Teenage Hate Records / Sis entre Lyon et Vienne depuis 2010, Teenage Hate Records a déjà produit une belle poignée de groupes émergents. Et s'est fait une spécialité : le tribute posthume. Après Jay Reatard, le micro-label s'attaque au maxi-mythe The Fall. Explications avec l'un des co-fondateurs François Arquillière.
Quelle est la genèse de Teenage Hate Records ?
François Arquillière : Nous étions plusieurs à travailler dans la musique entre Vienne et Lyon : à la radio, dans l'organisation de concerts. On parlait de ce projet de label depuis un moment sans passer le pas. Avec le retour du vinyle, l'envie était de plus en plus forte, on n'aurait jamais monté un label pour sortir des CD. Aujourd'hui, c'est d'autant plus facile qu'il y a de plus en plus de presseurs. À la mort de Jay Reatard [figure du rock garage américain décédé à l'âge de 29 ans, NdlR], début 2010, on s'est dit que c'était peut-être le moment de se lancer avec un projet de tribute, l'idée étant que si ça ne marchait pas, on aurait fait au moins un disque (rires).
Concrètement, comment vous y êtes-vous pris ?
On n'avait pas spécialement d'expérience mais beaucoup de contacts. Il s'est passé trois ans entre le moment où on s'est lancé et la sortie du disque. Le temps de savoir ce qu'on voulait en faire, qui on allait contacter, relancer les groupes, tout en continuant à se renseigner sur les questions de droit, de licence. Grand Bureau, Jarring Effects et Cyrille Bonin du Transbordeur où je travaillais à l'époque nous ont apporté leur expertise. On est une association, loin de l'image qu'on se fait du label, on ne signe pas de contrat avec les groupes, on n'a pas de bureau où les artistes défilent pour nous faire écouter leurs démos. Tout passe beaucoup par Internet et on travaille essentiellement avec des groupes lyonnais qu'on apprécie.
Comment en êtes-vous venus à produire des groupes locaux ?
On est arrivé à une époque où les groupes voulaient sortir des vinyles. Pour les groupes locaux, notamment, il y avait une vraie demande. Ils cherchaient un peu de financement et c'est comme ça qu'on a commencé à aider les Hi-Lites, X-Ray Vision, les Scaners, Globalement ça s'est fait un peu à la débrouille. Ce sont des co-productions avec d'autres petits labels comme Bigoût ou Dangerhouse. Chacun met un peu d'argent et ensuite on se répartit les disques.
Pourquoi un tribute à The Fall ?
The Fall est un groupe emblématique du post-punk mais surtout un groupe à part, il y a une espèce de culte autour d'eux avec une œuvre gigantesque et finalement assez peu de tubes identifiables. Il y a des groupes qui ne sont pas connus mais dont les gens connaissent spontanément une ou deux chansons phares, là non. L'idée c'était de défricher tout ça et une manière de souligner le retour de la scène post-punk, comme on l'avait fait avec le garage pour Jay Reatard.
Comment avez-vous recruté les groupes ?
On a essayé de varier au maximum. Pour le Jay Reatard, on ne voulait pas que des groupes garage ou, pour The Fall, que des groupes de post-punk.
On a contacté quelques artistes que l'on voulait absolument comme Frustration que The Fall intéresserait forcément.
On avait une short list, certains ont refusé comme Arnaud Rebotini, faute de temps, ou Dominique A qui ne voyait pas quoi faire de plus avec un morceau de The Fall. The Limiñanas qui étaient sur le Jay Reatard et Étienne Daho n'ont pas donné suite. D'autres ont accepté comme Michel Cloup, Cannibale ou Le Villejuif Underground. Et comme on a la volonté de toujours impliquer des groupes locaux, on a choisi The Scaners, Spitzer ou Delacave qui sont de la région.
Et le choix des chansons dans cette discographique indéchiffrable ?
Ç'a été compliqué – parce que The Fall repose quand même beaucoup sur la personnalité et le phrasé de Mark E. Smith – et simple à la fois. On avait là aussi une short list de morceaux pour aiguiller les groupes. Mnnqns a tout de suite opté pour Totally Wired qui est peut-être le seul morceau emblématique de The Fall. Michel Cloup, lui, a livré une véritable adaptation en français de The Classical. Au final, on n'a rien imposé et les groupes s'en sont vraiment bien sortis.
Que préparez-vous pour la suite ?
Tout est en suspens depuis qu'on est à fond sur le tribute et on va voir dans les prochains mois comment il se vend. On est régulièrement sollicités par des groupes lyonnais pour les aider à faire un disque et on a toujours cette idée de sortir un nouveau tribute chaque fois qu'un musicien qu'on aime bien casse sa pipe (rires). Mais ça ne sera pas pour tout de suite. Quand on a de la trésorerie, on travaille sur des projets particuliers, comme le maxi split H-Burns / Troy Von Balthazar. On aimerait bien sortir un 45t, c'est un format qu'on n'a jamais fait, ça coûte un peu plus cher mais ça nous plairait beaucoup.