Théâtre / Avec Rebibbia, Louise Vignaud signe son meilleur spectacle, peut-être le plus audacieux. Néanmoins, persiste cette impression d'un théâtre sage, assez loin de son sujet : la plus grande prison pour femmes d'Italie.
C'est leur Fleury-Mérogis. De l'autre côté des Alpes, Rebibbia est un synonyme de prison, le nom de celle de Rome où s'entassent notamment des femmes. D'emblée sur le plateau, elle est là, comme un mur imposant fait d'échafaudages. Deux niveaux, des escaliers. Des cellules ouvertes mais que l'on sent bel et bien fermées tant le travail sur le son est millimétré à chaque pas ou presque que font les détenues. La lumière oriente le regard et élargit plus ou moins l'espace selon les situations.
Dans la pénombre, Goliarda Sapienza, tout juste balancée en cage, dit la souffrance, « cette tentation presque voluptueuse en comparaison de la souffrance que l'on sent autour de soi ». Elle est cette intellectuelle italienne, féministe et anarchiste, qui ne connaîtra le succès qu'après sa mort (1996) avec L'Art de la joie puis cet ouvrage autobiographique, récit de ses cinq jours en prison pour vol de bijoux. Le temps s'étire. Louise Vignaud confère à ce texte une a-temporalité étonnante au regard de la réalité mais, derrière les barreaux, tout apprentissage est à refaire. Et curieusement le dedans y est, disent les personnages, plus chaleureux que le dehors où ces femmes sont seules.
Centrifugeuse
Pourtant, dans ces cadres si bien bordurés, et avec des actrices impeccables, quelque chose manque : la rugosité. Le décor, au premier abord astucieux, offre, in fine, l'image d'une cour de lycée tranquille. L'université (mentionnée dans le titre du roman) ne s'installe pas dans le récit, lequel est résumé en une seule scène. Certes la liberté affleure (une chanson populaire de Patricia Kaas assumée intégralement) mais évoque plus une veillée entre amies que l'univers carcéral.
Les inserts vidéo de femmes témoignant en gros plans de leurs méfaits durant ces années de plomb rythment agréablement l'heure quarante de représentation mais, à l'instar de la dernière scène et de cette pluie de foulards, elles sont accompagnées de plans peu utiles sur une mer plus ou moins agitée. Ces addendas brouillent encore un peu plus l'accession à ce texte aride et contemporain que Louise Vignaud a toutefois l'originalité de porter à la scène. Trop en raffinement.
Rebibbia
Au TNP jusqu'au 30 novembre