Exposition / Créée en 2018 à Paris pour la Cité des Sciences et de l'Industrie, l'exposition Effets spéciaux, crevez l'écran ! trouve avec le Pôle Pixel, centre névralgique régional des industries culturelles, multimédiatiques et créatives, le lieu idoine pour l'accueillir.
« Le cinéma est un art technologique par définition. Mais la vocation de la technologie est d'atteindre un tel degré de sophistication qu'elle finit par disparaître et devenir une sorte de magie ». Placée en frontispice du parcours, cette citation de James Cameron tient du commandement, ou du rappel à l'ordre. Car un bon effet spécial n'en met pas plein les yeux, bien au contraire : il se fait oublier, voire ne se devine même pas ! Maquillage, techniques optiques ou numériques, mixant prises de vues réelles et virtuelles... Tous ces procédés au service du récit sont ici détaillés de manière historico-didactique avec panneaux et maquettes, expliquant toutes les étapes d'une production (bureau/plateau/studio/salle).
L'expo insiste avec justesse sur les incidence artistiques et budgétaires de certains choix, ainsi que sur le poids économique des métiers des FX essentiels dans le cinéma contemporain, des blockbusters aux films d'auteurs : qui aurait cru que Amour de Haneke avait consacré 2, 5% de son (petit) budget à la confection de quinze plans truqués ? L'aspect ludique du parcours ne doit pas être éludé : pour illustrer concrètement les principaux types d'effets (motion capture, trucages Méliès, etc.), les visiteurs peuvent se filmer en direct, ou même apprendre à composer des séquences numériquement truquées sur des pupitres interactifs. C'est là sans doute le meilleur moyen de comprendre toutes ces techniques mise en œuvre... pour mieux les oublier face à l'écran lorsque l'on profite d'un film.
Vous n'avez encore rien vu !
Dans la foulée, il faut faire un saut dans une salle dédiée à l'expérimentation du cinéma VR — c'est-à-dire immersif et à 360°, où le spectateur coiffé de casques audio et vidéo (oui, en plus du masque) s'assoit sur un tabouret pivotant afin d'explorer à sa guise l'horizon sans limite d'une œuvre. Encore balbutiante il y a peu (car hautement tributaire des évolutions technologiques), cette prolongation naturelle du cinéma dispose d'une audience croissante dans les festivals, grâce notamment aux cinéastes “traditionnels” s'y essayant, à l'image d'Iñarritu.
On recommandera donc ici deux voyages très différents mais également saisissants : Kinescope (2016) de Philippe A. Collin & Clément Léotard, condensé d'Histoire du cinéma en ombres chinoises, aplats et animations, faisant littéralement tourner la tête ; et Voyage au cœur du Caravage (2020) de Matthieu Van Eeckhout, irrésistible aspiration à l'intérieur des toiles du peintre, de sa lumière à ses ténèbres...
Effets spéciaux, crevez l'écran !
Au Pole Pixel (Villeurbanne) jusqu'au 27 mars 2022