Subsistances, Nuits sonores, Woodstower, ONL : la liste des coupes de subvention par Laurent Wauquiez s'allonge

Subsistances, Nuits sonores, Woodstower, ONL : la liste des coupes de subvention par Laurent Wauquiez s'allonge

Politique Culturelle / La Région Auvergne-Rhône-Alpes poursuit son programme de coupes budgétaires au sein du monde de la culture lyonnaise. Après la Villa Gillet et l'Opéra, ce sont l'ONL, les Subsistances ou encore Nuits sonores qui sont impactés.

Mardi 10 mai 2022. Dans les locaux de 6e Sens Immobilier, tout nouveau sponsor de Woodstower qui organise là sa conférence de presse, les différents partenaires prennent la parole et vantent les mérites de cet historique festival se déroulant à la fin de l'été dans le parc de Miribel Jonage. Du côté de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, la vice-présidente à la Culture, Sophie Rotkopf, est absente et représentée par le conseiller régional Christophe Geourjon. Celui-ci se montre élogieux envers les organisateurs, la qualité de la programmation, les engagements écologiques. Mais ça, c'était la semaine dernière : une éternité.

Car on apprend, quelques jours plus tard, que Woodstower fait partie de la longue liste des structures culturelles de la métropole lyonnaise subissant une coupe de subvention : 6000 € en moins. Maxime Noly, le directeur, contacté par téléphone ce mercredi 18 mai, nous indique : « vous me l'apprenez. Je n'étais pas au courant. On avait plutôt de bons échanges avec Sophie Rotkopf, que nous avions rencontré en mars. On pensait être épargnés. On ne sait pas ce qui justifie cette baisse. Nous n'avons eu aucune alerte ni des services, ni de Christophe Geourjon lors de la conférence de presse. »

Un autre festival lyonnais est touché, Nuits sonores, qui va perdre 15 000 € à quelques jours du début de ses festivités. 

Mais la structure la plus impactée par cette nouvelle vague de coupes franches, ce sont Les Subs, qui perdent 150 000 €. De quoi laminer le moral des équipes et du directeur Stéphane Malfettes, qui comme les autres a dû lutter férocement  pour survivre et conserver une activité durant ces deux années de Covid. 

C'était attendu, c'est acté. Les théâtres lyonnais subissent aussi des baisses de subvention : le Théâtre du Point du Jour perd 15 000 € (soit -10%), le Théâtre de la Croix-Rousse 24 000 € et le TNG 26 000 €.

Autre structure d'envergure visée : l'Orchestre National de Lyon, qui perd 50% de sa subvention, diminuée de 87 000 à 42 000 €. 

Biennales : pas de bus pour les lycéens 

Du côté des Biennales de Lyon, l'on savait déjà qu'elles perdaient 253 000 € de subvention. On apprend en sus la suppression de l'aide accordée aux lycéens pour s'y rendre en bus : 50 000 € supplémentaires sont donc ôtés à la Biennale de la Danse et à celle d'Art Contemporain.

Voilà pour ce qui est acté. Mais, comme précédemment, de nouveaux noms surgissent : Lyon Capitale a révélé le 12 mai dernier sur son site que 50% de la subvention attribuée à la Maison de la Danse serait coupée, ce qui nous est confirmé puisque selon nos sources ce sont 180 000 € qui sont supprimés. Ou réattribués ailleurs, selon les mots de la vice-présidente Sophie Rotkopf.  

Enfin, des structures comme le théâtre NTH8, l'école de cinéma Cinéfabrique, l'ENBA et d'autres écoles d'art doivent également s'attendre à des coupes, sans que le montant ne filtre pour l'instant. Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la Culture (Lyon en Commun) et par ailleurs présidente de l'École Nationale des Beaux-Arts se pose la question d'une éventuelle crise des liquidités de la Région et de sa capacité à verser des subventions sur 2022, de régler aussi ce qui était promis à certaines structures sur les années précédentes : « à l'ENSBA, on attend toujours un reliquat de 90 000 € de subventions de 2021 de la part de la Région. L'opéra attend toujours un reste de subventions datant de 2020 et 2021. Ça m'interroge. Très clairement, il y a une bataille contre la culture et je crois aussi très prosaïquement qu'il y a des difficultés financières que le président de la Région essaye de masquer comme il peut. Preuve en est : il dit à certains que ça ira mieux en 2023. »

Le festival de théâtre Sens Interdits devrait lui perdre l'intégralité de sa subvention régionale.

Selon Tribune de Lyon, le festival Quais du Polar va perdre 13% de sa subvention (passant de 32 000 € à 27 900 €). 

Toutes ces coupes s'ajoutent à celles déjà opérées les semaines précédentes, touchant l'Opéra de Lyon, l'Institut Lumière (100 000 €) ou encore le TNP à Villeurbanne (150 000 €). Mais aussi deux lieux aujourd'hui menacés de disparition car perdant la totalité de leur subvention régionale sans préavis : le Musée Urbain Tony Garnier et la Villa Gillet

« On a aujourd'hui à la tête de la Région un exécutif qui se comporte comme un exécutif d'extrême-droite »

Pour le maire de Lyon Grégory Doucet (EELV), interrogé ce mercredi 18 mai au matin en conférence de presse avant le conseil municipal, il s'agit ni plus ni moins d'une « vindicte. C'est une attaque en règle, massive, brutale, sans signe précurseur, sans cadre politique, de tout l'écosystème d'abord lyonnais mais qui rayonne sur toute la Région. Nous sommes regardés depuis l'étranger, nos maisons brillent au-delà de nos frontières. Nos institutions culturelles lyonnaises ne sont lyonnaises que par leur géographie mais leur rayonnement va au-delà de la Ville de Lyon, de la métropole, au-delà même de la Région. Beaucoup d'entre elles travaillent sur cette échelle régionale. On est face à un exécutif régional qui fait fi de tout ça. Quand j'entends le mot rééquilibrage... Où vont ces 2 M€ qui sont pris sur notre écosystème ?  Villeurbanne, Clermont-Ferrand sont touchées aussi. Peut-être que ce sont les exécutifs qui ne sont pas sur la ligne politique de Laurent Wauquiez qui sont ciblés ? Mais quand on parle de culture, on ne parle pas de culture de telle ou telle obédience politique. Ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est le bien commun, la pratique artistique. Faire de la politique sur les arts et la culture, c'est ce que font les régimes autoritaires, ce sont des orientations d'extrême-droite. On a aujourd'hui à la tête de la Région un exécutif qui se comporte comme un exécutif d'extrême-droite. Attaquer la culture, au-delà de la méthode qui est intolérable, c'est ce par quoi commencent tous les régimes fascistes. C'est pour ça que nous sommes inquiets et que nous appelons l'exécutif régional à la raison. »

Conférence de presse du 18 mai 2022 à la mairie avec Grégory Doucet et Nathalie Perrin-Gilbert © NP

Si la volonté de la Région de redistribuer ailleurs ses financements, voire de rééquilibrer leur ancrage territorial au profit de territoires oubliés ou mal dotés peut être louable et parfaitement comprise, la méthode employée — au mieux, un courrier des services administratifs, au pire aucune annonce — est particulièrement mal digérée par l'ensemble des acteurs et actrices concernés. L'absence de concertation préalable, d'avertissement, pour des subventions coupées en plein exercice, parfois en plein festival interroge aussi : la méthode est brutale.

Surtout, si le budget de 62 M€ dévolu à la culture par la Région reste constant, comme Sophie Rotkopf l'a annoncé dans Le Progrès le 22 avril, il reste maintenant à savoir quelles sont les structures et territoires qui vont en bénéficier puisqu'à l'heure actuelle la politique culturelle de la Région reste illisible en dehors du Musée des Tissus largement subventionné (pourtant basé... à Lyon intra-muros, en désaccord total avec les propos de l'élue), du bienvenu futur musée Saint-Exupéry (dans sa maison natale, dans l'Ain, à l'initiative de Stéphane Bern) et du financement du festival InVersion porté par les multinationales Vivendi et GL Events (pour un montant encore inconnu) au Stade de Gerland, là encore situé... à Lyon intra-muros.

À la question de savoir si la Ville allait compenser ces baisses de subventions opérées par Laurent Wauquiez (Les Républicains), Grégory Doucet, qui rappelle « avoir eu des rapports extrêmement fructueux pendant la campagne des Régionales avec Florence Verney-Carron, la précédente vice-présidente à la Culture », a cependant assuré : « compenser les décisions brutales de la Région reviendrait à les cautionner. Ce n'est pas mon choix. Nous allons étudier chaque situation, mais en mettant autour de la table tous les acteurs, toutes les parties prenantes. Nous ne sommes pas dans un combat Ville-Région. Nous sommes dans un combat pour la culture et les arts. Les collectivités, les acteurs privés pourraient nous venir en aide, j'en appelle à toutes les bonnes volontés, toutes celles et tous ceux qui croient dans le pouvoir de l'émancipation par les arts et la culture, dans l'importance de la création artistique et culturelle, dans les valeurs que les arts et la culture véhiculent. Ce sont les fondamentaux de la démocratie et de notre République qui sont ici attaqués. » 

[mise à jour mercredi 18 mai à midi : propos de Maxime Noly, directeur de Woodstower]

[mise à jour mercredi 18 mai à 12h40 : propos du maire de Lyon, Grégory Doucet]

[mise à jour mercredi 18 mai à 12h50 : propos de l'adjointe à la Culture de Lyon, Nathalie Perrin-Gilbert]

[mise à jour mercredi 18 mai à 15h40 : erratum Quais du Polar qui perd 13% de sa subvention et non pas 30%]

[mise à jour mercredi 19 mai à 11h : montant validé de 180 000 € ôtés de la subvention de la Maison de la Danse]

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