Drame / de Meryem Benm'Barek (Fr-Qat, 1h20) avec Maha Alemi, Lubna Azabal, Faouzi Bensaïdi...
Casablanca, de nos jours. Sa famille s'apprêtant à conclure une belle transaction, Sofia se trouve mal. Conduite à l'hôpital par sa cousine, la jeune femme accouche, totalement sidérée. Mère non mariée, la voilà donc hors-la-loi ; Sofia dispose d'une journée pour présenter le père. Qui est-il ?
N'eût-il abordé que la délicate question du déni de grossesse chez les adolescentes, ce premier long-métrage sans apprêt, cru et réaliste aurait déjà mérité la vision. Mais il s'insère dans le contexte particulier de la société marocaine — un carcan où les relations sexuelles sont strictement circonscrites au mariage. Des règles férocement archaïques, modulables en fonction du niveau de revenus des contrevenants (et du montant des bakchichs qu'ils sont capables de verser aux forces de l'ordre).
Ici, l'entourage de Sofia orchestre des magouilles d'arrière-boutique non pour préserver la jeune mère de la prison, mais pour sauvegarder l'honneur familial : un scandale risquant de compromettre la juteuse affaire en tractation. Cette vénalité assortie d'une marchandisation sans vergogne des femmes s'avère d'autant plus brutale qu'elle est le fait de la mère et de la tante de Sofia, séides des règles patriarcales. Si la cousine est la seule à exprimer une parole clairement contestataire, Sofia tente d'affirmer maladroitement son individualité dans l'aliénation d'un mariage qu'elle choisit contre son clan.
Venant en complément d'autres films sur le Maghreb contemporain — tel La Belle et la Meute — ou sur l'Égypte, ce long-métrage nous rappele qu'un mode de pensée binaire à l'occidentale ne suffit pas pour comprendre cette société aux contours plus flous, à bien des égards paradoxale : la liberté s'y acquiert parfois dans l'enfermement traditionnel...