« Les chefs japonais apportent rigueur et ferveur »

Les Spécialistes / Deux questions qui nous taraudaient, trois experts ès bouffes pour y répondre.

Peut-on parler d'une approche spécifiquement nipponne de la gastronomie française ?

Pour Franck Blanc du Canut et les Gones, qui confie ses fourneaux depuis longtemps à des chefs japonais : « Au delà de leur apport en matière de techniques de cuisson, de marinade ou de découpe, ces cuisiniers ont surtout une détermination à aller au fond des choses, ça produit une cuisine épurée qui vise l'essentiel. Ils sont concentrés sur ce qu'il font, ils ne sont pas dans l'artifice. »

François Simon, journaliste gastronomique au Monde et auteur du joli livre Chefs japonais / Cuisine française (éd. du Chêne), confie : « il y a un rapport au travail, au groupe, à la hiérarchie radicalement différent. Les chefs japonais apportent souvent plus de rigueur et une ferveur que l'esprit français moque souvent. »

Enfin, pour François Mailhes, critique gastronomique à la Tribune de Lyon, l'apport japonais se situe certainement là : « dans le choix des produits, la précision des cuissons, l'épure. Par exemple, ils se sont débarrassés des sauces trop lourdes, mais savent les réintégrer quand ça a son utilité. Ils ont vraiment analysé les choses. »

Y a t-il un jumelage culinaire nippo-lyonnais et à quel point est-il récent ?

Les liens gastronomiques entre Lyon et le Japon ne sont pas tout neufs, comme le rappelle François Mailhes : « Tsuji était un ami de Bocuse, c'est ce dernier qui lui a fait découvrir le chateau du Beaujolais dans lequel il a installé son école. Bocuse allait quant à lui souvent au Japon, c'est devenu une star là-bas, un ambassadeur. »

Mais l'attraction réciproque entre le Japon et la France ne concerne pas que les grands cuisiniers. Pour François Simon : « voila deux cultures qui sont si lointaines et de ce fait s'intriguent, s'attirent et s'aimantent. » Ce qui produit un enrichissement mutuel : « les cuisiniers japonais découvrent aussi ici une souplesse d'esprit, une dimension critique et libre plus palpable qu'au Japon. »

De manière générale, les chefs sont définitivement sortis de leurs cuisines, voyagent de plus en plus et sont moins soumis aux traditions locales. Alors traverser la planète pour venir faire de la cuisine française à Lyon, pourquoi pas... Pour François Mailhes, toujours : « que ça ait pris du temps s'explique sûrement par le fait que Lyon est une ville un peu fermée, une ville patrimoniale. Mais la population a changé, la clientèle des restos a évolué, elle est désormais prête à accueillir ce genre de changement. Il y a une évolution à toute vitesse et ces chefs japonais y participent. »

À lire :
François Simon, Chefs japonais / Cuisine française (éd. du Chêne)

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