Théâtre / En se débarrassant du carcan de l'époque et en ne tombant jamais dans l'outrance, le metteur en scène Olivier Maurin livre une version captivante de Dom Juan.
C'est devenu son mantra et désormais sa force : le metteur en scène Olivier Maurin n'a besoin que de longues tables et de quelques chaises pour faire naître la langue d'Ivan Viripaev (Illusions, Ovni) ou Oriza Hirata (En courant, dormez) et qu'affleure la puissance du texte qu'il choisit. Pour sa première incursion dans les classiques, il n'a pas dérogé à cette simplicité. Les filles portent des robes évasées à fleurs et les garçons ne sont pas affublés de costumes datés du XVIIe siècle de la pièce. Les combats d'épées ? Évacués en coulisse. Trois bruitages font l'affaire car, pour le directeur de la compagnie lyonnaise Ostinato, l'essentiel ne se niche pas dans l'aspect spectaculaire dont il ne sait que faire. Molière a encore quelque chose à nous dire et Dom Juan peut y parvenir sans cabotiner ou devenir martial. Son refus des lois divines (et celles du père) sont cinglantes.
Et quand bien même, ses dénégations ne seraient là que pour s'autoriser à jouir de chacun de ses désirs, fussent-ils plus qu'irrévérencieux à l'égard de la gent féminine, ils résonnent particulièrement en cette époque où les révolutions arabes accouchent des Frères musulmans et l'Église catholique passe enfin au confessionnal. Les figures féminines prennent leur pouvoir et n'ont besoin de personne pour rester dignes à l'image d'Elvire, Charlotte et Mathurine.
Crime ?
Aucune allusion n'est faite à ces épisodes actuels — le texte étant respecté à la lettre — Seuls de fréquents regards vers le public soulignent que les siècles n'ont pas de prise sur ce propos. La question épineuse du tombeau et la statue du Commandeur sont balayées en confiant leur réalisation aux acteurs parmi lesquels un grand paysan (Arthur Vandepoel) et un duo parfait : Arthur Fourcade et Mickaël Pinelli Ancelin pour incarner un Dom Juan et un Sganarelle entre pragmatisme et drôlerie, libres.
Le travail d'intonation, d'onomatopées, si central dans les travaux précédents d'Olivier Maurin, se poursuit avec intelligence ici — Dom Juan mourra non pas dans les flammes mais d'une suffocation. Sans effet de séduction parasite, Olivier Maurin creuse, avec ce classique, comme avec ses contemporains, le sillon d'un théâtre modeste, précis, sans fioriture ni excès d'austérité et qui, in fine, ne renonce pas à une forme de joie.
Dom Juan
Au TNP jusqu'au samedi 7 décembre et à La Mouche le 14 mai