Cédric Van Styvendael : « Thierry Frémaux a un peu anticipé en annonçant d'ores et déjà les lauréats du prix Lumière »

Métropole de Lyon / Élu facilement maire de Villeurbanne avec 70, 37% des voix aux dernières élections municipales, investi par le PS, Cédric Van Styvendael a aussi été nommé vice-président à la Culture de la Métropole par Bruno Bernard, nouveau président EELV de cette collectivité qui n'a jusqu'ici jamais parlé du sujet culturel, ni pendant sa campagne, ni depuis son élection, nonobstant la crise actuelle. Rendez-vous fut donc pris et accepté par le nouvel édile de la cité où rayonne le TNP, en son bureau villeurbannais, pour un entretien enregistré le lundi 20 juillet, afin d'évoquer sa vision de la politique culturelle à l'échelle, cette fois, de l'agglomération. Magnéto. 

La culture a été la grande absente de la campagne électorale de Bruno Bernard pour la Métropole. Elle n’apparaît pas dans les dix priorités du nouveau président annoncées une fois l’élection gagnée. Est-ce que le secteur culturel doit s’inquiéter ?
Cédric Van Styvendael :
(Silence). La culture a été présente dans la campagne que j’ai menée pour la mairie de Villeurbanne. Ça devrait au moins rassurer les acteurs culturels de la Métropole : c’est une préoccupation forte pour moi.
Deuxième point, effectivement, dans les dix priorités qui ont été pointées par le président de la Métropole liées à l’actualité de l’été, la culture, aujourd’hui, n’y apparaît pas. Ç’a été l’objet de ma première intervention dans ce que l’on appelle l’exécutif métropolitain, c’est à dire la réunion des 23 vice-présidents où j’ai pris la parole à ce sujet. Je dois rencontrer Bruno Bernard dans les jours qui viennent pour que nous abordions ensemble ce sujet, dans la mesure où j’ai une préoccupation majeure qui est l’accompagnement des acteurs culturels dans le cadre de la crise du Covid-19. L’urgence de ce rendez-vous n’a pas vocation à traiter de l’ensemble de la politique culturelle sur la Métropole de Lyon, mais de la possibilité de la participation, si l’État se décidait enfin à mettre en place le fonds de soutien, et de la manière dont la Métropole pourrait abonder ce fonds. Les services de la Métropole ont déjà travaillé à cette hypothèse et il y a des pistes identifiées.
Donc, non : il ne faut pas qu’ils s’inquiètent. Et oui je souhaite que ça fasse partie des priorités de l’exécutif actuel de se préoccuper non pas du sauvetage, mais d’un soutien et d’une parole forte à leur attention. C’est pour ça que je vais en rencontrer un certain nombre avant la fin du mois de juillet.

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« Je ne veux pas faire d’effet d’annonce »

Vous avez évoqué ce fonds de soutien : il va se faire via l’État, ou bien il va y avoir une discussion avec la Région et la Ville pour lancer plus rapidement un fonds local ? La Ville de Lyon a déjà annoncé un fonds de 4M€, voté fin juillet pour une mise à disposition en septembre. Quelque chose de similaire est prévu à la Métropole ?
Je ne souhaite pas acter maintenant le désengagement de l’État. Ce n’est pas moi qui ai pris cet engagement, c’est le gouvernement qui a annoncé ce fonds de soutien. Mon premier boulot en tant que politique est de rappeler l’État à ses engagements. Si par malheur, le gouvernement ne les tenait pas — ce ne serait pas la première fois mais j’en serais vraiment désolé : là, c'est extrêmement important — alors nous regarderions effectivement rapidement avec les collectivités qui ont peut-être une conscience plus vive des difficultés que rencontrent les acteurs culturels, ce que nous pourrions faire. On sera dans des délais aux alentours du mois de septembre ou octobre. On ne peut pas attendre décemment beaucoup plus. Pour les acteurs culturels, c’est extrêmement sensible. Mais je ne veux pas faire d’effet d’annonce. D’abord parce que je souhaite avoir ce temps de discussion avec le président de la Métropole. Deuxièmement, je vois quelles sont les marges de manœuvre — et je veux aussi rencontrer les acteurs concernés pour savoir quels sont leurs besoins réels — non pas que je doute qu’il y en ait, mais je ne voudrais pas me tromper dans l’allocation des éventuelles ressources.

Quelle vision de la politique culturelle voulez-vous porter au niveau de la Métropole ?
Plusieurs aspects sont importants pour moi. Le premier, c’est que la culture n’est pas un objet politique isolé. Il ne s’agit pas de faire du syncrétisme — mais ce serait une erreur de parler de culture sans parler d’éducation, d’enjeux économiques, et de ce qui va faire et créer le lien social. J’aborde la culture dans une vision holistique. C’est une première approche extrêmement importante. La seconde, c’est que la culture fait lien, fait ciment dans une société. C’est ce qui permet aux uns et aux autres une émancipation individuelle.
La culture, bien sûr, introduit des notions de divertissement, de plaisir et d’émotion, mais je n’oublie pas derrière cet aspect que la culture a un objet fondamental : faire société. En permettant aux gens et aux âmes de s’élever. De trouver un lieu de ressources. De nourriture de l’esprit. Et c’est comme cela que j’aborde la culture, comme je l’ai fait au travers de mes différentes expériences professionnelles. La formule est peut-être un peu facile, mais j’ai envie de dire que le divertissement dans l’aspect culturel ne doit pas faire diversion. La culture a un objet politique. La culture est un objet politique. Elle a un objectif et une finalité politiques. Ça pose plein de questions : celle de l’ambition de cette Métropole en matière de budget culturel. Aujourd’hui, c’est 35M€, à comparer selon que l’on parle de fonctionnement ou d'investissement aux 16 ou bien 22M€ de Villeurbanne, et aux 120M€ de la Ville de Lyon. On voit bien que la masse représentée par le budget au niveau métropolitain… je ne sais pas si elle interroge, en tout cas elle dit quelque chose.

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C’était ma question suivante, le budget. Qui est à notre connaissance de 37M€ à la Métropole. Le précédent président, David Kimelfeld, souhaitait le porter à 75M€. Ce qui veut dire qu’il avait identifié une marge de progression. Est-ce que vous l’envisagez aussi ? En avez-vous discuté avec Bruno Bernard ?
Le seul engagement politique qui existe aujourd’hui entre le président de la Métropole et le vice-président à la Culture, c’est la sanctuarisation du budget. Pour autant, je ne désespère pas. Ni d’arbitrage favorable, ni d’aller chercher des ressources financières complémentaires dans d’autres lieux. J’ai fait la preuve avec le CCO de ma capacité à mobiliser des fonds européens : il n’y a pas beaucoup de projets culturels qui peuvent se prévaloir d’avoir eu 5M€ de financement direct au niveau de l’Europe. Donc, je mettrais aussi au service de cette ambition ma pratique des différents niveaux, pour trouver des financements autres que celui de la Métropole.
Mais ça ne veut pas dire qu’en l’état actuel des discussions, j’abandonne l’hypothèse que la Métropole puisse s’engager à une évolution dans le financement de la culture. Je ne suis pas de ceux qui ont fait des promesses pour gagner en disant : on va raser gratis demain —, donc je ne dirais pas aujourd’hui que mon objectif c’est d’obtenir le doublement du budget de la culture. D’abord, parce que je crois que nous sommes dans un moment financièrement parlant qui est extrêmement préoccupant et il y a un enjeu majeur à faire que l’économie tourne, que les emplois ne soient pas perdus en masse. Je comprendrais que certains arbitrages puissent conduire à se dire qu’il faut privilégier cela. Par contre, je serai extrêmement vigilant à ce qu'en dehors de cette question de l’emploi et du plan de relance lié à l’activité économique, les arbitrages sur d’autres sujets soient équilibrés. Plein de choses sont importantes, les mobilités, les grands projets de végétalisation : la culture doit être au même niveau.

Le lien entre politique culturelle et l’attractivité d’un territoire a beaucoup animé la campagne électorale. Quelle est votre position ?
Vous allez tout de suite à l’os sur toutes les questions, en fait ! Je crois que la question de ce que l’on va appeler le marketing territorial est importante. Ça ne me choque pas qu’un territoire crée du récit, pour faire en sorte que des entreprises aient envie de s’y implanter. Que les gens qui soient là aient envie d’y rester. Et que globalement, la qualité de vie perçue par les habitantes et les habitants soit en lien avec ce récit territorial.
Pour autant, il ne faut pas le faire dans l’autre sens. Une politique culturelle ne doit pas avoir comme seule vocation l’attractivité nationale ou internationale. Une fois que vous avez posé cela, et que vous l’avez posé dans un cadre budgétaire sanctuarisé, tout de suite derrière se pose la question de quels sont les arbitrages budgétaires que vous allez faire. Je n’ai pas envie de poser la question en disant : qui on va léser, au profit de qui… Je connais l’attachement des Métropolitains à des événements importants, qui travaillent sur ce rayonnement — je parle bien sûr des Nuits de Fourvière, du Musée des Confluences, de la Biennale de la Danse ou de celle d’Art Contemporain. Je vois bien l’impact de ces événements. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller vérifier avec ces acteurs culturels que certes il y a l’attractivité, mais de comprendre aussi quel est le rôle sociétal qu’ils jouent sur le territoire.
Je suis de ceux qui pensent que l'on doit favoriser l’accès à une culture d’excellence à toutes et à tous. Ça aujourd’hui, c’est parfois interrogé. Je n’ai pas la légitimité pour poser cette interrogation maintenant. Un, parce que je n’étais pas aux affaires sur les dix dernières années. Deux, je n’ai pas encore identifié ni les fréquentations de ces événements, ni le travail dans lequel on me dit qu’ils se sont quand-même engagés — avec une part importante de médiation avec le scolaire, les acteurs de l’insertion, de la politique de la Ville…
Je ne veux pas avoir une vision de la culture à laquelle on assignerait d’aller uniquement auprès des plus fragiles. Pour autant, aujourd’hui, ce sont eux qui n’ont pas toujours accès à ces équipements culturels, à ces programmations artistiques. J’aurais donc une vigilance là-dessus.
Après, c’est peut-être mon côté Lyonnais plus que Villeurbannais : je ne souhaite pas aborder les choses sur le ton de la menace, ou sur celui de l’opprobre, ce n’est pas ainsi que l’on fait bosser les gens ensemble. Je préfère donner des caps, poser des exigences, et voir comment les acteurs ont envie de répondre à ces exigences. Et je suis sûr que l’on va réussir à trouver les voies d’un cheminement concerté sur ce sujet. Ç’a toujours été ma méthode de travail, sur l’éducation, le logement. Il est évident que la seule justification d’un événement, d’un équipement, d’une manifestation, ne peut pas être l’attractivité et le marketing territorial. Je n’ai pas dit que c’était le cas : je dis que ça ne peut pas être le cas.

Un petit air s’est répandu durant la campagne, suite aussi à la politique culturelle menée à Grenoble par Éric Piolle lors du mandat précédent : celle d’un discours des Verts anti-élites culturelles, plutôt pro-MJC et pro-pratiques amateurs. A priori, vous n’êtes pas sur cette opposition ?
Vous apprendrez à me connaître, mais la question des choix binaires, je trouve toujours ça d’une pauvreté intellectuelle qui m’effraie. Donc non, je ne vais pas me positionner comme ça. Je pense que l’on a besoin de tous. Ce n’est pas L’École des Fans quand je dis ça, ce n’est pas tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Je pense que l’on a besoin d’acteurs culturels de très grande qualité, et les MJC aujourd’hui sont de très grande qualité. Je vois le travail de programmation de la MJC de Villeurbanne ou celle du 3e arrondissement de Lyon : nous avons besoin de ces acteurs-là.
Mais tout le monde n’est pas amené à faire la même chose, et nous avons aussi besoin de garder des équipements de renom avec une programmation exigeante. Ce que l’on doit faire, c’est tisser des passerelles entre ces gens. De toute façon, il faudra revoir les modèles économiques. Même si on annonçait que l’on allait augmenter le budget, ce ne serait jamais suffisant pour tout ce que l’on souhaite faire. Il faut créer des synergies. J’ai noté avec beaucoup d’attention que certains grands équipements métropolitains commençaient à créer des passerelles, des échanges de programmation. Ça me semble une direction positive, plutôt que chacun dans son coin cherche à développer son caractère d’excellence, presque sa niche culturelle. Ces institutions ont beaucoup de choses à se dire. Et j’ai aussi l’impression qu’avec ce renouvellement de génération qui arrive…

Il y a eu un énorme renouvellement dans les directions des institutions, en effet.
Je sens qu’il y a cette appétence dans ce que me disent les uns et les autres. Je vais les mettre au défi de mettre cela en place.

C’est une chance pour vous d’arriver au même moment que cette génération fraîchement mise en place ?
Très sincèrement, oui. C’est un regard neuf et une chance pour moi. Et peut-être que je suis aussi une chance pour eux, de par mon regard plus neutre sur cette question-là, que je ne sois pas empêtré dans quinze ans de politique qui a visé à favoriser telle orientation plutôt que telle autre, du coup tous les scénarios sont ouverts. Je suis dans un a priori positif vis-à-vis de ces acteurs de la culture. Ce que je note avec satisfaction, c’est qu’ils me disent tous avoir conscience du caractère exceptionnel de la situation dans laquelle ils sont. Et qu’ils sont tous d’accord pour faire un pas, de côté ou vers l’autre. Ça va peut-être permettre d’engager une nouvelle étape sur les questions de la politique culturelle au niveau de la Métropole.
Après, on ne fera pas les choses seul : 120M€ pour la Ville de Lyon, 22M€ pour Villeurbanne, plus les communes — je commence aussi à rencontrer des maires dans le cadre de mes responsabilité de vice-président, je crois qu’ils ont tous envie que leur équipement local qui a une forme d’excellence sur tel ou tel sujet soit aussi soutenu par la Métropole.
Souvent dans ces villes on a des équipements qui ont une vocation très populaire avec une qualité de programmation tout à fait satisfaisante, parfois en jouant la fibre très populaire pour petit à petit être capable d’introduire plus d’exigence : je crois que ces équipements n’ont pas à rougir de cette stratégie, si ça permet à des gens en rentrant par quelque chose qu’ils connaissent d’ensuite découvrir quelque chose qu’ils ne connaissent pas. Je trouve qu’ils font bien le job. Je ne donnerai pas de noms, je ne veux me fâcher avec personne… Je ne suis pas dogmatique sur cette question de la programmation. Bien sûr, mon histoire personnelle me conduit à être attaché à des équipements de type Théâtre National Populaire, mais je n’ai pas de jugement à porter sur d’autres. Ils peuvent chacun trouver leur espace dans la Métropole. Leur public. Par contre, il y aura quand-même des lignes de force sur la culture par tous et pour tous, sur la question de l’accès aux droits culturels. Ce sera important dans les intentions que l’on va tracer.

Est-ce qu’à long terme, des lieux actuellement sous la coupe de la Ville de Lyon qui attirent un public profondément métropolitain, pourraient passer sous la compétence Métropole ? Je pense à l’Opéra, au Théâtre des Célestins… Est-ce que ça peut être une réflexion ?
Si vous m’aviez posé la question pour des équipements villeurbannais…

Mettons le TNP dans la liste !
Voilà. C’est pour ça que j’ai une forme de vigilance. Je crois que la particularité des établissements, elle est aussi faite de l’ancrage territorial dans lequel ils sont. Je trouve que rentrer par la question des compétences, au sens "est-ce que c’est à la Métropole de devenir le plus compétent sur ces équipements", n’est pas la bonne question. Par contre, si vous me dites que dans les modèles économiques et de développement de la pratique artistique et culturelle, il faut que la Métropole prenne une place aux côtés de ces équipements pour les soutenir dans leurs ambitions, je dis oui.
Mais commencer à rentrer là-dessus par la question de la prérogative et des compétences, ça va tout bloquer — que ce soit à Lyon, à Villeurbanne, à Décines, à Rillieux… Si vous commencez à dire que la Métropole va prendre la main sur les questions de programmation, de gestion de l’équipement, ça va braquer tout le monde. Autant essayer de se positionner comme étant une collectivité qui va se mettre en appui vis-à-vis de ces acteurs. Et quand j’en parle avec Jean Bellorini [NdlR : directeur du TNP], il n’y a pas de défiance par rapport à cela. De toute manière, la collectivité son job ce n’est pas de faire la programmation artistique. Son job, c’est d’accompagner des projets culturels qui sont ambitieux, vérifier que le cap donné est retenu, et ensuite c’est leur travail. Je ne suis pas le programmateur en chef des équipements de la Métropole ! Je n’en ai pas la compétence. Ni l’envie car j’aime beaucoup être surpris. Pour répondre à votre question : je ne vois pas l’intérêt immédiat. Par contre, je vois un intérêt à ce qu’il y ait un accompagnement par la Métropole de ces structures à la hauteur des ses moyens, qui sont pour l’instant ce qu’ils sont.

Quid du Festival Lumière, largement porté financièrement par la Métropole : allez-vous continuer à le soutenir au même niveau ? Et allez-vous accompagner également le projet porté par Thierry Frémaux de création d’une Cité du Cinéma ?
J’ai l’impression que Thierry Frémaux a un peu anticipé là-dessus, en annonçant d’ores et déjà les lauréats du prix Lumière. Alors qu’en parallèle, j’ai des informations sur le fait que financièrement tout n’est pas calé. Donc avant de vous répondre sur la question du Festival Lumière, et sur la question de la Cité du Cinéma, je souhaite d’abord rencontrer Thierry Frémaux. Ce sera un premier élément qui me permettra de préciser cela. Ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que cette manifestation, pour qu’elle continue à se tenir, nécessite le soutien de la Métropole. Et qu’il faut que l’on ait les discussions permettant de vérifier si cela est envisageable. J’ai bien compris que ce seraient les frères Dardenne qui seraient mis à l’honneur lors de la prochaine édition, mais aujourd’hui je n’ai pas encore l’ensemble des éléments qui permettraient d’assurer que tout son financement est possible. Donc c’est pour ça que — ce n’est pas un reproche que je fais à Thierry Frémaux, je comprend l’importance de cette annonce —, ce que je dis juste, c’est : il est nécessaire d’avoir un échange rapide afin de vérifier que tous les éléments sont en place pour que ce festival se tienne et que l’on puisse récompenser les frères Dardenne. Je suis très content que ce soient eux, c’est une œuvre cinématographique magnifique, qui me touche… Mais il faut aussi que l’on rentre dans la réalité. Je ne doute pas que l’on se verra bientôt.

Et la Cité du Cinéma ?
C’est prématuré. Mais je vais vous dire très honnêtement les choses : vous voyez la grosse pochette rouge sur mon bureau ? C’est ce que le directeur des services culturels de la Métropole m’a préparé, j’en ai lu les trois-quarts, et je n’ai pas encore lu la fiche sur la Cité du Cinéma. Ce n’est pas un sujet que j’ai identifié pour l’instant parfaitement.

« Il va falloir discuter de l’évolution des Nuits de Fourvière »

Autre festival emblématique porté par la Métropole : les Nuits de Fourvière. Qui peuvent parfois être critiquées, pour ses prix d’entrées élevés en rapport du niveau de subvention…
On en revient à la question que vous m’avez posée tout à l’heure. Quelle est l’ambition d’une politique culturelle : est-ce que c’est l’attractivité et du marketing territorial ? Ou est-ce que c’est permettre à tous d’accéder à une pratique artistique, culturelle ? Je vois parfaitement l’intérêt du festival Nuits de Fourvière, sur l’attractivité. Je mesure aussi parfaitement l’attachement des Grands Lyonnais à cette manifestation particulière. Et je conçois que l’on puisse avoir une certaine fierté d’avoir ce type de manifestation dans un cadre exceptionnel. J’ai compris en prenant connaissance d’un certain nombre de dossiers que Nuits de Fourvière avait entendu la commande de la Métropole sur les deux ou trois dernières années en investissant fortement les écoles, les collèges, en faisant beaucoup de médiation : je dis que c’est la bonne direction pour que je continue à penser que c’est un événement important pour notre territoire. Après, on est aussi dans des cycles, il va falloir discuter de l’évolution des Nuits de Fourvière. Des modalités économiques dans lesquelles le festival peut se développer, et c’est certainement à ce moment-là que peut-être on sera amené à formaliser un peu plus les conditions du soutien de la Métropole à ce type d’événement. Ça ne me pose pas de problème que l’on fasse venir Elton John aux Nuits de Fourvière, même si la jauge ne permet pas cela et donc que derrière il faut avoir un modèle économique soit privé— Elton John c’était Vinci qui avait payé pour le faire venir —, soit public sur d’autres jauges.
En parallèle, il faut que l’on s’assure de l’utilité — au sens de l’impact de cette programmation sur tous les habitants de la Métropole —, je ne demande pas à ce que tous les habitants aillent aux Nuits de Fourvière, mais je souhaite que ça diffuse, que ça résonne, peut-être aussi et c’est un autre aspect que je n’ai pas encore pu développer, mais j’invite ces grands équipements dont on peut penser qu’ils sont un peu sécurisés, au-delà des contraintes et des contingences matérielles parce que la Métropole pense qu’ils sont des équipements importants, je les invite dans le moment actuel à faire preuve de solidarité avec les autres acteurs qui sont plus fragiles, qui ont moins de ressources : je suis presque sûr qu’en faisant cela, à la fois ils consolideront les petits, et se consolideront eux-mêmes.

Pas de remise en question du montant de la subvention à condition que certains critères soient respectés, donc ?
J’ai dit qu’on allait discuter. Mais mon entrée ne va pas être immédiatement : on baisse les subventions des Nuits de Fourvière. Après, tant que je n’ai pas les arbitrages financiers, liés au budget métropolitain, je ne vais pas anticiper sur le fait qu’il va falloir faire des arbitrages, parce qu'à budget constant je n’arrive pas à développer ceci ou cela... Il y a un enjeu très important sur le parcours artistique éducatif et culturel pour l’ensemble des enfants de la Métropole. À Villeurbanne, nous l’avons posé en disant qu’on voulait le faire sur les écoles, les lycées et les collèges si la Métropole et la Région nous suivaient. Villeurbanne va interpeller la Métropole pour savoir si elle nous accompagne sur les collèges. Je me dis que si jamais la Métropole lançait un signal fort sur Villeurbanne là-dessus, il n’est pas impossible que d’autres villes l’interpellent. Très vite, la question des moyens va se poser. En l’état actuel, tant que nous n’avons pas décidé, je ne vais pas indiquer que je remet en cause ces subventions à l’un ou l’autre. Ce que je vais plutôt donner à voir dans les semaines qui viennent, ce sont les orientations, l’exigence, les préoccupations et je vais voir comment les acteurs réagissent à cela. Avant d’être dans une position d’arbitrage défavorable, il vaut mieux que l’on discute !

Un musée est apparu dans l’actualité de la Métropole après l’élection : c’est la Cité de la Gastronomie, qui a implosé en vol. Vous êtes-vous penché sur ce dossier, après le retrait soudain de MagmaCultura ?
Figurez-vous que ce n’est pas dans ma délégation. Je n’en tire aucun soulagement mais…. c’est dans la délégation d’Émeline Baume, sur la question de l’économie. Alors, elle m’a déjà interrogé : nous avons eu un échange très bref. Et peut-être qu’on en aura un autre, mais ce n’est pas moi qui suivrai le dossier de la Cité de la Gastronomie. Si on me demande mon avis, je le donnerai avec plaisir, mais je vais laisser la vice-présidente en charge de ce dossier s’exprimer là-dessus.

Le Musée des Confluences, décrié au départ pour l’investissement financier demandé, est aujourd’hui un immense succès public…
Je vois la directrice et je dois visiter le musée après le 15 août. Je n’aurai pas de propos précis là-dessus. Ce que je note comme vous : c’est un succès grand public. Ça me semble plutôt aller dans le sens des orientations que je souhaite donner. Un équipement dont on disait qu’il ne rencontrait pas son public, avec un montage financier complexe, on voit aujourd’hui que c’est un équipement qui le rencontre, son public, et ce dans tous les milieux de l’agglomération. Il a bien sûr aussi une attractivité internationale avec les touristes. Moi, j’ai quand-même envie d’accompagner ce qui marche ! Je ne vais pas m’amuser du haut de mes quinze jours de VP à vous dire ce qu’il faudrait faire au musée. Simplement, les échos qui me reviennent sont positifs sur le travail mené par Hélène Lafont-Couturier. Le conseil d’administration n’est même pas encore défini : nous voterons ça les 27 et 28 juillet, on ne sait pas encore qui sera le président de cet équipement…

Qui était Myriam Picot jusqu’à maintenant.
La vice-présidente en charge de la culture de la précédente mandature, voilà. Donc on va attendre de voir. Je n’ai rien à revendiquer ou prétendre là-dessus, après comme je l’ai dit à d’autres interlocuteurs, cette vice-présidence à la Culture pour moi ce n’est pas accessoire : dans les délégations qui m’ont été confiées politiquement, je suis maire de Villeurbanne et je suis aussi vice-président à la Culture de la Métropole. On m’a interrogé sur cette question du cumul des mandats…

J’allais y venir.
Bon, moi je ne sais pas comment on fait : la loi a précisé quelque chose sur le cumul des mandats. Elle dit que vous ne pouvez pas avoir plus de deux mandats dans l’exécutif. Ben voilà, j’ai deux mandats. Et si à chaque fois que la loi fait un progrès pour dire quel est le niveau acceptable, ensuite on est tous mieux-disant par rapport à cette loi, on ne va pas s’en sortir ! Moi, il m’a semblé extrêmement important, en tant que maire de Villeurbanne, d’être présent dans l’exécutif métropolitain, car je ne crois pas à une Métropole en dehors des communes. Je pense qu’elle ne marchera que si c’est une Métropole non pas des communes, au sens balkanisée avec 59 maires, mais une métropole attentive, vigilante aux questions des communes, à leur approche des territoires. C’est à ce titre que j’ai souhaité intégrer l’exécutif métropolitain.
Pour le faire, il fallait prendre en charge une responsabilité thématique. La culture est un choix que j’ai évoqué de moi-même, car ça m’intéresse, j’ai envie d’y consacrer un peu de temps, de l’énergie. Ce seront mes deux mandats et je ne serais pas maire de Villeurbanne et quand il me reste un peu de temps VP à la culture : je vais conduire ces deux mandats et vous regarderez dans mon parcours professionnel précédent, il m’est arrivé par le passé d’avoir plusieurs mandats et de faire mon travail. Je ne dis pas que c’était bien ou pas bien, mais quand je prends une responsabilité, je n’ai pas pour habitude de la prendre que pour les honneurs. La culture m’intéresse et je vais m’y consacrer. Les choses sont organisées dans ma charge de travail, parce que d’abord je ne suis pas un maire omnipotent, j’ai une équipe — la première adjointe Agnès Thouvenot a une responsabilité large. On va travailler en équipe. Et je vais y passer du temps, à la culture, c’est l’engagement que j’ai pris auprès de Bruno Bernard. Dans mon agenda il y a deux priorités actuellement : rencontrer les agents et agentes de Villeurbanne, et les acteurs de la culture.

Parlons théâtre. Le festival Sens Interdits est subventionné depuis peu par la Métropole. Vous venez de Villeurbanne où se trouve l’un des lieux les plus emblématiques de France, le TNP. Quelle est votre vision d’une politique autour du théâtre ? Julien Poncet le directeur de la Comédie Odéon, par exemple, pense que l’on pourrait créer un autre festival en parallèle d’Avignon, surchargé.
Il y a des idées à développer. Je ne me positionnerais pas en concurrence avec Avignon ou en second ou troisième rang par rapport à Avignon. Ce ne serait pas mon entrée en matière. Par contre, se dire : cette ville, Villeurbanne, et Lyon, et la Métropole, ont quelque chose à dire au monde du théâtre et mettre en place un certain nombre d’articulations pour donner à voir la richesse de cette programmation culturelle, moi ça me parle. Je regarde plutôt d’un œil attentif ce qui se passe du côté de Sens Interdits, je trouve que ce sont les prémisses de quelque chose qu’il faut regarder de près. Et j’attends aussi de voir quelles sont les propositions qu’ils ont à nous faire, si on va pouvoir accompagner cette dynamique. Encore une fois, on est dans une génération... quand vous écoutez Bellorini, il n’a pas du tout envie d’être refermé sur son équipement. Il a envie de s’ouvrir, de croiser les programmations, de ne pas jouer qu’au TNP. Le moment est propice à cela. Et ça ne me choquerait pas, au regard de la qualité des équipements présents dans cette Métropole sur la question du théâtre, que l’on commence à créer une petite musique sur ce thème. La forme que ça prendra : les acteurs nous feront des propositions.

L’urbanisme transitoire, un sujet qui vous intéresse particulièrement, est de plus en plus lié à la culture. Vous avez par exemple participé activement au CCO La Soie. Vous en avez aussi beaucoup parlé lors de votre campagne à Villeurbanne. Au niveau de la Métropole, est-ce que vous avez également de grands projets d’urbanisme transitoire liés à la culture ?
L’urbanisme à la Métropole, c’est Béatrice Vessiller. Vous comprenez que je vais être vigilant à ce que j’annonce. L’urbanisme transitoire et les occupations temporaires, c’est une chance pour construire des morceaux de ville qui demain auront une âme. Et se verront appropriés par les habitantes et les habitants. Quand on fait L’Autre Soie, dans lequel le CCO vient ensuite nous rejoindre, on est typiquement là-dessus. On a un foncier dont on sait qu’il va pouvoir évoluer, et on se demande comment on va construire un morceau de ville avec les gens. Pour le faire, on commence déjà à mettre de l’activité. Et de l’activité culturelle, puisque je vous l’ai dit en introduction : c’est ce qui crée du lien, du récit commun. Ce qui fait l’unité de notre humanité. Et ça marche.
Ce qui se passe aujourd’hui sur L’Autre Soie, c’est que des gens qui ne s’étaient jamais vus avant sont en train de penser la ville de demain. Cette ville en plus elle ne sort pas trop vite, c’est une ville à petits pas : qui se construit à pas d’hommes, et pas d’un seul coup une ZAC qui descend sur un lieu et va imposer à la fois sa morphologie et son ambition aux autres. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir de volontarisme public. Le quartier Gratte-Ciel ne serait jamais sorti de terre sans ce volontarisme. Mais par exemple, l’occupation temporaire de Gratte-Ciel / Centre-Ville, elle va être à l’image de cela. On a un peu ferraillé pour y arriver, mais ce qu’on a dit aux opérateurs, c’est que l’occupation temporaire ce n’est pas de l’occupationnel pendant un temps avant que les grues arrivent, c’est comment est-ce que l’on construit la ville ensemble ? Comment les habitants et habitantes viennent à ce moment-là rajouter leur dimension, leurs attentes ?
Et la culture, c’est un média entre les habitants et le projet qui est formidable. Donc oui, j’y suis extrêmement favorable. Je peux déjà parler du site de Bobst, 4 hectares que personne ne connaît sur La Soie, une ancienne usine qui fabrique des machines pour faire des cartons. Ils sont partis à Bron, le terrain va être amené à évoluer, sur Villeurbanne — puisqu’aujourd’hui le seul endroit en urbanisme où je peux donner des orientations c’est dans la ville que je dirige —, je souhaite qu’il y ait une occupation temporaire avec une forte dimension artistique et culturelle.
Sur Villeurbanne, là où il y aura des projets urbains importants, il y aura des phases préalables avec une occupation temporaire à dimension culturelle. Pendant la campagne, on s’est fait reprocher beaucoup de choses sur deux aspects : la tranquillité et la sécurité, et l’urbanisme. Les gens avaient l’impression qu’il n’était pas maîtrisé, qu’il s’imposait à eux et venait abîmer leur cadre de vie. On ne peut plus continuer à faire la ville comme on le faisait avant avec quelque chose de très descendant, les gens ont l’impression que ça leur tombe sur la tête. Là-dessus, il y a un enjeu très important.

Un projet déjà en cours : Fagor-Brandt, où sont hébergées désormais les Biennales, et où il y a un projet a priori visant à mêler alimentation — nourriture du corps — et culture, nourriture de l’âme. Avez-vous travaillé dessus ?
Non. Je ne peux pas m’exprimer : c’est Lyon. On regarde, mais…

La Métropole n’interviendrait pas sur ce projet ?
Si, si. Mais il ne vous aura pas échappé que c’est sur Lyon.

Oui !
Permettez-moi juste d’avoir un échange avec le maire de Lyon, lundi 27 juillet on déjeune ensemble et on a quelques sujets à l’ordre du jour, avant que je puisse répondre sur ce sujet trop précis et trop technique. Je ne veux pas m’exprimer avant de l’avoir vu.

Un mot sur les Biennales, dont celle de la Danse, repoussée à l’année prochaine ?
Sur les questions financières, pour moi ça fait partie du plan de relance global. Même si ce ne sont pas forcément les équipements qui sont le plus dans le scope puisque pour l’instant on parle plutôt des petites structures qui sont les plus fragilisées. Mais si à un moment, la Biennale de la Danse nous disait que c’était vraiment compliqué financièrement, il faudrait que l’on regarde. En l’état actuel, je dois dire que beaucoup a été fait sur le mandat précédent pour que les choses s’apaisent. Vous savez comme moi que c’était un peu tendu entre les deux Biennales et aujourd’hui, j’ai l’impression que les choses sont stabilisées. Je n’ai pas forcément envie de revenir tout de suite remettre le feu à ces deux biennales. Dont, globalement, on peut dire qu’elles fonctionnent bien. Je connais mieux la Biennale de la Danse. Je note que de ce côté l’engagement et la mobilisation de toutes les villes, le travail avec les danseurs bénévoles est plutôt de qualité. C’est une manifestation qui fonctionne bien. Qui rencontre les objectifs que j’ai fixés en début d’entretien. Sur la Biennale d’Art Contemporain, je n’ai pas identifié de difficultés particulières sur la manière dont elle se déroule, mais ce n’est pas un dossier dans lequel je suis rentré complètement pour l’instant, donc j’attendrais un peu avant de me prononcer. Je souhaite que ces deux manifestations continuent à coexister pacifiquement. Que le climat apaisé dans lequel Myriam Picot laisse la situation perdure.

« Il me semble urgent d’avoir une réflexion à l’échelle métropolitaine sur la nature des salles dont on a besoin sur ce territoire »

Autre sujet d’actualité : l’Arena voulue par Tony Parker et Jean-Michel Aulas à Décines, qui viendrait potentiellement en concurrence avec d’autres salles de concerts de la Métropole. Quelle est votre avis sur cette question, sachant que d’autres sont en projet comme au CCO La Soie ou à Oullins ? Faut-il une politique métropolitaine pour cet écosystème des salles de concerts ?
Pour l’Arena, je suis juge et partie. On va dire que le maire de Villeurbanne reprend sa casquette quand je m’exprime là-dessus : ça se fait quand-même un peu à l’envers, ce projet. Parce qu’à un moment, untel a décidé qu’il était nécessaire de l'avoir sur le complexe de l’Olympique Lyonnais, on fait une salle, on fait une modification du PLU-H, alors que l’on avait annoncé à l’ensemble des maires qu’il n’y aurait pas de modification, et là subrepticement on essaye de la faire passer… Je comprend que l’exécutif actuel interroge la vocation de ce site et de ce lieu. Je ne crois pas que je le dise pour l’ASVEL, parce qu’en fait on sait tous très bien que 80% des matchs de l’ASVEL vont continuer à se faire à l’Astroballe. Vous avez raison de le dire : ce qui est en train de s’installer à Décines, ce n’est pas une salle de basket, c’est une salle de concerts. Qui va être pré-réservée deux ans à l’avance pour des grandes tournées. Dont on ne dit pas comment elle va s’articuler avec les Nuits de Fourvière : ce n’est pas la même jauge — mais avec la Halle Tony-Garnier, qui arrive à un moment de renouvellement de direction et de gestion. C’est vrai que l’on peut être surpris. Je ne dis pas qu’une grande agglomération comme la nôtre n’a pas besoin de deux salles avec une jauge similaire d’environ 15 000 personnes… Aujourd’hui, la seule réponse que je peux faire, c’est : oui, il me semble urgent d’avoir une réflexion à l’échelle métropolitaine de la nature des salles dont on a besoin sur ce territoire. Même si là on a bien vu que ce qui prévalait, ce n’était pas la nature des salles dont on avait besoin, mais une forme d’obnubilation d’un homme. Que je peux comprendre : je ne juge pas. Mais on a bien vu ce que ça pouvait produire, cette volonté individuelle.

L’art dans l’espace public : comment le développer ? Voulez-vous inscrire de nouvelles œuvres dans l’espace public de la Métropole ? Est-il nécessaire dans ce cas-là d’avoir une concertation avec les habitants, est-ce qu’ils doivent choisir eux-mêmes ou est-ce un directeur artistique qui doit choisir ce qui est installé comme œuvre dans l’espace public ?
Ma première réaction est basique : on a besoin d’art partout. Dans l’espace public, privé… Je suis favorable à une présence massive de la création artistique. Sur l’espace public en particulier, vous avez pointé immédiatement là où c’est difficile : entre la création de l’œuvre par l’artiste, et l’acceptation du dialogue qu’il peut avoir avec celles et ceux qui vont la voir au quotidien. Bien sûr tout le monde peut avoir une sensibilité artistique et tout le monde peut faire œuvre. Pour autant, quand on demande à quelqu’un de faire une œuvre, soit il accepte de co-produire et dans ce cas, parfait. Mais je ne pense pas que l’on doive systématiser : il y a des artistes qui ont une forte sensibilité à faire œuvre commune, qui savent le travailler.
Et d’autres pour qui ce n’est pas leur entrée artistique. Je n’ai pas envie d’imposer ni de choisir entre ces deux aspects. Le seul enjeu majeur, c’est de donner à comprendre ce qui est fait quand on propose cela. Il n’y a rien de plus insupportable qu'une œuvre qui vient être plaquée en fin de chantier parce que c’est une obligation dans les grands projets urbains et dont les habitants se moquent ouvertement en disant : "ah bah d’accord c’était pour faire ça". Ce que l’on doit travailler, c’est la médiation culturelle autour de ces projets artistiques. Après qu’ils soient co-produits avec les habitants ou pas, je dirais qu’il peut y avoir plein d’hypothèses sur lesquelles je n’ai pas à trancher. C’est une démarche artistique : certains font œuvre en travaillant avec d’autres, certains considèrent que leur œuvre, c’est leur intériorité qui s’exprime sur l’espace public. Mais je dois avoir une vigilance sur la compréhension de la démarche artistique. Oui, je souhaite qu’il y en ait le maximum possible dans la mesure des contraintes financières que l’on a.

Avez-vous prévu un plan autour de la lecture ? Le livre est un riche écosystème sur l’ensemble de la Métropole. Est-ce qu’il y a des choses à améliorer ?
Vous me permettrez un point de vue prudent : j’en ai plutôt une bonne opinion. Je n’ai pas l’impression que le livre soit un parent pauvre, les villes et la Métropole sont engagées correctement sur ce secteur. Je ne parle pas que de Villeurbanne. J’ai l’impression que c’est d’un bon niveau et que notre rôle va être d’accompagner cela et d'aider d’autres villes qui n’en ont pas les moyens — une des premières demandes de rendez-vous que j’ai eu, c’est l’ensemble des maires du Val-de-Saône, qui veulent voir le VP à la culture car ce sont des territoires qui souhaitent être pris en compte dans le cadre de la politique culturelle. Ils ne m’ont pas encore dit ce qu’ils voulaient, mais je vois bien qu’il y a une hétérogénéité sur les territoires. Et ça peut être le boulot de la Métropole de faire en sorte que ça irrigue. Là se posera la question des budgets assez vite, parce qu’à budget constant, si en plus il faut accompagner des villes qui n’ont pas les moyens d’avoir un réseau de lecture publique...

Vous êtes-vous penché sur le projet de Pôle du Cirque à Saint-Genis-Laval ?
Oui. J’ai lu les fiches…

C’est dans le dossier rouge ?
C’est dans le dossier rouge (rires). On va regarder. J’attends de voir la maire de Saint-Genis-Laval sur ce dossier. J’ai un a priori positif. Mais cette question renvoie aux arbitrages budgétaires. À budget constant, on verra… Ça fonctionnait certainement avec un doublement du budget de la Métropole en matière de culture. Il faudra donc identifier des sources de financement. À la lecture des documents, je trouve que c’est un projet extrêmement intéressant.

Allez-vous porter une attention particulière à la vie nocturne, durement impactée par la crise et qui dans certains exécutifs est plutôt confiée à la délégation à la sécurité qu’à la culture ?
Tout est lié. L’attente des habitantes et des habitants, c’est la question de la qualité de vie quotidienne. On n'a de cesse de ne traiter cette qualité que par des petits bouts de tel ou tel aspect. C’est sûr que l’on est dans un moment où il y a une hypersensibilité au bruit, à la proximité, parce qu’on vit des moments économiques qui sont durs, il y a certainement beaucoup d’angoisse dans la société et on sent bien que le niveau d’acceptation de pas mal d’événements est devenu extrêmement faible. Je ne parle pas des pétards du 13 et 14 juillet.
Habiter dans un milieu urbain suppose de conjuguer différentes fonctions, dont celle de la vie nocturne. Je pense qu’effectivement la culture doit se poser la question de son accompagnement de cette vie nocturne. Mais elle a aussi à se poser la question de quels sont les espaces qu’elle peut lui permettre de conquérir, ou dans lesquels elle peut lui permettre de se développer, en lien avec cette question des nuisances que vous évoquez. Ça fait quinze jours que le CCO a recommencé sa programmation avec des soirées à 200 personnes, dans des espaces qui s’y prêtent, du coup tout ça cohabite assez bien…

On parle beaucoup du bruit et des nuisances nocturnes depuis la fin du confinement, mais personne n’a encore fait le lien avec le fait que tous les lieux nocturnes sont fermés actuellement. Les gens sont du coup dans la rue quand ils ont envie de se voir le soir.
Si moi j’ai ce propos-là, on va me taxer de laxiste de gauche… Je n’aurai donc pas ce propos, mais c’est bien ce que je dis : tout est lié dans notre capacité à faire fonctionner des villes. Autant je vais avoir un propos très ferme sur la question de la sécurité parce qu’on est arrivé à un niveau qui n’est pas acceptable, qui n’est pas tenable, mais en parallèle il faut que nous acceptions d’avoir un autre propos : si l’espace public n’est tenu par personne, y compris par des terrasses de bar, à un moment donné si vous le videz de toute activité, le contrôle en est pris par d’autres. La nature a horreur du vide. Je ne dis pas qu’il faut des activités nocturnes tous les jours jusqu’à deux heures du matin, mais si je prends juste l’exemple du Loops ici à Villeurbanne, depuis qu’il est là avec sa terrasse, il vient contre-balancer un certain nombre d’autres usages. Après c’est aux gens de choisir : quelle est la nature de l’usage qu’ils veulent ? C’est là où le dialogue avec les habitants est intéressant. Aujourd’hui on leur amène que des réponses binaires : pour ou contre le trafic de drogue ? Du bruit ou pas de bruit ? Non ! La question, ce n’est pas ça. C’est comment on a envie de vivre ensemble. Il faut comprendre à un moment que les déserts d’activité sont les lieux les plus propices pour avoir d’autres activités qui ne sont pas souhaitables, et que peut-être qu’il faut que l’on trouve ensemble les bons curseurs. Le problème, c’est qu’aujourd’hui les gens ont l’impression de ne pas avoir le choix. Il faut remettre du choix ! Sur la vie nocturne, il faut ramener ça.

Est-ce que dans l’attribution des subventions et des appels à projets, certains critères pourront être pris en compte ? Je pense à des critères écologiques, ce qui a été dit par certains candidats EELV, ou des critères d’égalité homme/femme ? Est-ce que le non respect de certains de ces critères pourrait devenir éliminatoire pour l’octroi d’une subvention ?
Sur la question de l’égalité femme/homme : ça me paraît important d’interpeller le monde de la culture. Pas forcément d’aller jusqu’à un critère éliminatoire, mais quand-même de les challenger, qu’ils soient vigilants. Sur la dimension écologique, c’est surtout un travail que chaque programmateur, équipement, engage. Nous, on peut donner des intentions, mais ce ne seront pas des critères d’élimination. Par exemple, à Villeurbanne on a mis en place un adjoint en charge de l’éco-responsabilité dans les événements culturels et festifs. Mais nous sommes dans le registre de la pédagogie. Vous savez bien d’où je viens : je ne suis pas du tout sur le registre de la coercition et de l’incantation. Mais de nouveau, il faut donner des caps. Et l’égalité femme/homme, ce n’est pas négociable dans la culture. On ne peut pas continuer à voir se développer une sorte de patriarcat culturel. Et nos événements, s'ils se disent que la culture c’est ce qui crée le monde de demain, ils ne peuvent pas être à l’opposé des efforts dans les pratiques de notre quotidien. Mais beaucoup d’événements ont déjà commencé ce chemin.

Est-ce qu’une attention particulière sera apportée aux cultures LGBT+ ?
Il y aura une attention particulière parce que la culture, c’est ce qui émancipe. Et donc, oui, il y a un besoin : que la culture envoie des messages de réassurance sur le fait que chacune et chacun, quelles que soient ses orientations sexuelles, a une place dans la cité. Et que personne n’a à redire quoi que ce soit à cela. Et deuxièmement, si en plus la culture au-delà d’envoyer ce message — il y a une place pour chacun ou chacune, et pas de discrimination sexuelle — si en plus elle peut faire le travail de sensibilisation pédagogique d’une partie de la population qui n’a pas souvent eu à se poser la question de ce que ça voulait dire, bien sûr, oui. La culture doit le faire dans les deux sens : envoyer des messages très forts sur le fait que tout le monde a sa place dans la ville. Et deuxièmement, elle doit mettre sur la place publique le débat sur ce que ça signifie et pourquoi c’est un droit. Donc oui : il y aura un soutien particulier. Sous quelle forme, je renvoie aux acteurs culturels. Le festival Écrans Mixtes par exemple a vraiment cette double orientation, dans ce que j’ai vu de leur programmation. À la fois, porter à connaissance une certaine forme de singularité. Et de l’autre côté, cette programmation est accessible à tous et à toutes. Ça me parle quand ces deux choses se croisent.

Vous avez porté pendant la campagne le projet d’un festival du numérique à Villeurbanne. Est-ce que ça pourrait prendre une envergure métropolitaine, ce projet ?
Oui ! Je me suis fait tacler, sur ce festival. On m’a dit que c’était tarte à la crème. Quand j'ai re-discuté avec les acteurs, ils me disent qu’il y aurait un intérêt à ce qu’il y ait un festival métropolitain du numérique. Dont Villeurbanne et Bron pourraient être les deux lieux phares. On continue donc à travailler dessus. Mais ce qui est sûr, c’est que ce ne sera pas un festival spécifiquement villeurbannais. Si d’autres villes veulent nous suivre ! Il y aura notamment les acteurs du Pôle Pixel, mais aussi ceux du jeu vidéo. Ça reste d’actualité, mais c’est typiquement un projet qui a bougé durant la campagne, dans un moment de confrontation. Ça me va super bien.

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