Actualité Lyon | Annonces légales

Bertrand Belin : des hommes qui tombent

Bertrand Belin : des hommes qui tombent
Bertrand Belin

Le Toboggan

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Rock / Sur Persona, son récent dernier album, ce drôle d'oiseau de Belin continue d'élaguer son verbe, de débroussailler le langage, pour faire surgir la poésie contradictoire et empathique d'un monde qui se promet au feu et condamne à la chute des hommes qu'on ne regarde déjà plus.

Énigmatique, cryptique, sec comme un coup de bec, de plus en plus le verbe et donc le chant belinien semblent évoluer vers l'abstraction. On le constate à chacun de ses albums, le Breton Bertrand va toujours plus loin vers ce far west d'épure et de chanson à l'os, son plat de plus en plus traditionnel.

Mais c'est sans doute à force de « parler en fou » (de Bassan), ainsi qu'il le confessait sur un précédent disque, Cap Waller ; à force de jouer la poésie d'un hasard qui n'en est pas vraiment un, d'une contingence et il faut bien le dire, d'une élégance folle, d'une sorte de désinvolture imitant la pose et la pause du dandy-moqueur, qu'il trouve sa manière de solidification, déjoue la question de la profondeur par le superficiel apparent, affronte la réalité comme le pic-vert attaque l'arbre, à coups aussi répétés que millimétrés.

Si un disque de Bertrand Belin symbolise cette approche singulière, c'est sans doute Persona, où le chanteur-guitariste-auteur-compositeur-conteur démontre à quel point ce "parler fou" est le langage de la lucidité, se nourrit d'une logique implacable pour déciller les yeux aveugles en se glissant par les écoutilles.

Grand duc et président

Le terme Persona est multiple. Il référence bien entendu Bergman et ce film où une femme parle pour une autre ; désigne aussi les masques que portaient les acteurs des tragédies antiques, autant de visages et de caractères derrière lesquels se glisser et à travers lesquels parler, et aujourd'hui distingue, dans un élan de cynisme absolu, une typologie marketing d'acheteurs potentiels ou fantasmés, que le marché tient fermement dans son viseur.

C'est tout cela à la fois qu'embrasse Belin le versatile, se glissant, la plupart du temps en métaphores ou en images, dans la peau de persona, pour mieux boire leurs déboires et en recracher la glossolalie navrée autant qu'ironique. Des hommes qui vacillent ou sont déjà tombés : SDF (Sur le cul), réfugiés (De corps et d'esprit), travailleurs pauvres de temps modernes chapliniens aux reflets soudains très jaunes (Camarade, que Belin fait rimer avec "chien"), personnages au bord de la rupture (Les Nuits bleues) ou en chute très libre (sublime Glissé redressé).

Mais dans ce petit théâtre de la désolation où s'annonce « un été de canadair, de ciel embrasé », inéluctable à force de combustion politico-climatique spontanée, l'ubiquiste Belin quitte parfois la subjectivité empruntée à d'autres, pour surplomber son monde tel un oiseau de proie à l'œil rapace, à l'ouïe infaillible (« Je vois tout, j'entends tout » sur Grand duc) et au hululement obsessionnel, pointant « la vérité nue », et « au premier rang, le président », roi tout aussi nu. « Petit à petit l'oiseau fait son bec », constate Belin, et dans une forme qui élague fait remonter le fond à la surface.

Bertrand Belin
Au Toboggan le mercredi 13 mars

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 14 octobre 2024 L'improvidence, théâtre proposant uniquement du théâtre d'improvisation, fête ses dix ans. À la fois intimiste et populaire, la petite salle située au cœur de la Guillotière souffle ses bougies en remontant dix des plus beaux moments d'improvisation...
Mardi 19 septembre 2023 Histoire de se frayer un chemin dans la jungle de la programmation musicale d'automne, voici 20 repères de notre rentrée musicale. Autrement dit les concerts à voir en priorité. 
Mercredi 10 mai 2023 Parmi une programmation de l’Auditorium 2023-24 toujours aussi variée et dodue, nous avons sélectionné quelques moments forts : plusieurs symphonies bien sûr, mais aussi d’autres événements comme le récital piano de Lang Lang, un concert de Bertrand...
Jeudi 1 décembre 2022 La faute à la venue du Père Noël et de l'envie générale de rester à table à se goinfrer, le mois de décembre est traditionnellement un peu plus calme que les précédents en matière de concerts. Et prend généralement fin le 15 décembre. Voici quand...
Jeudi 4 novembre 2021 En plein mois de novembre, Bertrand Belin et Agnès Gayraud aka La Féline prennent d'assaut l'Opéra Underground pour une carte blanche musicale dont la diversité le dispute à l'exigence, au point de transformer la chose en semaine de la découverte.
Mardi 30 avril 2019 En amont de son passage aux Nuits de Fourvière, le chanteur et romancier Bertrand Belin se fend d'une halte à Musicalame. L'occasion d'évoquer son troisième roman, Grands Carnivores, qui au fil d'une écriture virtuose déchiquète les mécanismes de la...
Lundi 11 juin 2018 Le patron de l’Institut Lumière avait promis une surprise pour marquer les 10 ans du Festival Lumière. Il a de fait pris tout le monde de court en annonçant la remise du 10e Prix Lumière la comédienne et productrice Jane Fonda, le 19 octobre...
Mardi 20 mars 2018 C'est tout l'art des Limiñanas que de convoquer sur un album des invités aussi disparates que Pascal Comelade, au piano, Peter Hook et sa basse mélodique, (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X