Yan Duyvendak : « Virus, désormais, c'est la réalité »

Théâtre / Il nous avait conquis, au TNP, avec le procès d'Hamlet joué avec des professionnels de la justice et un jury populaire renouvelé chaque soir (Please, continue). Revoici, aux Subs, le Suisso-Hollandais Yan Duyvendak pour Virus, un spectacle imaginé en 2017 et incroyablement d'actualité : comment réagir au surgissement d'une pandémie ? À vous de le jouer !

Qu'est-ce qui vous pousse à toujours aller vers ce processus de travail participatif ?
Yan Duyvendak : Je ne sais pas très bien en fait. J'ai bien lu mon Jacques Rancière, qui dit que le spectateur s'émancipe même s'il n'est pas impliqué physiquement ; néanmoins, j'ai l'impression qu'en s'activant, on comprend autrement les choses. En général, ce qui m'intéresse — et c'est pour ça que j'ai glissé des arts visuels vers les arts vivants — c'est l'idée d'être plusieurs dans un même endroit en train de vivre des choses ensemble et de réfléchir à une question de société.

Comment est venue l'idée de ce spectacle, Virus ?
Une conversation en 2017, avec un ami médecin marseillais (ce n'est pas le Dr Raoult !) qui faisait des simulations pour un projet de la Communauté européenne pour entraîner les autorités à réagir à une pandémie. C'était destiné surtout à des pays d'Afrique occidentale, après la crise Ebola. Il appelait déjà ça un "jeu". Les membres de gouvernements, les économistes qui étaient conviés étaient les "joueurs". J'ai été intéressé.

Crash-tests

Comment cela se passe sur le plateau ?
Quand le public entre en salle, il est accueilli par deux coordinateurs avec des gilets de couleur posés par tas (sécurité, économie, santé, recherche, population...). Chaque spectateur choisit son groupe en fonction de ses intérêts ou appétences. Il faut un nombre égal dans tous les groupes, sauf la population, plus nombreuse. Des modérateurs expliquent les règles du jeu, précisant qu'il ne s'agit pas de la Covid — car on a fait ce jeu avant novembre 2019. Chacun reçoit des enveloppes avec des choses à faire, des éléments imprévus auxquels il doit faire face (gérer de l'argent, trouver des anti-viraux...).

Il y a trois phases dans une épidémie qu'on a repris dramaturgiquement : quand le virus est encore à l'étranger et qu'il faut préparer son pays pour son arrivée, puis quand le virus est sur son propre territoire mais que ça n'explose pas encore et, troisième phase, quand tout le monde commence à tomber malade et mourir. À la fin de chaque phase on fait une réunion interministérielle de crise pour raconter les décisions prises et s'orienter vers une des quatre situations finales possibles à la fin du jeu : fin de l'humanité, État militaire, tribus de différents régimes politiques, retour sans changement à nos sociétés néolibérales

Vous n'avez pas voulu changer le spectacle malgré la crise de la Covid. Mais comment a-t-il été percuté par cette actualité ?
En voyant arriver cette crise, notre première idée a été de nous dire qu'on était foutu, qu'il fallait jeter le projet aux orties, que personne ne voudrait jouer ça car on était trop dedans, qu'on n'aurait pas de distance. Mais pendant le confinement — qui en Suisse était quand même assez doux (on pouvait faire des balades en montagne) — on a relu tout le matériau (720 choses à faire en groupe), on était vraiment frappé par le fait que tout cela, qui pourtant datait d'avant la Covid, était vraiment ce qu'on était en train de vivre. Quand on faisait les crash-tests [NdlR : sorte de séance de travail collaboratif en amont des représentations, aux Subs c'était fin juillet] l'an dernier, les gens trouvaient ça sympa, rigolo, un peu dystopique. Désormais, c'est la réalité. On a donc pris le pari que le spectacle pouvait marcher de manière cathartique, le jeu est maintenant un défouloir.

Virus
Aux Subsistances du mardi 3 au samedi 7 novembre à 18h
+ séance supplémentaire le samedi à 14h, 5€/13€/16€

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