Nuits du Canal / Jusqu'au 12 septembre, le théâtre Lulu sur la Colline migre aux Puces du Canal. Son directeur Michel Bernini nous explique ce qui s'y trame.
D'où vient cette idée de délocaliser votre théâtre cet été ?
Michel Bernini : Ça fait dix ans que j'ai ouvert le théâtre dans le quartier Jean Macé. Jusque-là, l'été je faisais le festival d'Avignon et ça revenait trop cher, c'est une arnaque totale pour les compagnies : les locations de salle coûtent un bras et les locations de maison ou d'appartement coûtent les jambes donc, quand on revient, on n'a plus de bras et plus de jambes, c'est compliqué. Le problème est qu'en mai juin juillet août, la fréquentation de mon théâtre baisse et, comme j'ai toujours eu envie de faire des spectacles en plein air et que Stéphane Blanchet, le directeur des Puces du Canal, avait envie d'une animation, on a pensé à ça, aux Nuits du Canal. On n'avait plus le choix, il fallait qu'on fonctionne. Ils sont bien gentils avec les normes de sécurité, les masques et les machins mais c'est pas rentable. Un copain a un théâtre de 120 places, s'il applique les normes de sécurité, il n'en reste que 28 ! Il fallait qu'on se réinvente — il paraît que c'est le grand thème en ce moment — et notre façon d'enfourcher le tigre, c'était ça.
Quelle est la configuration du site et sa programmation ?
Avec les règles de sécurité, sous le chapiteau, quand il pleut, la jauge est de 300 personnes et, à l'extérieur, c'est 450 personnes. Les gens sont assis sur des pneus. C'est un concept car on est favorable au circuit court, à la récup', on sauve la planète, mais il fallait aussi sauver notre budget d'investissement car on n'avait pas les moyens d'acheter des chaises. Tout coûte très cher. On n'a pas d'argent mais on essaye de fonctionner avec des idées.
Pour la prog', il s'agit de copains surtout car on a tous morflés le 14 mars quand on nous a dit « c'est bon les gars, nous on est au gouvernement, on va continuer à toucher notre salaire mais vous en revanche vous allez arrêter de travailler, et comme vous n'êtes pas subventionnés, vous allez crever la bouche ouverte ». Donc je veux faire travailler tous mes potes : Jacques Chambon la semaine dernière, puis Jordan Topenas et Jonathan Chiche dans Plein phare (13 et 14 juillet), Alain Chapuis et Marie Blanche dans ToizéMoi fêtent leur divorce (2 et 3 juillet). On va recevoir aussi des têtes d'affiches avec Chicandier qui est cool et drôle et qui commence à bien marcher. Il a la tête sur les épaules et n'a pas un ego surdimensionné. C'est une vraie rencontre. On va faire aussi une soirée, le 4 juillet, spéciale Back to the Future avec mon pote Luq Hamett, directeur du Théâtre Edgar à Paris, qui est la voix française de Michael J. Fox dans le film. Il y aura la DeLorean, on mettra en avant le monde du doublage, le film sera projeté. Ça se passe le cadre des "Samedi la nuit, en direct du canal", pastiches des émissions Saturday Night Live avec des sketches, des petits films.
Comment s'est passé le début de cette aventure depuis le 11 juin ?
Malgré la météo — il est parfois tombé des boules de pétanque — on a rencontré le public et on est arrivé à l'équilibre. C'est aussi important. On a quand même 40 personnes à faire travailler et à payer par jour (les serveurs, les techniciens, ingés son, lumière, personnels administratifs, les comédiens, les musiciens, la comm'). Des gens nous disent que c'est cher [NdlR : places à 35€ avec un barbecue]. Mais on le sait bien car on paye les gens ! On ne demande pas d'argent à Pierre, Paul, Jacques ou à la société mais on essaye de s'en sortir en étant créatif. Ça fait des journées de 20 heures mais c'est pas grave. Ça évite aussi de se morfondre.
Nuits du Canal
Aux Puces du Canal (Villeurbanne) jusqu'au samedi 12 septembre