Ça va mieux en dix ans ?

Écrans Mixtes / Projections, masterclass, rencontres-débats, soirées, invités et invitées de prestige… La dixième édition d’Écrans Mixtes est un îlot de réjouissances dans un océan d’incertitudes sociétales.  

Une décennie… Déjà le temps de faire des bilans. Pas uniquement celui d’un festival qui s’emploie depuis ses débuts à effectuer des rétrospectives, à désinvisibiliser des œuvres placées sous le boisseau par une censure qui n’en assume pas le nom comme à révéler les films de demain dans de multiples avant-premières (trois cette année, sans parler de la kyrielle d’inédits). Le bilan aussi d’un contexte sociétal : celui d’un monde où malgré l’adoption du mariage pour tous, une récente étude de l’association Autre Cercle révèle qu'une personne LGBT sur quatre a été victime d’au moins une agression LGBTphobe dans son milieu professionnel ; où l’association SOS homophobie signale une “progression alarmante du nombre d’agressions“ qui lui ont été signalées (231 en 2018) ; où certains exécutifs locaux ont été tentés en 2016 de sabrer leurs subventions à des festivals LGBT… Il s’en est passé des choses, en dix ans.

Le temps des hommages

Tout cela légitime l’existence d’Écrans Mixtes, justifie que ce festival de cinéma queer continue à rester ouvert à toutes et tous : le cinéma est une assez vaste chapelle pour accueillir toutes les obédiences, leur permettant de se découvrir et d’échanger, dans la paix du film. Pour sa dixième édition, l’équipe offre une affiche prestigieuse, exauçant sans doute ses rêves les plus fous. Outre l’iconique John Waters, qui n’avait plus foulé le sol français dit-on depuis presqu’un quart de siècle — malgré son passage à Locarno l’an passé ? —, le festival peut compter sur le retour du fidèle André Téchiné. En plus des Roseaux sauvages en ouverture, le cinéaste accompagnera un film rare à plus d’un titre : son légendaire Les Sœurs Brontë (1979), où cohabitent Adjani et Huppert et se faufile Roland Barthes. Également de (re)sorties Le Lieu du crime, J’embrasse pas, Les Voleurs (pour la composante lyonnaise), l’extraordinaire Les Témoins, Quand on a 17 ans (qui avait été montré en avant-première ici même en 2016), Nos années folles et un documentaire sur le cinéaste signé Thierry Klifa.

Autre précieuse invitation, celle offerte au duo Pierre Trividic & Patrick Mario Bernard. La rétrospective intégrant leur plus récente réalisation L’Angle mort prouvera l’absence de lucidité (et c’est un euphémisme poli) de l’ancienne gouvernance des César, qui semblait rechigner à mettre en avant le comédien Jean-Christophe Folly. Elle nous fera aussi voyager dans leur univers fantastico-fantasmagorique, où Lovecraft n’est jamais loin, l’amour toujours absolu et l’évanouissement des corps une menace permanente (Dancing, L’Autre, mais aussi Ceci est une pipe et Le Cas Lovecraft). D’une disparition à une réapparition : celle de Philippe Vallois et de son éternel retour à Écrans Mixtes. Déjà célébré en 2011 et 2014, le cinéaste considéré comme l’un des pères fondateurs du cinéma gay français rencontrera le public autour de Johan, mon été 75, Nous étions un seul homme, Haltéroflic et L’Adieu à Moustafa.

Qu’on ne déduise pas des lignes précédentes que la programmation est exclusivement masculine ! Riche d’un hommage à Barbara Hammer à travers trois séances (deux de courts, un documentaire), cette édition intègre un focus Femmes de cinéma présentant l’avant-première de Be Natural, l’histoire d’Alice Guy-Blaché (première cinéaste de l’histoire), Olivia de Jacqueline Audry, Simone Barbès ou la vertu de (et suivi d’une rencontre avec) Marie-Claude Treilhou ainsi qu’une soirée Carole Roussopoulos. Également présentes, la réalisatrice-interprète philippine Isabel Sandoval pour Brooklyn Secret (évoquant la transidentité, Grand prix de Chéries-Chéris 2019) ou l’Italienne Karole di Tommaso pour Mamma + Mamma autour de la question de la PMA. On pourra également découvrir Wild Nights with Emily de Madeleine Olnek centré sur la poétesse Emily Dickinson ; mais encore les films de Rosa von Praunheim lors d’une soirée qui lui est dédiée. Loin d’être exhaustive, cette évocation fait que survoler les neuf jours du festival ; à vous d’approfondir…

Écrans Mixtes
À Lyon et dans la Métropole du mercredi 4 au jeudi 12 mars

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