« Le Marché Gare n'est pas qu'une salle de concert »

Réouverture / Alors même qu'il vient de rouvrir, outil flambant neuf, doté d'une grande salle de 400 places, d'un caf'conç' et de nombreux autres équipements, le Marché Gare s'envole vers un nouveau projet qui a désormais les moyens de ses ambitions. Son directeur, Benjamin Petit, nous en détaille quelques grandes lignes. 

Le projet

Benjamin Petit : "On ne part pas d'une page blanche. C'est à la fois un nouveau projet, porté par une nouvelle structure, une nouvelle association, puisqu'on est sorti de la MJC Confluence au 1er janvier, et, en même temps, on s'appuie sur l'histoire vieille de 15 ans d'un lieu qui rouvre avec une équipe ancienne et expérimentée. C'est une chance car on a un réseau, des savoir-faire. Pour autant c'est l'occasion d'aller plus loin. C'est génial d'avoir une équipe en place qui a pu repenser son outil, réfléchir à tous les paramètres. On a certainement évité pas mal de travers d'un lieu qui sort de terre ex-nihilo. Surtout on a pensé ce lieu, qui n'est pas qu'une salle de concert, en fonction du territoire : il y a énormément de musiciens sur notre bassin de population et le fait d'avoir ces deux scènes qui peuvent fonctionner simultanément, comme on vient de le faire en accueillant deux résidences en même temps, nous permet d'augmenter la cadence pour répondre aux besoins en termes de pratique scénique des groupes locaux émergents. Mais comme on a mené de front la création de la nouvelle association et de ses fondamentaux, le travail de conception des lieux et l'activité hors les murs, le projet reste encore en partie à déployer. L'équipe devra aussi s'étoffer davantage si on veut atteindre le vrai potentiel de l'outil. Aujourd'hui on relance la cadence sans prendre le temps de souffler avec une centaine d'événements par an, l'augmentation de la cadence d'accompagnement mais le but est d'aller plus loin et d'augmenter la "part concert".

L'outil idéal et une co-construction

Évidemment on aurait pu rêver d'un rooftop. Il y a des choses comme ça qui n'ont pas été possibles financièrement et techniquement. Pour autant l'outil avec ses fonctionnalités répond parfaitement à ce qu'on souhaitait et surtout à ce qu'on a co-imaginé avec les architectes. On a bénéficié d'un contexte idéal de co-construction avec la maîtrise d'œuvre, deux architectes qui nous ont écoutés, fait confiance et associés au boulot avec quatre heures de réunion tous les quinze jours pendant deux ans sur la distribution des locaux, les usages, les matériaux, la configuration technique. La proposition initiale des architectes a été en grande partie remaniée en fonction de nos propositions.

La sortie de la MJC et la création de l'association

Quand un secteur au sein d'une entité plus vaste se développe de lui-même, fait face à de nouveaux enjeux avec sa propre dynamique, on se retrouve face à un dilemme : soit on sape le mouvement et on fige l'évolution du secteur, soit on l'autonomise pour qu'il ne soit pas contraint par des limites en termes de pilotage et de gouvernance. On a aujourd'hui une entité avec des enjeux tellement spécifiques que le pilotage par la MJC risquait de nous limiter, il ne pouvait pas être assez agile pour servir la vision nécessaire. Pour autant, on en conserve l'esprit, les principes d'éducation populaire continuent à être au cœur du projet.

Servir les artistes

L'une des choses qui ne changera pas c'est que le Marché Gare reste un acteur au service des musiciens et non pas qui se sert des artistes. Ça va infuser notre manière de faire, la programmation. Ça veut dire qu'on programme un artiste au moment où il en a besoin pas au moment où ça nous arrange. On sait très bien que les artistes ont du mal à refuser quand on leur propose de jouer et il ne faut pas en abuser. Les têtes d'affiche, elles, servent à tirer vers le haut l'image du lieu, pour que ce soit valorisant pour les artistes locaux de jouer ici. Il y a là un enjeu très important. C'est une dynamique globale où tout s'alimente. On a un rôle majeur parce qu'ayant une programmation conséquente et éclectique on peut en faire bénéficier beaucoup de groupes locaux. Qui plus est, à Lyon, on a la chance de voir passer pas mal d'artistes assez rares.

S'adapter aux besoins des acteurs du secteur

Le Marché Gare va continuer à fonctionner avec 50 % de programmation propre mais aussi 50 % de collaboration avec des acteurs culturels locaux. Il s'agit de garder la porte grande ouverte à d'autres organisateurs qui vont travailler sur d'autres esthétiques, y compris des organisateurs occasionnels. C'est ce levier d'action qui permet de travailler la diversité culturelle. Quand on bosse avec SLH sur du metal, on a une entité spécialiste du genre qui va travailler en finesse des propositions de metal symphonique ou de folk metal beaucoup mieux que nous. Ça vient nourrir notre projet et le public en demande de ces esthétiques. Là aussi l'image attractive de la salle va bénéficier à ses organisateurs.

Un rôle politique

Je suis convaincu que nos lieux ont à jouer un rôle politique plus important encore qu'auparavant. On voit bien qu'il y a un délitement du lien social. On le dit depuis longtemps mais, avec le Covid, ça a pris une autre dimension. Sans vouloir entrer dans des considérations fumeuses, concrètement, on a tous perdu l'habitude de sortir, de vivre ensemble, de cohabiter dans un espace commun. Et de partager du sensible. Toutes choses que je mets au regard de l'arrivée du metaverse et de l'isolement vers lequel on se dirige. On a un rôle-clé à regagner cette habitude d'être ensemble physiquement. Dans l'édito du programme trimestriel du Marché Gare, je dis qu'il est important d'aller à la rencontre de l'autre plutôt que de le fantasmer, à travers notamment des relations digitales. L'autre chose qui m'inquiète c'est que le temps passé dans cette réalité réduite nous détourne des enjeux du monde réel. On est loin de la formule des années 2000 « réenchanter le réel ». Aujourd'hui, il faut déjà retrouver le réel et des enjeux actuels. Ces lieux-là sont essentiels pour nous rattacher à la réalité, dans sa complexité, dans sa dureté, dans sa diversité. Je souhaite faire du Marché Gare un lieu ancré dans le présent et dans son territoire. C'est ça pour moi le réel : le présent et le territoire.

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