"John a-dreams" : héros shakespearien du quotidien

John A-Dreams

Comédie Odéon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / De grands numéros. Comme leurs amis circassiens, Patrick Pineau, Serge Valletti et Sylvie Orcier signent à six mains un "John a-dreams" en tous points remarquable.

C'est Patrick Pineau qui en parle lors des applaudissements fournis de ce soir de première de John a-dreams. Il a des amis circassiens, son fils même. C'est de leur immédiateté qu'il parle, de leur absence de préciosité. Et ce parallèle est soudain une évidence. Ils ont en commun de livrer une performance qui ne se limite pas à une démonstration de force. La veille de ce mardi 5 juillet, le village cirque des Nuits de Fourvière à Lacroix-Laval donnait la voie des Trottola et de ce Campana d'une sensibilité qui n'a rien perdu de sa superbe quatre ans après sa création.

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C'est cette même délicatesse qui est au cœur du rageur John a-dreams, personnage cité par Hamlet et sorte de MacGuffin de Serge Valletti pour ce texte que lui a commandé Patrick Pineau il y a déjà dix ans. Les deux artistes se connaissent de longue date – Lavaudant les a réunis dans les années 80. Le premier va livrer au second une sorte de fantaisie mêlant les tourments d’Hamlet à l'histoire de son père, scénariste de cinéma déboussolé par son succès.

Spectral

Au plateau, c'est un homme dans son appartement qui essaye de répéter le classique shakespearien et est sans cesse dérangé par sa mère au téléphone. La metteuse en scène Sylvie Orcier a signé un décor épatant, encombré – peuplé – de livres, de textes et d'objets du quotidien. Cet agencement rend grâce à la densité du texte sans l'asphyxier et devient une superbe soupape pour l'acteur qui joue des portes, d'un vrai-faux miroir, de différents espaces que sépare un tulle sur lequel sont projetées des images : des fantômes qui tiennent en éveil ce personnage qui se construit avec les ombres passées et qui dialogue avec ses angoisses profondes plutôt que de les passer sous l'éteignoir d'une société ripolinée.

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Puisque Shakespeare (il va apparaitre, mais chut !) rôde, il convoque l’intimité de son personnage autant que le grand récit du théâtre. Pas de folie au sens psychiatrique mais une abyssale, joyeuse et foutraque quête de soi. « Devenir neuf ». Telle est l'ambition de ce protagoniste qui furète, beugle, se cache. Il se débrouille avec sa vie, ses monstres intérieurs, ses pulsions de vengeance, ses amours aussi et le théâtre, sujet de ce solo d’une heure quinze qui n’en est pas vraiment un.

Pourquoi joue-t-on ? Est-ce plus nécessaire que tout ? Valletti ne fait pas de mystère : « le théâtre c'est comme dans les rêves sauf qu'on ne dort pas donc ça fatigue ». C’est cette matière concrète que triture avec un talent et un savoir-faire stupéfiant Patrick Pineau. Même quand le cabotinage point un instant – le corolaire d’une première si désirée – il est aussitôt ravalé pour coller à la trame de ce récit touffu et précis. Du grand art !

John a-dreams
À la Comédie Odéon jusqu’au 10 juillet

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