Action / Suite directe de Rogue Nation, Fall Out revisite les fondamentaux de la franchise Mission : Impossible en passant la sixième vitesse. La rapidité, une manière comme une autre pour Tom Cruise de défier le temps qui passe...
Censé empêcher un groupe terroriste de s'emparer de sphères de plutonium, Ethan Hunt compromet sa mission afin de sauver un membre de son équipe. La CIA lui met alors dans les pattes l'agent Walker chargé d'évaluer l'IMF ; charge à lui de récupérer les éléments radioactifs...
Pour ce sixième opus, on ne change pas une équipe qui gagne (des dollars), et encore moins l'architecture narrative de la franchise : une nouvelle fois, il est ici avéré qu'une taupe trahit l'Agence et des preuves accablantes s'accumulent contre Hunt ; lequel, placé en fragilité, doit jouer contre sa hiérarchie pour sauver le monde avant même de prouver son innocence. Voilà qui n'est pas sans rappeler la trame de l'excellent film inaugural de DePalma (1996). Impression renforcée par un finale à coup d'hélicoptères, une large inscription territoriale du film entre Paris et Londres et le démasquement grâce à un masque du traître de l'histoire. Les références à l'épisode matriciel deviennent des révérences assumées.
Éternelle genèse
Vingt ans plus tard, cette constance apparente peut sembler étonnante dans un contexte géopolitique ayant connu son content de bouleversements et un monde foudroyé par les révolutions technologiques. En réalité, cette idée de permanence est consubstantielle de l'interprète vedette de la série, Tom Cruise qui, après Vanilla Sky (2001), Edge of Tomorrow (2014), trouve ici une incarnation imperméable aux outrages du temps de plus. Cette quête effrénée d'une jeunesse perpétuelle se traduit paradoxalement par une accélération forcenée du rythme par la démultiplication des poursuites à ultra haute vitesse (chute libre, moto, voiture, bateau...), un sur-découpage de la grande séquence de bagarre tera violente dans des chiottes (coucou Casino Royale) et une dilatation exagérée du dénouement, comme pour coaguler l'instant.
Car l'adversaire n'est pas tant le “méchant“ ni le camp opposé — à la faveur des retournements objectifs et des alliances de circonstance, les ennemis d'hier se transforment en partenaires potentiels —, mais le temps. Aussi Hunt-Cuise combat-il contre la montre, pied-à-pied contre non pas un mais deux chronomètres synchrones, distendant les minutes et les secondes par des effets de montage alterné creusant la simultanéité jusqu'à l'improbabilité.
Cruise tente donc de freiner la course des aiguilles en réactivant le passé et en jouant sur le mécanisme de l'horloge. Mais s'imposer une cure de rapidité n'empêche pas d'accuser les années : jadis prompt à éclater d'un rire franc, l'acteur, le visage figé, serre plus souvent les dents qu'à son tour, s'abandonne moins à l'autodérision et affiche son essoufflement. C'est peut-être un mal pour un bien : dans son “rôle-signature“, Cruise se trouve à un moment charnière de sa carrière, où il peut encore choisir entre persister à singer la jeunesse ou assumer la douleur d'être bientôt sexagénaire.
Mission : Impossible - Fallout de Christopher McQuarrie (E-U, 2h28), avec Tom Cruise, Henry Cavill, Rebecca Ferguson...