Florent Ladeyn : « le line-up du Lyon Bière Festival est dingue ! »

Lyon Bière Festival / Il sourit, s’allume une clope pour prendre le temps, le temps de se poser, le temps de réfléchir parce que la bière, c’est une affaire à réflexions, une affaire de réflexion aussi, une histoire à ne pas prendre à la légère. Surtout pas. Même s’il les aime plutôt légères, les bières. Il sourit et se lance. Il parle environnement, terroir, local, créativité, houblon, spontanéité, ouverture, liberté, lever de coude, coucher de soleil, nord, géographie, Midi (comprendre Lyon), clichés. Lui, c’est le parrain de la quatrième édition du Lyon Bière Festival, la révélation de Top Chef 2013 qu’on ne présente plus tant il a fait la Une des journaux mais qu’on va présenter quand même parce qu’il vaut la description : 34 ans (il lui « semble »), cuisinier autodidacte, à la tête de trois établissements (dont un étoilé), défenseur de son terroir du Nord et d’une cuisine locale et de saison, amoureux de la petite mousse (le lien est là), véritable électron libre, simple mais animé d’un véritable grain de folie, créatif, rock’n’roll et qui envoie, entre deux traits d’humour, des assiettes sacrément franches. Tout autant que ses propos. La preuve.

C’est quoi, la bière, en fait ?
Florent Ladeyn : C’est une boisson de copains, une boisson où tout est possible, que tu peux avoir au bar sans forcément y prêter trop d’attention ou à table parce que tu as envie d’apprécier une bière de plaisir, de soif, de dégustation. La bière, c’est quelque chose à laquelle je pense tous les jours. Elle fait partie de mon histoire, de mon terroir. Dans le Nord, la bière, c’est culturel.

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Et c’est quoi, une bonne bière ?
Il y a une multitude de réponses ! Déjà, une bonne bière, c’est comme un bon vin, ça se juge à la "buvabilité". Un bon vin, tu ouvres la bouteille et tu la bois en entier. Une bonne bière, c’est pareil. Si elle est bonne, c’est que tu peux boire une pinte sans problème. J’ai eu une période où j’aimais beaucoup les bières à 12 degrés, les Stout, les Chocolate Porter, les Coffee Porter… Aujourd’hui, je les boirais plutôt en digestif : 6 centilitres, c’est bien suffisant pour des bières si fortes. La bière, c’est aussi une ambiance, tu as plus de plaisir à la boire avec des personnes que tu apprécies qu’avec des gens qui te plombent le moral. Mais aussi, et c’est largement le cas, c’est le produit qui te rappelle à ce qu’il est, en réalité. Lors d’un des derniers repas de famille où l’on avait bien mangé et bu (du vin et de la bière), et alors qu’on jouait tranquillement à la belote, mon cousin me sert une bière, j’en bois une gorgée mécaniquement, sans y prêter attention, et là, je me dit que c’est forcément une grande bière. Je lui demande de quelle bière il s’agit, il m’annonce que c’est une blonde Esquelbecq faite par Daniel Thiriez. J’avais visé juste : c’est un grand classique de chez nous, faite toute en élégance. Buvable, bue, donc.

Il était donc impensable que tu refuses d’être le parrain de la quatrième édition du Lyon Bière Festival ?
Exactement ! J’ai toujours bu de la bière, j’ai grandi dedans, et quand on m’a parlé des brasseurs présents pour l’événement, je ne me voyais absolument pas refuser. C’est l’un des plus grands festivals de la bière aujourd’hui en France en terme de qualité. L’image que le festival entend donner de la bière est ultra-positive. Sans parler de la sélection à la fois pointue et dingue…

La bière devient de plus en plus pointue… Comment peut-on éviter qu’elle ne devienne snob comme peut parfois l’être le vin ?
C’est un peu le risque, surtout quand on voit comme s’envolent certains prix de bières… Je comprends que certaines bières soient chères mais il ne faut pas oublier que même si les matières premières peuvent parfois être onéreuses, il ne sera jamais normal de payer plus cher une bière qu’un vin. Il n’y a pas cette partie agriculture dans la bière. La bière se fait en un mois, pas en un an. Un vigneron qui s’est pris de la grêle, il n’a pas de plan B. Dans la bière, il y a toujours un plan B. La bière, c’est de l’eau (et du houblon).

Comment expliques-tu que l’on voit encore peu de bières dans les restaurants gastronomiques ?
Peu de chefs et de sommeliers ont cette culture de la bière, en France. Il y a ce côté « boisson de petites gens » encore trop présent. Je me rappelle, l’une des premières fois où je suis allé à Paris, j’ai demandé au serveur d’un bar quelle était cette bière blonde qu’il m’avait servie. Il m’a répondu « ben une bière ». Comme si une bière était une bière. Mais non. Il y a de nombreux styles. Et puis, aussi, beaucoup de grands restaurants qui font pourtant du sourcing pour les produits alimentaires et le vin pointu qu’ils proposent, se contentent de contrats de brasseurs, c’est hallucinant ! Ils ont à peine deux choix de bières, ils n’ont pas saisi qu’il y a beaucoup de points positifs à servir de la bière au restaurant et que la demande est de plus en plus forte. Dans nos établissements L’Auberge du Vert Mont et Le Bloempot, on essaie de changer l’image de la bière depuis cinq ou six ans ans. Au départ, on proposait des accords mets et vins, et mets et bières. Mais on ne prêchait que des convaincus : on ne vendait que 5% d’accords mets et bières. Aujourd’hui, on met en avant des accords mets et boissons. On sert aussi bien du vin, que de la bière, du kéfir ou du genièvre.

On impose la bière, on montre qu’elle a un réel intérêt. Les clients peu amateurs ou peu connaisseurs de bières sont souvent surpris, ils finissent par aimer ça, comprennent que toutes les bières ne sont pas forcément amères.

Il y a des bières très vineuses, des bières vieillies. La bière est en réalité un terme vulgaire qui regroupe énormément de styles.

Des styles que l’on peut retrouver dans ton tout nouveau bar à bières, Le Bierbuik ("ventre à bières" en flamand), ouvert en mars ?
On propose onze bières artisanales à la pression, dont quatre propres à nous, des bières de cuisiniers, des brassins uniques et éphémères. Quand on brasse, on brasse 1000 litres, on les servira jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus… ce qui peut aller très vite ! On fait des bières comme on fait la cuisine, c’est-à-dire qu’on n’utilise que des produits de chez nous. Un des travers de la bière aujourd’hui, c’est que malgré la prise de conscience de plus en plus forte du locavore, ce n’est pas encore une priorité des brasseurs. Beaucoup utilisent encore du houblon américain, néo-zélandais, japonais… des fruits exotiques comme les fruits de la passion aussi. Mais quelle idée…

On ne servira que de la bière à table

Tu cuisines à la bière ?
Peu. Le pourcentage de ce qu’on cuisine à la bière est très faible par rapport aux litres qu’on sert. Je cuisine peu à l’alcool en fait. J’ai grandi en mangeant des carbonnades flamandes, des lapins et coqs à la bière, peut-être que c’est pour ça, que j’en ai trop mangé, ou que j’en ai trop proposé au début de l’auberge où l’on réalisait une cuisine estaminet et donc des grands classiques de la cuisine flamande. Il peut cependant m’arriver de faire une marinade, une sauce carbonnade pour accompagner des légumes, par exemple. Mais j’utiliserais plut volontiers la bière sur les desserts, le goût fermenté est intéressant en la matière. J’en utiliserais d’ailleurs probablement lors du dîner à quatre mains avec Florian Rémont du Bistrot du Potager à Gerland. Mais c’est une surprise !

Tout sera surprise ou as-tu déjà une petite idée de ce que l’on pourra déguster lors de ce dîner à quatre mains ?
Je n’en ai absolument aucune idée. On a décidé de ne rien prévoir, de se faire plaisir, et de faire plaisir. On ne sera pas là pour faire une démonstration de cuisine. Il y a vraiment cette notion de plaisir et de partage dans la cuisine et la bière qu’il ne faut pas perdre de vue. Les plats à partager qu’on préparera dépendront des produits disponibles à Lyon et en Flandres à ce moment-là, et de notre humeur, aussi. Ce serait plus sécure et confort de tout planifier en amont, mais il y aurait moins de risque, moins d’excitation, et donc moins de plaisir. Ce n’est pas le but. Donc le dîner sera une surprise aussi bien pour les clients que pour nous ! La seule certitude, c’est qu’on ne servira que de la bière à table.

Un conseil pour celles et ceux qui n’aiment pas (et/ou méconnaissent) la bière, pour commencer à s’y mettre en douceur ?
C’est souvent l’amertume qui rebute, au départ. Éviter d’attaquer sur des IPA donc, mais plutôt chercher l’acidité avec des Sour, par exemple. C’est vraiment très cool, les Sour.

Tu connais les bières lyonnaises ?
Quelques-unes. Mais j’ai hâte de faire la tournée des bars à bières de la ville, cela fait trois ans que je n’ai pas mis les pieds à Lyon, j’imagine que les micro-brasseries fourmillent aujourd’hui. Je suis super excité d’être à Lyon, de voir les copains lyonnais, de découvrir de nouvelles pépites. Je me bats contre les gens qui disent que la Flandre est le berceau de la bière. La bière, ça vient d’Afrique, et, surtout, on peut la faire partout dans le monde.

Que penses-tu du cliché sexiste sur les femmes qui n’aimeraient que les bières légères et blanches ?
Que j’ai un palais de femme, donc.

Lyon Bière Festival
À La Sucrière les samedi 27 et dimanche 28 avril

Le Bistrot Potager Gerland
83, rue de Gerland, Lyon 7e
Tél. : 04 37 70 36 95

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