Folk / Événement pour les amateurs de grande petite musique, le discret homme-orchestre folk américain Andrew Bird prend de l'ampleur le temps d'une nuit à Fourvière à la revisite d'un répertoire singulier aux méthodes pas comme les autres, soutenu par les cordes magiques de l'Orchestre National de Lyon.
Il paraît qu'on n'aura jamais une deuxième occasion de faire une première impression. Ça tombe sous le sens, à vrai dire. Mais il est des fois où ça ne vaut pas. La première fois qu'on a pu voir Andrew Bird en concert, c'était à la Maroquinerie, en novembre 2004. Un public averti venait y applaudir ce phénomène du rock indé américain, publié en France par la référence Fargo (spécialisé dans l'Americana classe), que la presse très spécialisée couvrait de lauriers, une sorte d'homme-orchestre ringardisant complètement la notion et reléguant tous les Rémi Bricka du monde au rang de trublions circassiens pour enfants.
Avec ses boucles rythmiques et mélodiques de guitares branlées à la pédale, son violon dingue, sa voix vibrante et ses drôles de sifflements donnant tous son sens à ce patronyme ornithologique, Bird tissait des chansons charriant quelque chose comme une inquiétante étrangeté, à la frontière de la pop, du folk et de l'expérimental. Laquelle étrangeté sera vite toute entière résumée dans le titre de son album de 2005 : The Mysterious Production of Eggs, ou des morceaux comme A Nervous Tic Motion of the Head to the Left, Skin is, My ou Sovay. De quoi susciter un peu plus que de la curiosité.
Fut-ce nos dispositions qui étaient mal embouchées, l'Oiseau qui n'était pas dans un bon jour ? Toujours est-il qu'on avait trouvé le moment un peu pénible, Bird mettant des plombes à installer ses boucles pour que démarre des morceaux loin de rendre leur grâce discographique. On était ressorti déçu, jurant qu'on ne nous y reprendrait plus, à ce genre d'appel de la hype.
Méthode Suzuki
Et puis quelqu'un nous a traîné quelques mois plus tard à la Salle Victor Hugo à Lyon, cette fois, dans le 6e arrondissement, on avait dit oui pour ne pas dire non, et c'était à peu près tout. Et là, étrangement, ce fut l'éblouissement. Tout ce qui avait semblé ne pas fonctionner lors du concert parisien, s'emboîtait merveilleusement – mais peut-être étions nous simplement de meilleure humeur. Prodige il y avait bien et il n'était pas mince. On avait rarement vu musicien si singulier – et on le reverrait souvent, notamment lors d'un passage mémorable à l'Épicerie Moderne en 2009 – même si l'usage de la boucle dans la pop était en train de se répandre comme une traînée de poudre, parfois pour des raisons économiques – pourquoi trimballer des musiciens en tournée quand on peut tout faire tout seul ?
C'est qu'avec Andrew Bird l'approche n'avait rien d'autre que d'artistique et de personnel, découlant d'un apprentissage de la musique et du violon dès 4 ans selon la méthode Suzuki (calqué sur celui de la langue maternelle, grosso modo), entièrement à l'oreille et qui développe considérablement les talents d'improvisateur et d'expérimentateur. Des talents que Bird a trimballé, armé de son violon sur le front du jazz, de la musique klezmer, du folk traditionnel et de la musique classique, ce qui a considérablement enrichi sa musique, parfois jusqu'à l'excès à ses débuts, Bird ne trouvant sa voie qu'avec Weather Systems en 2003 qui le rapproche en douceur d'un autre grand chercheur, David Byrne. Particulièrement sur les chefs d'œuvre que sont The Mysterious Production... et Armchair Apocrypha où brillent aussi ses talents d'auteurs à l'attaque de thématiques aussi farfelues et peu rock'n'roll que les maths ou l'ancien empire Scythe.
Invitation au voyage
On a pu décrocher à la suite de son Noble Beast de 2009 mais Bird a continué de faire son nid, tout en multipliant les collaborations. L'annonce de sa venue à Fourvière, pour le désormais traditionnel concert pop symphonique en compagnie de l'ONL (souvent propice aux merveilles) a néanmoins réveillé une question enfouie : comment cette musique si sophistiquée n'a-t-elle pas reçu avant une telle invitation au voyage symphonique ?
La réponse n'a aucune importance puisque c'est désormais chose faite et que les chansons de Bird vont déployer leurs ailes comme jamais, grâce notamment aux arrangements de son ami Gabriel Kahane, arrangeur de cordes désormais incontournable du paysage international (en plus d'être lui-même un compositeur de premier plan). Homme-orchestre donc, mais symphonique.
Andrew Bird avec L'Orchestre National de Lyon
Au Théâtre Antique (dans le cadre des Nuits de Fourvière) le mardi 12 juillet