Musique Contemporaine / Dans le cadre d'un week-end consacré aux liens entre musique, espaces et architectures, la Biennale des Musiques Exploratoires propose un concert dédié à Gérard Grisey. Un compositeur ayant mené des recherches particulièrement savantes sur le son, mais aux œuvres sensibles et émouvantes.
C'est en jouant de l'accordéon que Gérard Grisey entra en musique, glanant plusieurs prix et allant jusqu'à composer sa première pièce pour cet instrument, Passacaille, à vingt ans. Soit des débuts assez originaux pour celui qui allait devenir un compositeur aux procédés complexes et l'une des figures principales de la musique spectrale, aux côtés de Tristan Murail.
Étudiant en Allemagne puis au Conservatoire de Paris, Grisey suit notamment les cours de composition d'Olivier Messiaen et de Henri Dutilleux, s'initie à l'électroacoustique et assiste, au début des années 1970, aux séminaires de Ligeti, Stockhausen et Xenakis. C'est à cette époque aussi que se bâtit son œuvre, avec des pièces telles que Dérives (1973-74), ou Les Espaces acoustiques (1974-1985). Œuvres qualifiées de spectrales ou de musique liminale.
La moelle du son
Il est étonnant de constater que cette approche musicale s'appuie sur une technologie et une scientificité poussées, pour un résultat quant à lui fort concret et sensible. En écoutant certaines pièces de Grisey, ce qui frappe l'oreille c'est son aspect "matiéré", texturé, son épaisseur phénoménologique. Le compositeur se penche sur le spectre des ondes sonores dans leurs aspects les plus microscopiques pour les reconstituer ou les reprendre sur un plan macroscopique. Il nous plonge au cœur même des éléments sonores, dans leur continuité et discontinuité, leurs tensions internes, leur dynamisme, leur seuil et leur transition. Les notions de passages, seuils, processus, sont essentiels dans l'œuvre de Grisey. « En se focalisant sur le son, en se situant sur le plan de la perception, en refusant les modèles extramusicaux et les procédés mathématiques, l'école spectrale s'oppose radicalement au système sériel, imposé de manière abstraite » dit l'Encyclopédie Universalis.
Sons et sens
Pour son concert à Lyon, l'Ensemble Intercontemporain présente les trois dernières pièces composées par Gérard Grisey : Stèles (1995), Vortex temporum (1994-96) et Quatre chants pour franchir le seuil (1997-98). S'appuyant parfois sur des textes ou des poèmes, ces pièces représentent un nouveau passage dans l'œuvre de Grisey : du son vers le sens, l'épure, l'utilisation de la voix... « Comment faire émerger le mythe de la durée, une organisation cellulaire d'un flux obéissant à d'autres lois ? Comment esquisser dans la conviction et à l'orée du silence, une inscription rythmique d'abord indiscernable puis enfin martelée dans une forme archaïque ? En composant une image m'est venue : celle d'archéologues découvrant une stèle et la dépoussiérant jusqu'à y mettre à jour une inscription funéraire » écrivait Gérard Grisey dans ses notes d'intention pour Stèles. La moelle sonore rejoint dans ces pièces ultimes la "moelle" des mythes et des grandes interrogations humaines, jusqu'à ces si émouvants Quatre chants pour franchir le seuil, méditation sur la mort en quatre volets.
Ensemble Intercontemporain, concert Gérard Grisey
À l'Auditorium (Biennale des Musiques Exploratoires) le dimanche 27 mars à 16h
Gérard Grisey, bio express
1946 : Naissance à Belfort
1963-1972 : Étudie en Allemagne puis au Conservatoire de Paris, où il suit notamment les cours de composition d'Olivier Messiaen
1966 : Première œuvre musicale : Passacaille pour accordéon
1969 : S'initie aux techniques électroacoustiques
1973 : Participe à la fondation de l'ensemble de musique contemporaine L'Itinéraire
1973-1974 : Dérives, pour deux groupes d'orchestre
1997-1998 : Quatre chants pour franchir le seuil, dernière œuvre du compositeur
1998 : Mort à Paris