Tommy Milliot : « le théâtre nous permet de nous regarder »

La Brèche

Théâtre de la Croix-Rousse

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Alors que sa toute récente création, "Médée", était aux Célestins cet automne, la troisième mise en scène de Tommy Milliot, datée de 2019, sera au Théâtre de la Croix-Rousse début mars. Le trentenaire y présente "La Brèche" de Naomi Wallace et nous emmène dans le Kentucky de 1977 et 1991, au cœur d’un drame intime et sociétal. Il nous parle de la précision de son travail qui l’a précédemment amené à collaborer avec la Comédie-Française.

Qu’est-ce qui vous a poussé, dans votre Nord natal, à faire du théâtre ?
Tommy Milliot : C’est difficile de répondre car ce ne sont pas des choses intellectualisées. J’ai découvert cet art, qui n’était pas dans mon quotidien, grâce à l’école et c’est apparu comme quelque chose dont je ne pouvais pas me passer, une nécessité absolue de raconter des histoires. C’est un art profondément archaïque, ancré dans notre société depuis si longtemps — c’est pour ça aussi que j’ai voulu monter Médée.

À propos de Médée, votre dramaturge Sarah Cillaire parle de « voir le monstre ». Est-ce que c’est aussi cela et la part d’énigme qui vous intéresse dans les textes contemporains que vous montez quasi exclusivement, comme Massacre de Lluïsa Cunillé avec la Comédie-Française ?
Même Médée était d’une certaine façon une écriture contemporaine car c’était une traduction de Florence Dupont qui est bien vivante (rires). Mais c’est sûr que la part de monstruosité qu’on a en nous nous fascine car le théâtre nous permet de nous regarder. L’amour, la vengeance, la haine… c’est ce qui fait notre humanité. J’aime dire que le théâtre est un art de la parole, c’est complètement un acte oral. Même dans les moments les plus sombres de notre Histoire, il y a toujours eu une représentation de nous-mêmes, des gens pour en écouter d’autres nous raconter quelque chose.

Vous êtes aussi scénographe et à chaque fois votre décor est simple. Quel est le sens de cette simplicité ?
C’est toujours la construction d’un espace pour tenter de mettre en exergue la parole, qui ne viendra pas parasiter l’histoire racontée. Au fur et à mesure de la représentation, ça mettra le spectateur dans une interrogation qui ne sera pas inutile (du type qu’est-ce que c’est que ça, à quoi ça sert ?). Il faut laisser la possibilité d’oublier où ça se situe, la temporalité, l’époque, créer un no man’s land qui devient la possession de chaque spectateur et qui m’échappe complètement. Dans Massacre il y avait peut-être un peu plus de réalisme — et encore — mais il y avait la possibilité d’une fenêtre, etc.

Dans La Brèche, il y a un fin muret posé sur une plaque de béton. La recherche plastique est partie de l’envie du noir pour ces acteurs dont c’était le premier travail professionnel et parce que le personnage féminin, Jude, va traverser un black-out total qui est le nœud de cette histoire. J’ai voulu faire un espace assez solide, comme des fondations, car la pièce se passe dans le sous-sol d'une maison du Kentucky. La Brèche parle vraiment de l’effondrement d’une famille causé par la monstruosité de nos actes humains. C’est aussi une confrontation sociétale passionnante car Naomie Wallace ne porte pas de jugement [ndlr : en 1977, quatre adolescents scellent un pacte qui va transformer leur vie à tout jamais. On les retrouve adultes, quatorze ans plus tard, pour l’enterrement de l’un d'eux]. C’est un théâtre anglo-saxon très généreux avec la parole. Tout est dit par l’autrice et c’est suffisant. La parole prend en charge le lieu, la temporalité.

Allez-vous continuer à défricher des auteurs contemporains après Frédéric Vossier, Fredrik Brattberg, Lluïsa Cunillé ?
Oui, avec ma compagnie [ndlr : Man haast, fondée en 2014 dont le nom fait écho aux origines flamandes de ses parents, ça signifie à peu près "garçon pressé"], on travaille sur le deuxième volet (qui pour l’instant s’appelle What need for heaven) de la trilogie de Naomie Wallace – La Brèche est le premier. Ce seront les mêmes thèmes, toujours au Kentucky avec des personnages en proie à une violence sociale extrême, mais cette fois-ci dans les années 80.

La Brèche
Au Théâtre de la Croix-Rousse du mardi 1er au samedi 5 mars

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