Littérature / Avec "Chimère", Emmanuelle Pireyre touche tout à fait à la forme romanesque, autour de laquelle elle tournait depuis un moment. Avec une tendre ironie et un impressionnant travail de documentation, l'autrice s'attaque aux OGM et à l'Europe, qu'elle concentre dans la figure d'un improbable homme-chien. Un régal.
[Edit-Fête du Livre] Une autrice chargée par Libération d'une tribune sur les OGM ; une manouche qui souhaite sauver les gadjé de leur propre perdition ; le panel d'une convention européenne des citoyens, chargé de réfléchir au thème du temps libre ; un homme-chien fan d'Éric Rohmer et de manèges ; un anthropologue mexicain aux semelles de vent ; un bacille d'E.coli né d'un poème et même le biologiste français Jacques Testart...
Voici quelques-uns des personnages mis en scène par Emmanuelle Pireyre dans son Chimère, aussi étrange que loufoque, aussi ancré dans le réel et documenté qu'adossé aux libertés fictionnelles les plus audacieuses.
Tous vont croiser le chemin d'Emmanuelle, double de l'autrice, au cours d'une enquête qui la mènera dans un laboratoire anglais où l'on pratique l'hybridation des espèces, puis à l'infiltration d'un panel de douze Français tirés au sort par l'UE pour réfléchir à un enjeu de la politique européenne. « J'écris sur des sujets qui ne me font pas rire jusqu'à ce que ça me fasse rire » introduisait-elle ainsi lors de la rentrée des auteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes Livres et Lecture.
Viol à l'épi de maïs
Car c'est souvent par l'absurde qu'Emmanuelle Pireyre aborde ses thèmes de prédilection (l'Europe, la manière qu'ont les individus de faire société, l'influence de la technique sur nos vies) à travers le posthumanisme ; les OGM (magnifique parallèle entre le viol à l'épi de maïs du Sanctuaire de Faulkner et l'introduction des OGM sur les marché européen) et de la manipulation génétique en général ; l'inanité des consultations citoyennes (le panel français ayant été désigné pour travailler sur le temps libre, ses douze membres décident... de ne rien faire pour en éprouver la quintessence) et la libre circulation européenne (à travers le personnage de Wendy issue d'une communauté manouche présentée comme le seul vrai peuple européen puisque par essence transfrontalier).
Et c'est justement dans cette absurdité, qui trace une frontière presqu'invisible entre la réalité documentaire et la fiction la plus libérée, que vient se loger tout l'art littéraire d'Emmanuel Pireyre. Avec Chimère, l'autrice de Féerie Générale (Prix Médicis 2012), poète et performeuse, ne s'est probablement jamais autant rapprochée d'une forme purement romanesque qui rend parfaitement grâce à l'acuité de son œil qui frise et à son travail d'hybridation de la langue.
Emmanuelle Pireyre - Chimère (L'Olivier)
Chimère - Rencontre performance
A la Médiathèque Jean Prévost de Bron le mercredi 12 février à 19h
Les détectives sauvages - Table ronde avec Camille de Toledo, Jean-Christophe Bailly et Laurent Demanze.
A l'Hippodrome de Parilly - Salle des Parieurs le vendredi 14 février à 14h30