Restez chez vous, finalement : "Vivarium"

Science-Fiction / Un jeune couple pris au piège dans une maison-témoin diabolique doit élever jusqu'à l'âge adulte un bébé tyrannique comme tombé du ciel. Une fable de circonstances, entre "Le Prisonnier", "La Malédiction" et le mythe de Sisyphe. En VOD.

En quête d'une maison, Gemma et Tom suivent un étrange agent immobilier dans un non moins bizarre lotissement, Yonder, fait de résidences identiques et désert. Prisonniers de ce cadre cauchemardesque, ils seront délivrés (leur promet-on) s'ils élèvent un bébé reçu dans un carton...

Voici un le parfait film à regarder sur un divan... et à déconseiller aux tourtereaux en âge de convoler ou de concevoir des projets de descendance ! Riche de ses lectures métaphoriques et psychanalytiques évidentes, ce conte fantastique — qu'on aurait bien vu signé par Ben Weathley —, raconte dans un décor empruntant autant à Magritte qu'à Hopper comment l'enfant prend sa place dans un foyer, excluant l'un des parents (bonjour l'Œdipe !), puis finit par remplacer les deux dans la société en les “tuant“, reproduisant ainsi un cycle immuable... La fable est cruelle, l'illustration aussi brillante que plastiquement réussie dans ce qu'elle donne à voir du monde “suburbien“ idéalisée empli de petites maisons identiques — les “Sam Suffit“ ayant fait florès avec les Trente Glorieuses. Un monde de la standardisation aux couleurs pastel écœurantes à force d'être uniformes ; un monde de façade et d'individualisme.

Une vipère en leur sein

Mais Vivarium développe aussi une vision très subversive de la parentalité (en particulier de la maternité ordinairement assortie d'un amour inconditionnel) puisqu'elle repose sur le déni : la progéniture, à l'instar du coucou ouvrant le film, se trouve ici assimilée à une espèce tumorale, un parasite d'une espèce étrangère aux desseins machiavéliques. Et surtout sans affect : l'enfant non désiré, nourri-logé-blanchi à défaut d'être élevé, s'éduque plus ou moins seul en copiant les attitudes des adultes, en les imitants vocalement et gestuellement. Un mimétisme visant à reproduire les interactions sociales qu'il perturbe de ses hurlements stridents lorsque ses besoins vitaux (la faim, notamment) ou ses désirs ne sont pas immédiatement satisfaits. Dans la représentation de cet être singulier, on se demande si Lorcan Finnegan n'a pas glissé des traits empruntés aux troubles du spectre de l'autisme.

Qui aurait pensé, il y a un an tout juste lorsque ce film, primé à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, jouirait lors de sa sortie d'une interprétation supplémentaire et semblerait d'une parfaite prescience ? Car il pose aussi, en définitive, la question de la perception évolutive du lieu-foyer : de but, il mute en espace de réclusion, étriqué pour qui cherche à s'en échapper, infini quand il se mesure en durée. Malheureusement pour lui, Vivarium est arrivé sur les écrans des salles le 11 mars ; ce qui signifie qu'il n'a eu droit qu'à quatre jours jours seulement d'exposition avant le confinement. Un triste comble lui valant de poursuivre son existence aujourd'hui en VOD. Pour les spectateurs, observant des personnages reclus dans un lotissement sans issue et enfermés dans une maison aux pièces décorées d'images desdites pièces, cet emboîtement supplémentaire à la limite de l'effet miroir constitue une intéressante (pour ne pas dire délicieusement angoisseuse) mise en abyme.

Vivarium
Un film de Lorcan Finnegan (Irl-Bel-É-U, 1h38) avec Jesse Eisenberg, Imogen Poots,
Jonathan Aris...
En VOD

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 17 décembre 2019 Une guerre des gangs de voleurs de motos laisse Zhou Zenong blessé et en cavale dans la région du Lac aux oies sauvages, traqué par les hommes du capitaine Liu. Alors qu’il s’attend à retrouver son épouse Yang Shujun, c’est une mystérieuse...
Mardi 12 novembre 2019 Et si le bonheur de l’Humanité se cultivait en laboratoire ? Jessica Hausner planche sur la question dans une fable qui, à l’instar de la langue d’Ésope, tient du pire et du meilleur. En témoigne son interloquant Prix d’interprétation féminine à...
Mardi 15 octobre 2019 Pour s’en sortir, un intérimaire se lance dans l’entrepreneuriat franchisé avec l’espoir de s’en sortir… précipitant sa chute et celle de sa famille. Par cette chronique noire de l’ère des GAFA, Ken Loach dézingue toujours plus l’anthropophagie...
Mardi 4 juin 2019 Une famille fauchée intrigue pour être engagée dans une maison fortunée. Mais un imprévu met un terme à ses combines… Entre Underground et La Cérémonie, Bong Joon-Ho revisite la lutte des classes dans un thriller captivant empli de secrets....
Vendredi 17 mai 2019 On connaît à présent le programme de la programmation des films issus du festival présentés “en léger“ différé de la Croisette… mais en avant-première de leur sortie (...)
Mardi 21 mai 2019 Une psy trouve dans la vie d’une patiente des échos à un passé douloureux, s’en nourrit avec avidité pour écrire un roman en franchissant les uns après les autres tous les interdits. Et si, plutôt que le Jarmusch, Sibyl était LE film de vampires en...
Mardi 21 mai 2019 ​Après un passage à l’acte, un ado radicalisé est placé dans un centre de réinsertion semi-ouvert où, feignant le repentir, il prépare sa récidive. Un nouveau et redoutable portrait de notre temps, renforcé par l’ascèse esthétique des frères...
Vendredi 10 mai 2019 Oubliez votre tenue de soirée et les frais kilométriques : la Croisette se déplace dans votre cinéma ! L’opération existe depuis déjà sept ans à Paris dans la salle (...)
Mardi 9 janvier 2018 Depuis quatre ans, Philippe Quesne dirige le Théâtre des Amandiers-Nanterre où il avait convié Gwenaël Morin, dont les Molière ont rencontré un grand succès (...)
Jeudi 12 mai 2016 Le 47e opus de Woody Allen-réalisateur semble avoir été taillé sur mesure pour effectuer l’ouverture de la 69e édition du festival de Cannes : glamour, artifices et nostalgie des vieilles bobines s’y bousculent. On passe un charmant moment, sans...
Mardi 26 avril 2016 Un groupe punk à la dérive vérifie à ses dépens la réalité du slogan No Future en se produisant devant un public de fachos. S’ensuit un huis clos surprenant, avec larsen et acouphènes modulés par Jeremy Saulnier. Prix du Petit Bulletin lors du...
Mardi 15 juillet 2014 De Richard Aoyade (Ang, 1h33) avec Jesse Eisenberg, Mia Wasikowska…
Mardi 22 avril 2014 Kelly Reichardt suit patiemment trois terroristes écolos qui décident de faire sauter un barrage dans un thriller au ralenti où la dilatation du temps, la beauté de la mise en espace et les soubresauts des désirs qui animent le trio confinent à...
Lundi 5 août 2013 Un piteux exercice de manipulation, hypocrite et rutilant, avec un casting de luxe que Louis Leterrier n’arrive jamais à filmer, trop occuper à faire bouger n’importe comment sa caméra. Nullissime. Christophe Chabert
Mercredi 4 juillet 2012 Poursuivant son exploration des métropoles européennes après Londres, Barcelone et Paris, Woody Allen se montre bien peu inspiré face à Rome, se contentant d’un poussif récit multiple où tout sent la fatigue et le réchauffé, à commencer par sa...
Mercredi 7 juillet 2010 D’Hideo Nakata (Ang, 1h37) avec Aaron Johnson, Imogen Poots, Hannah Murray…
Vendredi 20 novembre 2009 De Ruben Fleischer (ÉU, 1h20) avec Jesse Eisenberg, Woody Harrelson…

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X