment du matcha. Elle se fournit auprès de l'ancestrale maison Horaido de Kyoto et les prépare dans d'adorables porcelaines elles-aussi importées de l'archipel. Au dîner (seulement les jeudi et vendredi), le couple propose une carte de petits mets, comme dans la tradition kyotoïte (l'obanzai). Par exemple, le tamagoyaki, cette omelette ultrafine, roulée au fur et à mesure de sa cuisson dans une poêle rectangulaire, puis coupée en tronçons, ou la salade de pomme de terre ("poteto sarada", tout simplement) : une purée froide un peu fade mêlée à des légumes crus (ici, carottes et concombres). Sinon, d'excellents poireaux vinaigrette - cette dernière étant une épaisse sauce froide au miso jaune. Les desserts visent aussi l'efficace : on se régale d'une pâte de haricots rouges sucrée, sandwichée entre deux pancakes (dorayaki) ou accompagné d'une boule de glace au matcha. Côté boisson, en plus des thés, on peut déguster, non du saké, mais du shochu d'orge ou de patate douce ou de l'umeshu, une liqueur de prune.
Mubyotan
6 rue Duviard, Lyon 4e
Ouvert du mercredi au dimanche au déjeuner ; jeudi et vendredi soir ; samedi et dimanche après-midi