En salles / Mercredi, jour de sorties en salles : voici notre sélection des films à voir à Lyon cette semaine.
Incontournable
★★★★☆ As bestas
Installés comme cultivateurs dans un village reculé de Galice, Antoine et Olga sont victimes de l'hostilité ambiante depuis qu'ils ont refusé de voter pour l'installation d'éoliennes sur le secteur. L'animosité va peu à peu se transformer en harcèlement psychologique et physique à leur encontre... Du grand Sorogoyen servi par Marina Foïs et Denis Ménochet au sommet.
Haine ancestrale de l'étranger, probable consanguinité héritée de l'autarcie, jalousie mesquine, représailles lâches... Le tableau de cette petite région reculée n'est guère flatteur ; quant à la spirale de violence sournoise se refermant inéluctablement sur le couple de Français ostracisés (et jamais secourus par les forces de l'ordre), elle rappelle Les Chiens de paille de Peckinpah, en plus pessimiste — ce qui n'est pas peu dire. En suivant les quatre saisons, actes naturels d'un décor rural, Sorogoyen épouse son motif et nous immerge totalement dans sa profondeur temporelle. Car le drame qui se noue ne peut se produire sans le poids de la tradition, de la misère comme des frustrations accumulées depuis des siècles. Si les néo-cultivateurs en sont les victimes, les Galiciens d'As Bestas n'ont rien à envier aux miséreux du “documentaire“ Las Hurdes de Buñuel (1932). À ce titre l'on peut comprendre leur ressentiment de voir la pseudo-manne des éoliennes leur échapper ; ils ignorent que leur terre va être bradée à des sociétés nordiques ravies de ne pas saccager la leur — Éric Fottorino raconte très bien le processus de colonisation des surfaces agricoles par les “fermes“ d'éoliennes dans Mohican.
Il n'est pas inutile de rappeler la virtuosité dont Sorogoyen a fait preuve dans ses réalisations précédentes telles que Que Dios nos perdone ou Madre, redonnant de la vigueur au plan-séquence. Élément clef de ses dispositifs narratifs et dramatiques, il en revisitait cependant à chaque fois la forme pour la plier au nécessités (et au rythme) de son intrigue. On sait à quel point ce procédé permet de canaliser la puissance de jeu des interprètes, et accentuer la tension ; il donne ici sa pleine mesure dans des face à face resserrés d'une intensité terrifiante — notamment entre Marina Foïs et Marie Collomb —, où les phrases définitives et les regards assassins ne laissent aucune échappatoire aux personnages. Ni aux spectateurs.
Grand film sur les ruptures entérinant l'incommunicabilité entre générations, entre ruraux et urbains, entre hommes et femme, As Bestas dispose pour couronner le tout de l'appoint du faux-ours Denis Ménochet et de la caméléon Marina Foïs. Dans son rôle de mère courage, elle déploie autant de nuances que les paysages filmés par Sorogoyen ; on devrait la revoir en février prochain avec un parallélépipède dans les mains.
Un film de Rodrigo Sorogoyen (Esp-Fr, 2h17) avec Marina Foïs, Denis Ménochet, Luis Zahera...
À la rigueur
★★☆☆☆ Magdala
Les derniers jours de Marie-Madeleine (ou Marie de Magdala), femme qui fut aimée charnellement par le Christ, avant d'être rejetée et de finir sa vie comme ermite dans la solitude d'une forêt.
C'est peu dire qu'il s'agit d'un film épuré, minimaliste voire bressonien dans son approche taiseuse d'une figure mystique, au moment où elle quitte son incarnation terrestre pour gagner sa dimension spirituelle. Tourné vers l'intérieur, Magdala n'en demeure pas moins ouvert à une certaine sensualité : plans lents et rapprochés de contacts de la peau avec le tissu, mais aussi la végétation, l'eau, la terre, la matérialité de la nature. Remembrance de Jésus et de leurs étreintes de jeunesse dans un flash-back tout en délicatesse et chants d'oiseaux. Si les seuls mots prononcés sont en araméen — louable respect de l'authenticité historique —, on s'étonne du choix de figurer le Christ en reproduisant la plus sulpicienne de ses représentations. La force de l'habitude, sans doute...
Un film de Damien Manivel (Fr, 1h18) avec Elsa Wolliaston, Aimie Lombard, Olga Mouak...