Pat Kalla : « on a bien dansé, on a un peu réfléchi : c'est l'esprit »

Le French Kiss de Pat Kalla

Transbordeur

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Sono Mondiale / Vous l'avez découvert avec le projet Voilaaa mené par Patchworks, le revoici avec son projet perso : Pat Kalla livre un album épatant de groove, de finesse et de maturité, véritable collection de tubes afro disco servie brûlante en compagnie de son Super Mojo Band. Entretien.

Votre père est venu s'installer à Lyon, en exil forcé après avoir milité pour l'indépendance du Cameroun, ce qui lui a valu quelques problèmes à Douala.
Pat Kalla : Oui, exactement. Il est venu économiquement, aussi. Il fallait nourrir la famille et à Douala dans les années 60, c'était compliqué. Comme en plus il faisait partie du PC, le parti d'opposition au gouvernement en place... Il a laissé plein de copains militants là-bas, dont certains sont décédés. Lui a décidé de partir pour continuer le combat ici, jusqu'à ce que sa famille soit menacée sur place, il a alors levé le pied : tu pouvais perdre tout le monde, sans procès ni rien. Il a continué au niveau littéraire et musical, par ce qu'il nous a transmis.

On ressent dans votre musique une influence totalement panafricaine, des textes qui parlent d'Afrique du Sud ou d'Angola, du highlife, un engagement politique : tout vient des disques de votre père ou il y a eu d'autres rencontres à Lyon ?
Je suis métis, franco-camerounais, forcément je vis avec deux cultures en moi. Une qui est inconsciente et l'autre qui est consciente, parce que tu vis ici donc tu es Français. L'inconsciente, c'est parce que mon père nous a transmis l'amour des mots par la littérature et la musique engagée africaines.

On pense à Fela...
Fela, mais il y en a eu d'autres : Franco, Kabasélé, le highlife, le semba d'Angola avec des gens comme Bonga. Mon père était dans la musique de combat, écoutant des gens connus et pas connus. Quand tu es métis, la musique est un liant pour t'aider à te construire dans ta double culture et ne pas sombrer d'un côté ou de l'autre, dans des complexes. Mon père, avec sa musique, a été l'équilibre qui m'a permis de me retrouver.

Vous avez été baptisé Patrice en hommage à Lumumba ?
Exactement. Militant panafricain assassiné, qui luttait pour l'indépendance du Congo. Pour mon père, c'est la référence du contre-pouvoir, qui est resté hélas peu de temps au pouvoir. Son message a été propagé dans toute l'Afrique, ça a été la pierre angulaire du panafricanisme et je suis très content de porter ce nom-là.

On sent aussi sur votre projet Voilaaa ou sur cet album les influences disco et funk. Ces musiques vous ont accompagnées dans l'adolescence ?
Oh oui ! Mon père nous a élevés avec cette période disco, avec le makossa de Manu Dibango et de plein d'autres musiciens dans le style. Moni Bilé, Sam Fan Thomas, Eko Roosevelt ont beaucoup contribué au disco africain. Au Cameroun, il y avait des modes, certains étaient vraiment influencés par James Brown, d'autres plus par Elvis Presley, avec des bananes. Nous, c'était disco-funk.

À quel moment est-ce que vous composez et montez sur scène ?
Très tôt, à quinze ans, j'étais très militant, j'écoutais beaucoup de rap, du slam, du Gil Scott-Heron... Je jouais dans la rue, j'ai même piqué le micro à Jean-Marc Le Bihan, il y a sa photo sur la fresque des Lyonnais, il est maintenant très âgé, c'est un vieux militant gaucho qui défendait beaucoup les sans-papiers, quand il gueulait il y avait du monde, il était fédérateur. Tous les week-ends il chantait dans la rue, je lui piquais le micro quand j'avais quatorze ans et je venais faire du rap avec lui. Mes premières scènes ! La création pour moi est une façon de rester en vie. C'est un pied de nez à la société du conservatisme, ça permet de se remettre en question.

À un moment, vous passez du slam vers le conte.
C'est une autre partie de mon histoire. Mon père était fils de pasteur, on a été influencé dans un premier temps par la parole de Dieu, bible et compagnie. Et les proverbes africains. Ma grand-mère du Cameroun nous envoyait des cassettes, dans lesquelles elle parlait à mon père et dedans il y avait toujours une petite histoire qu'elle nous racontait et que mon père nous traduisait. C'est ça qui m'a donné envie de raconter des histoires, ma grand-mère et la Bible. Le métier de conteur est un art sans artifice. C'est une porte ouverte.

Vous en avez fait une web-série ?
Oui, il y a quatre ans, je n'ai pas pu donner suite. Mais je fais depuis une chronique sur Radio Nova tous les mardis, sous forme contée, soit liée à l'actualité soit avec un musicien lyonnais. Et je vais aussi dans les écoles.

Il y a une rencontre importante : c'est Patchworks.
Ça a été la pierre angulaire qui m'a permis de retourner à mes origines africaines. Il m'a invité sur un morceau de Voilaaa. C'est quelqu'un d'intellectuel, au génie très humble, qui pousse la réflexion très loin au niveau musical, qui fait ça avec beaucoup de respect. On pourrait vite tomber dans la mauvaise colonisation musicale avec la musique africaine, lui c'est tout l'inverse de ça. Et il connaît très bien cette musique, il arrive à reproduire dans son petit studio l'ambiance qu'il y avait en Afrique dans les seventies. Avoir cette personne à Lyon c'est super. Entre nous, ça a été explosif. Il y a deux ans on composait beaucoup pour Voilaaa, mélangeant langue de Molière et highlife, disco et compagnie. C'est allé très vite, ça fonctionnait très bien. Deux titres ont cartonné, dont On te l'avait dit. On a fait deux ans de tournée avec le sound-system et on continue. Avec Freakistan aussi, on s'est très bien trouvé.

Patchworks te suit sur ce projet avec le Super Mojo Band.
Ça découle du succès de Voilaaa. Jusqu'à présent je composais de la musique africaine sur ma guitare, surtout du makossa, je faisais quelques bars. Bruno Patchworks m'a donné envie d'aller plus loin, car il comprend très vite ton univers, j'ai pu grandir en maturité avec lui. On a voulu retranscrire les orchestres des années 70. J'ai monté une équipe de super groovers, on s'est imprégné du son de l'époque. La cerise sur le gâteau, c'est que tout est chanté en français. On voulait assumer notre culture.

Les textes sont engagés, encore...
L'un des morceaux parle de Mandela, je voulais lui rendre hommage, entre makossa et afrobeat, mais ce n'est pas que du poing levé : c'est enrobé de légéreté, avec de l'humour. On a bien dansé, on a un peu réfléchi : c'est l'esprit. L'ambiance est anxiogène en ce moment, on le sait, on n'est pas obligé d'en rajouter.

Dans le clip de Ancien Combattant, vous rendez hommage à Malick Sidibé.
C'était un photographe malien, qui fait partie de la grande famille des photographes subsahariens, qui prenait des photos des familles, qui arrivait toujours à trouver la spontanéïté avec des choses très simples, épurées, jolies. Qui arrivait à mettre en avant la beauté du grain de la couleur noire avec une poésie et une grâce énormes. Les gens se prêtaient au jeu. Mon père avait plein de photos du pays : en fait, des Malick Sidibé il y en avait partout ! C'est lui qui a été mis en avant. Les gens étaient très beaux, aussi. Cette façon d'habiller la beauté avec presque rien, un tissu, de la terre brune et une moto, un chapeau sur le côté. Même la tong pourrie des fois elle a du sens... Ce clip, c'était pour rendre hommage à cette beauté très simple ! La grâce, c'est dans les choses simples : la profondeur de l'être plutôt que du paraître.

Pat Kalla et le Super Mojo Band
Au Club Transbo le mercredi 19 décembre

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