Il fait les belles heures de 28 minutes sur Arte le samedi et lorsqu'Élisabeth Quin prend la tangente ; on l'a lu à Libé, L'Obs (pas vraiment à Marianne) — notamment sur l'extrême-droite dont il est un spécialiste —, voici que Renaud Dély livre sa vie d'enfant dans Le Grand saut paru en août dernier. Dans une langue très simple, il raconte sa mère mais aussi Pierre Quinon, tous deux emportés par la dépression.
Dès les premières pages, le Français est sacré champion olympique de saut à la perche aux Jeux de Los Angeles en 1984, ceux de la guerre froide encore : si loin de la Corse où le petit Renaud vibre dans la nuit à l'exploit jet-lagué de cet athlète dont la gloire ne suffira pas à pallier les angoisses. Pire, elle les accentuera car il faut tenir son rang. Renaud Dély ne joue d'aucun suspens morbide ; il retrace la carrière du champion, en parallèle de la séparation de ses parents, de l'inquiétude permanente qu'il a pour sa mère enfermée dans sa douleur et de l'absence de son père sur-occupé par le boulot et les conquêtes, dans leur appartement cossu parisien, un « ghetto de riches qui suinte l'ennui » au pied de Roland-Garros.
C'est aussi une lignée de sportifs qui émaillent ce récit sincère : « Platoche, Blanco, Hinault » comme points cardinaux puis Maradona, McEnroe, Noah et aussi Philippe Houvion, le fils de Maurice, coach de Jean Galfione qui passe par là comme Bubka (comment ne pas ?) et surtout l'athlète le plus impeccable de tous : Stéphane Diagana, contributeur de cet ouvrage comme les fils d'un Quinon qui retrouve ici de la vigueur, entre document et soupçon de fiction.
Le Grand saut de Renaud Dély, JC Lattès, 2021, 216 p, 19€, numérique 13, 99€
À la Fête du Livre de Bron (table ronde "Des hommes qui tombent") le dimanche 13 mars à 12h30