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Au Boui Boui, un Réda Cheraitia bien trempé

Humour / Pour son troisième one man show, Réda Chéraitia livre un vrai-faux portrait de lui-même, ne s’épargnant pas et avec quelques piques bienvenues sur l’époque.

Voilà donc qu’il est vieux. Quadra (pas plus), le comédien entame son seul en scène par une entrée physique et tonitruante qui le met à genoux. Et de décliner ce qui se déglingue dans le corps tout en assumant le vocabulaire que les natifs du XXIe siècle ne peuvent pas comprendre, du temps où l’on faisait ses courses chez Mammouth, où l’on circulait en Renault 12 et où les Roms étaient des Romanichels. De sa vie « simple », il va pourtant tordre la réalité pour tenter le gore d’une adoption de lépreux et voir jusqu’où le public peut suivre. Et ça va loin. À l’image de ce que peut jouer Blanche Gardin, que le comédien cite volontiers comme référence à l’issue de la représentation.

« L’âge n’a aucune importance » lui a dit un prof de théâtre. Il s’en souvient dans ce spectacle comme de ces trois années passées au Conservatoire régional de Normandie — cette ligne de son CV revient-là comme un gimmick. Et c’est aussi une façon de montrer qu’il ne s’enferme pas dans une case, puisqu’il ne cesse d’alterner les one-man (son précédent, Stand by, créé il y a dix ans tourne encore) avec du théâtre musical comme Ceci n'est pas un concert ! (écriture et mise en scène, autour d'œuvres de Poulenc, Satie, Terrasse...) avec l’Ensemble Kaïnos (au Théâtre des Marronniers en novembre) ou la mise en chantier cette saison de l’Antigone d’Anouilh (avec un volet d'interventions en établissements scolaires sur la Métropole). Pour lui, aucun gap à franchir entre tout cela, c’est le même métier à ses yeux : il se remémore à quel point les écrits de Peter Brook ont compté pour lui, quand il dit « qu’il faut savoir tout faire ».

Laissez-moi court-métrage solidaire from Les Diables Rient on Vimeo.

Alors, sur la scène du Boui Boui, il ose jouer de la tendance au narcissisme accru, répandu sur les réseaux sociaux, comme si sa prestation était une façon de dévoiler en live et en chair et en os ses story Instagram. Sauf qu’ici rien n’est arrangé à son avantage, pas même la séquence de sa première fois sexuelle, kidnappée par sa partenaire enragée. Le rire se fait plus grinçant lorsqu’il est question de la circoncision qu’il (ou son personnage) a subi. De l’exhortation de son père à le faire, au peu de tact du médecin, l’acte n’est guère valorisé. Mais il parait que cela a à voir avec la religion, lui dit-on. « Dieu / zizi, je ne voyais pas le rapport » avant d’entonner « prendre un enfant scout par la main, Barbarin ne dira rien… ». Aussitôt, il souffle lui-même sur sa témérité : il fait un « spectacle engagé ». L’air de rien, il y a de ça puisque Réda Chéraitia distille de petites boules puantes en direction de Claude Guéant, Cyril Hanouna ou Éric Zemmour pour qui il propose de faire un « télécon, déjà pris par les Balkany ». « Ça me laisse pantois que des personnes comme lui s’épanchent à la télé sans contradicteur » confie-t-il après le spectacle. Sans verser dans le pilonnage en règle, ces flèches sont bien ciblées. Et ce n’est pas un détail par les temps qui courent, avant une saison électorale qui s’annonce pénible.

Eaux troubles

À la question de savoir quelle est l’expérience la plus enivrante de sa carrière entamée à la fin des années 90, il ne répond pas par un rôle mais par « le retour du public ». Car renouer avec le chemin de la scène est primordial pour lui, qui dit avoir « paniqué lors du premier confinement avec cette séparation entre les essentiels et les non-essentiels. »

Le théâtre lui a manqué physiquement : « financièrement, on savait qu’il y aurait des solutions ». Et s’il considère que la fermeture si longue des musées a été une aberration quand tous les magasins rouvraient, il ne va pas jusqu’à considérer que la culture a été sacrifiée : « ce sont les soignants, les enseignants qui l’ont été. » Mais sa joie est immense de faire à nouveau rire les gens avec ce spectacle créé en 2019, mis en scène par Alban Marical, dont le titre a changé plusieurs fois au fil de son peaufinement : une nage libre sincère qui lui ressemble.

Réda Cheraitia, Nage libre
Au Boui Boui jusqu’au samedi 28 août
À L’Instant T du jeudi 25 au samedi 27 novembre
À la Maison de Guignol le samedi 18 décembre

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