Reprise : Quand refleurissent “Les Petites Marguerites”

Malavida ressort l'un des films phares de la Nouvelle Vague tchèque, dont l'inventivité et la pertinence demeurent totalement d'actualité. 

Pour tromper leur désœuvrement, deux jeunes femmes prénommées Marie décident de mener une vie de débauche en allumant des hommes dans la force de l’âge. D’abord, elles se font inviter au restaurant et sitôt le repas avalé, elles expédient leur soupirants concupiscents par le premier train. Mais à un moment, leur mécanique subversive s’emballe…

Brûlot politico-féministe déguisé en film expérimental, comédie sentimentale déjantée semi-coquine aux couleurs acidulée, Les Petites Marguerites (1967) de Věra Chytilová est peu ou prou contemporain de Masculin féminin de Godard ou du Knack de Lester, en allant toutefois plus loin dans tous les compartiments. Formel, tout d’abord : on ne peut qu’être emballé par l’explosion visuelle de ce film rompant par principe avec la moindre contrainte, essayant de faire de l’écran un lieu de tous les possibles grâce à des trucages, modulations sur les couleurs, effets de montages, intermèdes animés abstraits que ne renieraient pas McLaren ni Vertov… Mais ce qui pourrait n’être qu’un sympathique moodboard de l’époque, entre Qui êtes-vous Polly Magoo et Dim Dam Dom, se distingue par l’impertinence de son propos. Ne serait-ce qu’en donnant à ses héroïnes l’initiative de leurs actions : au regard des règles morales de la société où elles évoluent, leur effronterie libertine tient de la déclaration d’indépendance révolutionnaire ; une audace de plus à placer au crédit de la scénariste et réalisatrice Věra Chytilová, qui fait ici diversion plus souvent qu’à son tour en titillant son public. Sous couvert de conte à la morale faussement raisonnable (ah, la fin feignant l’amende honorable !), celle-ci anticipe les chamboulements du printemps 68, où la jeunesse tentera de s’affranchir des vieux carcans. L’Histoire nous enseigne ce qu’il advint des bouillonnements tchèques, écrasés à Prague et comment sa prometteuse Nouvelle Vague s’exila ou retomba. Fauchées dans leur élan, Les Petites Marguerites ont cependant bien survécu ; laissez-vous donc tenter par leur capiteux parfum !

 

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