"C'est magnifique !" de Clovis Cornillac : le bien à la racine

C'est magnifique !
De Clovis Cornillac (Fr, 1h37) Avec Clovis Cornillac, Alice Pol, Manon Lemoine

Comédie / Sur les traces de Ashbi, Zemeckis, ou de Jeunet, Clovis Cornillac promène un paisible apiculteur doté d’étranges pouvoirs dans le monde moderne à la recherche de sa mère. Un conte magique et merveilleux porté par la musique de Dario Moreno et sa lumineuse réalisation.

Un accident soudain le privant de ses parents, Pierre découvre à quarante ans révolus qu’il a été adopté. Muni de vagues indices et d’un pécule, cet apiculteur simple et bon quitte sa montagne pour la première fois, en quête de sa vraie mère. En ville, il rencontre Anna, une fille un brin paumée qui consent à l’aider. Mais il faut faire vite : plus Pierre essuie de déceptions loin de ses fleurs et de ses hauteurs, plus il perd ses couleurs…

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Faut-il être inconscient, culotté ou clairvoyant pour choisir un tel titre revendiquant avec emphase la joie de vivre tout en certifiant, de manière à peine subliminale, un grand moment de cinéma à ses spectateurs ! L’audace de Clovis Cornillac s’avère payante : derrière la grandiloquence un brin désuète de sa devanture, C’est magnifique ! abrite une histoire d’une infinie délicatesse, d’une grande modestie et d’une enviable sensibilité. Preuve qu’il convient toujours de se défier des apparences, et de ne jamais instruire par principe le procès de l’ingénuité.

Trop souvent confondue avec la sotte nigauderie, la naïveté de l’ingénu possède une simplicité et une pureté quasi rousseauiste ; celle de l’être à « l’état de nature » que la société n’a pas corrompu. Pierre est de ces candides capraesques inadaptés aux roueries des humains, confiant en son prochain ; un personnage de conte merveilleux dans un monde qui ne l’est pas, mais dont le pouvoir (inconscient) est de transformer les autres afin par contrecoup de permettre aux autres qu’ils le transforment.

Pierre et Pol

Comédie humaniste rassérénante, C’est magnifique ! joue sur plusieurs tableaux. Aussi lumineux que la réalisation précédente de Cornillac (le très réussi Belle et Sébastien 3 : le dernier chapitre) était ténébreux, ce film cueille dès la première image par ses couleurs franches au saturé velouté rappelant le Technicolor des années 1950. L’inscription dans un monde idéalisé, légèrement décalé du réel se fait d’autant mieux qu’elle est renforcée par le choix judicieux des décors — un Vieux-Lyon magnifié façon village, le quartier moderne de la Confluence tout en formes géométriques et verre — épousant le regard et polarisant la “belle“ lumière du héros imperméable à la laideur des choses et des êtres. Cette focalisation particulière est évidemment source de quiproquos : quand Pierre agit spontanément, la plupart des personnages alentour lui prêtent des intentions perverses, ce qui en dit long sur l’état de méfiance des consciences et de la société. 

C’est magnifique ! n’est pas qu’une “simple” quête des origines puisqu’en sus du road movie sur les traces de sa mère biologique (donc de sa propre histoire), Pierre vit dans sa chair une sorte de voyage à rebours dans l’histoire technique du cinéma : à chaque fausse piste, son enveloppe corporelle se dépigmente. De coloré, il passe en sépia puis en noir et blanc, métaphore somatique d’une extinction progressive de l’espoir intérieur, donnant lieu à de poétiques rebondissements avec les autres personnages.

Pour cela, le réalisateur-interprète dispose d’une très solide distribution menée par l’irremplaçable Alice Pol — pourquoi cette polyvalente actrice n’est-elle pas davantage sollicitée ? — et Laurent Bateau, endossant le rôle du seul personnage négatif qui s’avère également le pire des salauds.

Gageons que si Clovis Cornillac avait été transalpin comme Maurizio Nichetti ou Roberto Benigni, son film aurait bénéficié de plus d’aura festivalière. Bien sûr, il a déjà été présenté à l’Alpe d’Huez (mais il n’est pas qu’une comédie) ou à Angoulême (mais il est davantage qu’un film francophone) ; au public désormais d’en savourer les fruits acidulés et sucrés comme les premières cerises…  

★★★★☆ C'est magnifique ! 
Un film de et avec Clovis Cornillac (Fr, 1h37) avec également, Alice Pol, Manon Lemoine, Lilou Fogli…

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