Étienne Daho : « Eden m'a permis de progresser »

Étienne Daho : « Eden m'a permis de progresser »
Etienne Daho

Auditorium de Lyon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Pop / En plein EDENDAHOTOUR, qui accompagne la réédition d'"Eden", album de la renaissance paru en 1996, Étienne Daho fait étape à Lyon pour un concert aussi unique que spécial avec 50 musiciens de l'ONL. Il évoque pour nous cette double actualité.

La réédition d'Eden et l'EDENDAHOTOUR ne correspondent à aucun anniversaire discographique. Pourquoi maintenant ?
Étienne Daho : C'est un concours de circonstances. J'ai commencé ce travail de réédition il y a quelques années avec Pop Satori pour accompagner un concert anniversaire à l'Olympia – Les Inrocks m'avaient demandé de jouer Pop Satori pour fêter ses vingt ans. C'était une commande, mais finalement j'y ai pris goût car c'est une belle manière, je trouve, de remettre en lumière ce qui sinon aurait péri avec les années et l'obsolescence des supports physiques. J'ai donc réédité quasiment tous mes albums dans le désordre et en fonction du temps que j'avais. Je gardais Eden pour la fin parce que je savais que c'était un sujet un peu épais, qu'il y avait beaucoup de documents à restaurer. Parallèlement, la Philharmonie de Paris m'a commandé un concert particulier qui aurait pu être Le Condamné à mort de Genet mais Jeanne Moreau n'étant plus là, je leur ai proposé Eden. Ils en ont été d'accord et ce petit pas de côté s'est transformé en tournée.

Eden est un album singulier, quelque peu incompris à sa sortie car pas vraiment raccord avec la production française de l'époque. Qu'a-t-il de si particulier pour vous ?
À l'époque, je vivais en Angleterre et j'absorbais assez naturellement tout ce qui se passait là-bas. Eden est un mélange de tout ce dont je m'imprégnais alors, notamment la jungle autour de laquelle il y avait une certaine exaltation à Londres. La France était en pleine expansion du rap, de la culture urbaine. La musique électronique était encore une niche très confidentielle, c'était l'époque des pionniers comme Laurent Garnier, juste avant la French Touch. Par rapport à toute la culture mainstream française, Eden était vraiment à contre-courant et je l'aime pour cela.

Après Paris ailleurs, il y a eu ce laps de temps où l'on n'avait pas de nouvelles de vous, si ce n'est des nouvelles aussi mauvaises que fausses [une rumeur tenace courait sur sa supposée séropositivité et même son décès, NdlR]. À cet égard, Eden a-t-il été, consciemment ou pas, un moyen de prendre à revers la Dahomania qui avait atteint son climax avec Paris Ailleurs ? Et peut-être d'aborder votre travail de manière un peu plus égoïste ?
Je n'étais pas programmé pour un succès aussi énorme, je n'aime pas beaucoup me montrer, à part en concert. Il y avait autour de moi une hystérie médiatique que je vivais très mal, ça me dépassait complètement. Mon rêve de faire de la musique était en train de prendre une drôle de tournure. J'ai voulu faire un break qui a été très salutaire en recommençant tout en Angleterre avec le groupe Saint Etienne sur le mini album Résérection qui a eu pas mal de succès – la chanson He's on the phone a été n°2 là-bas. J'ai pris ça comme une petite récompense à faire strictement ce que j'avais envie de faire et ça m'a remis dans les clous. Ensuite, Eden m'a permis de progresser, de dire des choses très personnelles, d'atteindre une sorte d'authenticité. Et surtout de rectifier ce qui aurait pu être un malentendu. À partir de là, j'ai fait beaucoup moins de médias, on m'a beaucoup moins vu, mais j'ai multiplié les tournées, les productions. J'étais plus actif et moins visible, ça me convenait très bien, alors j'ai continué (rires).

Avez-vous eu au moment de la conception d'Eden la prescience de faire un album à ce point singulier dans votre discographie, qui surtout marquerait un nouveau chapitre de votre carrière ?
Pour moi, chaque album est un nouveau départ. Je remets tout en cause à chaque fois. Mais, oui, j'ai senti avec Eden que c'était spécial. D'abord, on a mis deux ans à le faire et c'est un album qui a coûté la peau du cul (rires). C'est probablement l'album le plus cher de l'histoire de la pop française. On a passé six mois en studio à expérimenter, chercher des sons, accueillir plein de guests, les Comateens, les Swingle Singers, Elli Medeiros, Astrud Gilberto, l'orchestre de David Whitaker qui a tout arrangé – parce que c'est un album très électronique mais aussi très orchestral. J'ai alors senti que j'entrais vraiment dans autre chose alors que le monde lui-même semblait tourner une page. En étant à Londres à ce moment-là, j'avais la sensation d'être là où les choses avancent.

En se penchant avec attention sur votre discographie, on s'aperçoit en effet – et c'est trop peu souligné – que chacun de vos disques est systématiquement construit contre le précédent. Ce qui fait paradoxalement l'identité de votre œuvre et vous rapproche d'une figure comme Bowie, toujours à l'affût de l'air du temps, du son du moment, prompt à saisir la nouveauté...
Merci de le préciser, on le dit effectivement trop peu (rires). Je suis très sensible à l'air du temps, aux choses nouvelles, à ce qui est en train d'arriver. Je ne suis jamais rattrapé par la nostalgie, pour moi quand quelque chose est fini c'est mort. Je me contredis, parce qu'en ce moment je rejoue Eden, mais globalement une fois que je découvre quelque chose, ce qui m'excite c'est d'essayer de m'y glisser. Chaque album a une essence stylistique différente, mais ils sont pour moi tous liés entre eux. En enlever un, revient à arracher un chapitre d'un livre : s'il en manque un on ne comprend plus rien. Il y a une logique que je ne m'explique pas parce que je me laisse porter par mes émotions et mes envies.

C'est ce qui vous a permis de durer, quasiment sans temps-morts ni trous d'air, puisque vous fêtez cette année vos quarante ans de carrière ?
Oui, c'est fou, je ne sais pas où sont passées toutes ces années (rires). Mais pour moi, rien n'est jamais acquis, j'ai toujours l'impression après toutes ces années d'être le petit mec de Rennes qui a tout à prouver. C'est très fatiguant parce qu'on ne peut pas se reposer sur ses lauriers, mais cet inconfort perpétuel est un aiguillon qui me pousse à ne jamais arrêter de chercher. Cette manière de fonctionner me convient très bien. Pour le dernier album, Blitz, par exemple, je me suis aventuré vers des choses très rock qui ne collent pas forcément à mon image mais sont autant d'hommages à la musique qui m'a construit et que je n'avais pas encore explorée.

Pour revenir à la tournée et à la date lyonnaise à l'Auditorium, vous tournez dans toute la France avec un quatuor à cordes. Sauf à Lyon où vous jouez avec les musiciens de l'ONL, pourquoi ?
Sur tout le reste de la tournée, il y a un quatuor, arrangé par la jeune Uèle Lamore. Et la proposition de Lyon de jouer avec l'orchestre a été une énorme surprise, c'est le rêve de tout artiste que de pouvoir jouer ses chansons dans un cadre comme celui-là. Il y a eu toute une retranscription des arrangements de David Whitaker pour Eden afin qu'ils puissent être joués à l'identique. J'ai un trac fou parce que je n'ai jamais fait ça, qui se double du fait que ce sera filmé, c'est la double pression (rires). Après quarante ans, j'ai toujours le trac et j'adore ça, cette peur est très excitante. J'ai vraiment hâte de me retrouver aux répétitions parce que d'un coup cet album va prendre une dimension différente..

Ce week-end va être particulier car vous serez encore sur scène le lendemain, cette fois avec d'autres chanteurs et musiciens (Elise Caron, John Greaves, Piers Faccini, Kyrie Kristmanson, Himiko Paganotti, Albin de la Simone, Rosemary Standley...) pour Ici-bas, consacré à la musique de Gabriel Fauré. Comment vous êtes-vous retrouvé associé à ce projet ?
C'est Olivier Mellano, à l'origine du projet avec son groupe BAUM qui m'a proposée de venir chanter. J'ai toujours beaucoup aimé la musique de Fauré et celle qu'il m'a proposé m'a tout de suite inspiré, j'ai rapidement su comment insuffler ma sensibilité dedans. Ce qu'ils ont fait est vraiment très beau. Nous avons déjà joué ensemble au 104 à Paris. Et lorsqu'on m'a demandé de réfléchir à cette carte blanche pour ce week-end à l'Auditorium j'ai pensé à faire venir ce spectacle pour qu'il puisse être rejoué. Je serai donc là le dimanche mais juste pour y interpréter une chanson (rires). Ça me permet d'être dans la contemplation, je regarde les autres chanter avant que mon tour arrive, c'est très agréable (rires).

Week-end avec Étienne Daho

Daho chante Eden avec l'ONL
samedi 23 novembre à 20h (complet)

Ici-bas : Les Mélodies de Gabriel Fauré avec BAUM, Etienne Daho, Elise Caron, John Greaves, Piers Faccini, Kyrie Kristmanson, Himiko Paganotti, Albin de la Simone, Rosemary Standley...
À l'Auditorium le dimanche 24 novembre à 20h

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