article partenaire
Daniel Auteuil : « rêver sa vie, c'est un peu comme mener une rechercher poétique »
Par Vincent Raymond
Publié Vendredi 1 juin 2018

Photo : © DR

Amoureux de ma femme
De Daniel Auteuil (Fr, 1h24) avec Daniel Auteuil, Gérard Depardieu...
Amoureux de ma femme / C’est sur les terres de sa jeunesse avignonnaise, lors des Rencontres du Sud, que le réalisateur et cinéaste Daniel Auteuil est venu évoquer son nouvel opus, Amoureux de ma femme. Le temps d’une rêve-party…
Le scénario est adapté d’une pièce de Florent Zeller que vous avez jouée. Y a-t-il beaucoup de différences ?
Daniel Auteuil : Ah oui, il est très très librement adapté ! On a beaucoup parlé : je lui ai raconté à partir de la pièce de quel genre d’histoire j’avais envie. Je voulais parler des pauvres, pauvres, pauvres hommes (rires), et de leurs rêves, qui sont à la hauteur de ce qu’ils sont. Certains ont de grands rêves, d’autres en ont des plus petits. Et puis il y avait l’expérience de cette pièce, qui était très drôle et qui touchait beaucoup les gens. Mon personnage est un homme qui rêve, plus qu’il n’a de fantasmes. Un homme qui, au fond, n’a pas tout à fait la vie qu’il voudrait avoir, peut-être ; qui s’identifie dans la vie des autres.
Le cinéma vous permettait-il davantage de fantaisie ?
La pièce était en un lieu unique et était très axée sur le verbe, sur le texte. Une grande partie était sur les pensés, les apartés. Ici, c’est construit comme un film : le point de départ était cette idée de rêve et tout ce qu’on pouvait montrer. Que les rêves, ressemblent à la réalité du film et que peu à peu les spectateurs ne sachent plus s’ils étaient dans la vraie vie ou dans le rêve… L’idée qu’ils puissent se perdre.
On a l’impression que vous essayez de nous perdre…
Oui c’est ça, c’était le but. De vous prendre par la main, et puis de vous lâcher. Le montage a été important mais techniquement, j’ai utilisé des plans séquences dans le film. J’aime bien cette idée de faire jouer les gens le plus longtemps possible, en les suivant avec la caméra, en m’approchant, en faisant des gros plans… J’ai aimé ce rythme là. J’ai inversé quelques parties de rêves pour les avancer, les déplacer un peu. C’est à la fois un film rythmé, serré, mais qui laisse le temps aux acteurs de jouer.
Votre personnage use de nombreuses stratégies pour annoncer une vérité dérangeante à son épouse…
Alors j’ai joué plusieurs rôles comme ça dans ma vie. J’ai joué un menteur qui finit mal : c’est L’Adversaire. Depuis ce rôle-là, je n’ai plus jamais menti de ma vie. Jean-Claude Romand — je ne sais pas s’il est sorti de prison ou pas — est un des rôles les plus difficiles que j’ai eus à jouer. Je n’ai joué que son incapacité à affronter la réalité, alors qu’il avait la capacité de devenir tout ce qu’il a rêvé. Le jour de son examen par exemple…
C’est un rôle qui vous a vraiment marqué…
Oui c’est un rôle, mais aussi quelqu’un qui existe, qui fait sa vie, qui la refait. C’est pour moi quintessence de la tragédie la plus terrible. Par incapacité de soi-même, de se réaliser, on détruit les autres. C’est horrible. Mais bon…
Vous semblez vouloir affirmer une différence marquée entre rêve et le fantasme…
Oui, j’insiste. Mon personnage est un rêveur plus que quelqu’un qui fantasme. Il n’a pas besoin de fantasmer plus que ça, mais cela dit la barrière entre rêve et fantasme, elle est ténue. Mon personnage est d’avantage un poète rêveur envieux de la vie des autres que quelqu’un qui est dans le fantasme. Rêver sa vie, c’est un peu comme mener une rechercher poétique ; c’est une façon de la fuir. Et fantasmer, c’est prendre un chemin pour aller accomplir quelque chose, c’est un but. C’est ça, la différence.
Vous êtes-vous nourri du cinéma d’autres réalisateur ayant déjà exploré ces frontières ?
Parmi mes références, j’ai beaucoup eu Cet obscur objet du désir de Buñuel (mais en version légère), Almodovar, aussi. J’aime également le cinéma de Renoir, sa façon de filmer les gens dans les mouvements. Ou Le Magnifique, quand Bébel est romancier et qu’il invente sa vie… Il n’est pas dans le fantasme, il est dans le rêve. Il est emporté par son rêve — et moi aussi d’ailleurs. Mais il a beaucoup de chance parce qu’il a tellement d’imagination, il vit tellement tout jusqu’au drame…. Il me fait de la peine, quand même, parce que il est tellement content de ne pas avoir fait ce qui est arrivé…
Le rôle d’un acteur, finalement, n’est-ce pas de rêver ?
Toujours, toujours… C’est une vie aussi rêvée : ce tournage, ce film, ces rencontres… Un tournage c’est une bulle, c’est un moment privilégié où bien sur j’ai des responsabilités. Mais j’ai réussi à être léger sur ce film. Je me parle beaucoup à moi-même maintenant, et effectivement je l’ai rêvé ce film. Pour faire un film aujourd’hui, il faut se battre. C’est compliqué. Et au fond, c’est l’atterrissage du rêve qui se fait en douceur avec vous. D’avoir imaginé des choses et de voir que ça a pénétré un peu. C’est Sautet qui me disait : « écoute, l’amour c’est un rêve, c’est un songe, alors, quitte à que ce soit un songe, autant que ça le reste et que ça se termine bien. »
C’était toujours compliqué de faire un film, même quand on s’appelle Daniel Auteuil et qu’on a Gérard Depardieu avec soi ?
Aujourd’hui c’est plus difficile, oui. Parce que y en a beaucoup. On l’a fait, ce n’est pas la question. Mais c’est compliqué.
Et être réalisateur, est ce que c’est être encore plus rêveur ?
Il faut rêver à tout !
Vous continuez à rêver toujours ?
Oui, tout le temps. Et c’est épuisant.
Quand vous arrêtez-vous de rêver ?
Je crois que c’est le jour où je vais arrêter de boire, de manger, de respirer.
Quel rêve n’avez-vous pas encore réalisé ?
Il y en a pleins, sûrement. Mais je dois dire, puisqu’il faut être raisonnable, je citerais Diderot quand il dit : « encore 30 ou 40 ans de cette vie imparfaite et c’est parfait ».
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mercredi 19 avril 2023 Invité aux Rencontres du Sud pour présenter sa nouvelle comédie avec Charlotte Gainsbourg, "La Vie pour de vrai", Dany Boon évoque les lointaines inspirations qui l’ont aidé à modeler son personnage de candide. Comme son rapport inattendu à Agnès...
Mercredi 20 avril 2022 Nora, adolescente de bonne famille devient amie avec Libertad, la fille de l’employée de maison dans la chaleur de l’été espagnol. Pour son premier long-métrage, la réalisatrice espagnole Clara Roquet a fouillé ses souvenirs et beaucoup brodé autour...
Mardi 29 mars 2022 Narrant une reconstruction après un traumatisme, En corps peut se voir comme un conte de la résilience mais aussi comme une nouvelle tentative de Cédric Klapisch de capturer le geste et le temps pour conserver une trace éternelle du mouvement...
Mardi 1 mars 2022 Parmi les premiers longs-métrages présentés lors du dernier festival de Sarlat figure celui de Constance Meyer, Robuste, qui met face à face un Depardieu presque autobiographique face à une Déborah Lukumuena peu impressionnée. Deux acteurs colossaux...
Mardi 18 janvier 2022 Portrait inattendu et délicat d’une apprentie comédienne sous l’Occupation, rempli d’éclats autobiographiques discrets : le premier long-métrage de Sandrine Kiberlain est surtout un exceptionnel exercice de réalisation. Rencontre avec une jeune...
Lundi 10 janvier 2022 Après y avoir déjà présenté en première "Pour Elle" et "À bout portant", Fred Cavayé avait réservé l’exclusivité de son nouveau film "Adieu Monsieur Haffmann" au Festival de Sarlat. Bien lui en a pris : son drame se déroulant durant...
Mardi 4 janvier 2022 Sauf impondérables ou nouveau variant — touchons du bois — les sorties devraient reprendre une cadence "à peu près" normale dans les salles. Petit tour d’horizon de ce qui nous attend dans les premiers mois de 2022…
Jeudi 18 novembre 2021 Pascal Elbé signe une charmante rom-com dans laquelle il campe un prof tombant des nues en se découvrant malentendant et amoureux de sa voisine interprétée par Sandrine Kiberlain. Un regard original sur l’ouïe défaillante, entre autres handicaps...
Mardi 25 mai 2021 Adapté du roman de Laurent Mauvignier, Des hommes rend justice à toutes ces victimes de la Guerre d’Algérie payant les intérêts de décisions “supérieures“ prises au nom des États. Et s’inscrit avec cohérence dans la filmographie du (toujours...
Vendredi 6 mars 2020 Comme chaque année à la mi-mars, c’est à Avignon qu’il faut se rendre pour faire une moisson d’avant-première et de séances en présence d’équipes ! D’autant (...)
Mardi 5 novembre 2019 La soixantaine dépressive, méprisé par sa femme, Victor se voit proposer par un ami de son fils de vivre une expérience immersive dans des décors reconstituant l’époque de son choix. Victor choisit de replonger dans sa jeunesse, pile la semaine...
Jeudi 10 octobre 2019 C'est le film de Nicolas Bedos qui va ouvrir cette édition du Festival Lumière.
Jeudi 8 août 2019 Le cinéma n’a pas de frontière. Le réalisateur français Olivier Coussemacq le prouve en signant un film on ne peut plus marocain, "Nomades". Rencontre (logique) à l’occasion des Rencontres du Sud…
Lundi 26 août 2019 C’est aux Rencontres d’Avignon que la rare Claire Devers avait réservé la primeur de son nouveau long-métrage, "Pauvre Georges !", un film cachant son soufre satirique derrière l’apparente impassibilité de son héros-titre campé par l’impeccable...
Lundi 6 mai 2019 Avec son alter ego Alban Teurlai, Thierry Demaizière s’est intéressé à une petite communes des Hautes-Pyrénées au prestige planétaire pour les chrétiens, depuis qu’une certaine Bernadette y a vu la Vierge. Regard d’un athée sur Lourdes, et propos...
Lundi 6 mai 2019 Personnage pivot des "Petits mouchoirs", Vincent est à nouveau interprété par Benoît Magimel. Conversation avec un comédien sur la manière d’appréhender un rôle et son métier à l’occasion des Rencontres du Sud d’Avignon…
Mardi 19 mars 2019 De José Alcala (Fr, 1h30) avec Daniel Auteuil, Catherine Frot, Bernard Le Coq…
Mercredi 13 mars 2019 Enfant de la balle dont les deux parents sont cinéastes, Thaïs Alessandrin est à la fois l’inspiratrice et l’interprète principale du nouveau film de sa mère Lisa Azuelos. Un premier “premier rôle“ dont elle s’acquitte avec un beau naturel....
Mardi 12 mars 2019 On aime de plus en plus ce rendez-vous dans la cité du pont Saint-Bénézet, devenu Festival des Montreurs d’images, où tous les professionnels se (...)
Mardi 12 mars 2019 De Lisa Azuelos (Fr, 1h27) avec Sandrine Kiberlain, Thaïs Alessandrin, Victor Belmondo…
Jeudi 13 décembre 2018 Le prolifique Guillaume Nicloux a mené Gaspard Ulliel aux tréfonds de la jungle et de l’Histoire pour ce qui pourrait être un prélude français à "Apocalypse Now". Rencontre en tête à tête avec un réalisateur qui compte.
Mardi 4 décembre 2018 de Guillaume Nicloux (Fr, 1h43) avec Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, Gérard Depardieu…
Mardi 4 décembre 2018 de Jeanne Herry (Fr, 1h47) avec Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez…
Mercredi 18 juillet 2018 de Erick Zonca (Fr, 1h54) avec Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain…
Mardi 26 juin 2018 Léa Frédeval raconte la genèse du film adapté de son livre qu’elle avait présenté en primeur au Rencontres du Sud d’Avignon. Elle confie également ses futurs projets…
Mardi 26 juin 2018 Silhouette présente depuis près de trente ans dans le cinéma français, glissant du drame habité au cocasse halluciné, Sandrine Kiberlain a connu la consécration de (...)
Mardi 29 mai 2018 Grand écart climatique pour Samuel Collardey, qui a présenté en primeur aux Rencontres du Sud d’Avignon son nouveau film tourné aux confins de l’hémisphère boréal, Une année polaire. Une expérience inuite et inouïe.
Mardi 24 avril 2018 S’il n’a tourné aucune image de son film inspiré de l’équipe de foot féminine de Reims dans la ville de ses exploits, Julien Hallard est bien allé à Avignon pour parler aux Rencontres du Sud de "Comme des garçons"…
Mardi 24 avril 2018 de et avec Daniel Auteuil (Fr, 1h24) avec également Gérard Depardieu, Sandrine Kiberlain, Adriana Ugarte…
Mardi 13 mars 2018 À la fois rencontre professionnelle et manifestation ouverte au public, les Rencontres du Sud d’Avignon ont fait leur mue pour devenir l’an dernier le (...)