Tour d'horizon / Moment délicat de transition pour les arts plastiques à Lyon, où l'on attend notamment un "nom" pour diriger le Musée et la Biennale d'Art Contemporain. Pendant ce temps, d'autres acteurs, ailleurs, prennent des initiatives et secouent les modèles habituels d'exposition.
La semaine passée, nous remarquions dans ces colonnes que tous les voyants étaient au vert concernant la danse à Lyon. Dans le domaine des arts plastiques, les choses sont beaucoup plus nuancées, voire assez brouillonnes. À l'heure où nous écrivons, notamment, le Musée d'Art Contemporain et la Biennale d'Art Contemporain attendent toujours leur... directrice ou directeur. Thierry Raspail est parti à la retraite en avril dernier, a conçu la prochaine exposition du MAC consacrée à Bernard Venet, et après, tout n'est que suspense et incertitude. Il faut dire que l'équation est un peu compliquée depuis le lancement par la Ville de Lyon d'un Pôle musées d'art (regroupant le Musée des Beaux-Arts et le MAC) co-dirigé par Sylvie Ramond (directrice du Musée des Beaux-Arts) et le futur directeur du MAC. Comment dès lors trouver un ou une responsable de renom pour la Biennale et le MAC qui accepte cette configuration inédite ? Ce n'est peut-être au fond qu'un problème de riche, mais en attendant, la programmation du MAC est en stand by pour 2019. Et nos voisins de Saint-Étienne pourraient nous souffler une solution possible, ayant osé, eux, nommer à la tête de leur Musée d'Art Moderne et Contemporain une femme presque inconnue, Aurélie Voltz, 44 ans. Celle-ci a annoncé, à partir du 1er décembre, une programmation alléchante avec des expositions qui seront consacrées à Damien Deroubaix, Gyan Panchal, Pierre Buraglio...
Budgets en berne
À côté des problèmes de riches, il y a des problèmes de pauvres, ou, pour le dire mieux, des problèmes plus préoccupants. Comme ceux de l'URDLA, Centre International de l'Estampe qui réalise un travail formidable à bien des niveaux (résidences d'artistes, expositions de qualité, diffusion d'œuvres à moindre coût...), qui a eu un mal fou à boucler son budget cette année, et qui a même dû faire appel aux dons, afin d'éponger une baisse du financement régional. La situation tombe d'autant plus mal que l'URDLA fête cette année son quarantième anniversaire (ce qui sera aussi le cas de son quasi voisin, l'Institut d'Art Contemporain à Villeurbanne)... Faut-il aujourd'hui que les lieux artistiques fassent l'aumône (comment l'appeler autrement ?) afin de survivre, ou d'acquérir de nouvelles œuvres pour leurs collections ? Le loto de Stéphane Bern pour le patrimoine (la Ville de Chaponost dimanche dernier attendait la visite de la ministre de la Culture pour signer la restauration de l'Aqueduc du Gier par loterie interposée) menace de s'étendre ailleurs...
Autre mauvaise nouvelle, dans un registre différent : la fermeture de la galerie-appartement Domi Nostrae dont les expositions consacrées à Christian Lhopital et à d'autres nous avaient tant enthousiasmé. À l'inverse, d'autres structures renaissent de leurs cendres, comme la librairie Le Bal des Ardents qui a repris son activité expositions, et le Musée des Moulages qui a rouvert ses portes en mars dernier après extension et rénovation de ses locaux (rénovation totalement terminée en 2019). Appartenant à l'Université Lyon 2, le lieu accueille désormais le département de musicologie et une activité d'expositions temporaires qui se remet peu à peu en place.
Acteurs renifleurs
On pourrait penser alors que les solutions pourraient venir du secteur privé... Mais à Lyon, l'exemple emblématique de La Sucrière n'est pas très probant : ayant débuté avec de bonnes productions d'expositions d'art contemporain (Chiharu Shiota, Erwin Olaf), La Sucrière n'a plus fait ensuite qu'accompagner des expositions produites ailleurs. Expositions (Star Wars, L'Épopée de l'uniforme militaire français...) où l'art n'est pas à la fête. Et ce n'est pas l'actuelle exposition d'origine belge, Da Vinci, qui va changer la donne. Très pédagogique, et en cela intéressante, elle se penche surtout sur les machines de Léonard et sur son activité d'ingénieur utopiste avant l'heure.
À une autre échelle, de nouveaux modèles s'inventent et s'expérimentent, à mi-chemin entre le public et le privé, l'artistique et l'urbain et l'immobilier, le projet ambitieux et le système D. C'est par exemple la Factatory, lieu de résidence artistique sur un terrain SNCF, proche de Jean Macé. Ou c'est encore l'initiative osée de la Taverne Gutenberg et d'Alain Garlan (membre du collectif Frigo) qui lancent, dans une friche industrielle (La Halle du Faubourg), les Nouveaux Sauvages. Une exposition qui réunit non seulement des artistes aux démarches très différentes, mais aussi des lieux hétéroclites : des galeries privées (Galerie Besson), des lieux publics (Le Bleu du Ciel), un festival (Mirage Festival), un lieu de street art (Superposition)... Soit une nouvelle manière de créer des synergies et d'organiser une exposition.
Bref, la France n'a toujours pas de pétrole, compresse ses budgets culturels jusqu'à l'os, mais heureusement certains de ses ressortissants ont des idées.