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Adeline Rosenstein : « comprendre par où s'insinue la trahison »

Article publi-rédactionnel / Chantier documentaire en 4 épisodes, Laboratoire Poison retrace de façon singulière plusieurs mouvements de libération dans l’Histoire contemporaine du monde, et explore ainsi les figures du héros et du traître au sein de ces luttes. Rencontre avec son autrice et metteuse en scène, Adeline Rosenstein, avant la création du spectacle à la Comédie de Saint-Etienne.

Votre travail consiste à rendre compte, par le théâtre, de la complexité de certaines questions sociales, géopolitiques, et même historiographiques, donc, de traiter de thématiques très sérieuses, voire, graves… Qui impliquent un temps long. S’agit-il d’une forme de résistance face à un monde qui va trop vite, et aux sujets qui sont parfois traités trop rapidement ?

Peut-être que oui… Mais ce n’est pas l’objectif que nous poursuivons. Dans Laboratoire Poison, on essaie de survoler l’Histoire, de créer un paysage qui rende compte des mouvements de résistance, et de la répression qui peut s’en suivre. Sauf que, en vrai, cela ne se fait pas, de survoler. Donc, on construit une création visuelle, schématique, qui puisse mettre en lumière ces situations. On se met ainsi à distance du sujet, notamment grâce à l’humour. Cela nous permet de révéler des situations de répressions au sein même des mouvements de résistance, qu’eux-mêmes ont cachées pour ne pas porter atteinte à leur image… Et l’on construit plutôt tout cela dans une volonté de s’armer contre les possibles situations de répression à venir. 

L’objectif est-il également de rendre ces sujets accessibles au plus grand nombre, en les sortant du champ scientifique dans lequel ils sont cloisonnés ? 

Oui… Alors, il y a différents endroits, où ces sujets sont cloisonnés. Le champ scientifique, les familles qui ont participé à des mouvements révolutionnaires, les groupes militants eux-mêmes. Je trouvais que le théâtre ne s’était pas assez emparé de ces questions. Il y a autour de moi une grande diversité de spectacles documentaires qui ont un halo historique, et pourtant, on a toujours du mal à aborder le sujet de la trahison. Alors que c’est quelque chose que tous les gens qui travaillent en collectif connaissent : parfois, il y a un conflit et, pour préserver le groupe, on va le mettre sous le tapis. C’est-à-dire que, finalement, en croyant améliorer les choses, on fait l’expérience de la trahison. 
On vit une époque où l’on a une responsabilité urgente à parler d’utopie, de changement du monde. Bien des gens ont envie de participer à ces discussions, et aux changements… Alors que nous allons devoir construire ensemble, il est intéressant d’essayer de comprendre par où s’insinue la trahison. Prendre des situations extrêmes comme on le fait dans Laboratoire Poison nous permet de mettre le doigt sur le petit endroit de la non-impuissance. 

Votre travail n’a malgré cela, pas vocation à apparaitre comme une expertise : vous interrogez d’ailleurs votre propre geste théâtral. Est-ce qu’il ne s’inscrit pas finalement dans une sorte de valorisation du doute ? 

Je préfèrerais dire « critique », parce qu’il y a des choses dont on ne doute pas. La négrophobie, l’islamophobie, l’homophobie… Tout cela est sous nos yeux, on le constate au quotidien, partout où l’on se déplace. Qu’est-ce que l’on fait de ça ? On ne fait rien, et on fait un théâtre de chanceux ? Ou est-ce que l’on insiste, en essayant de faire des choses ? Je crois qu’une partie de notre travail consiste à parler très clairement, sans qu’il n’y ait le moindre doute. 

Au cœur du chantier théâtral qu’est Laboratoire Poison, on trouve un langage chorégraphique, lequel, dans des scènes muettes et commentées, vient schématiser des situations de répression. Pourquoi ce parti pris ? 

Par volonté de ne pas succomber au charme exotique du document historique. Il nous fallait le reproduire, tout en mettant l’accent sur autre chose. Ce langage chorégraphique nous permet de résumer, de condenser ces contenus. C’est une forme de traduction, en fait. 

Laboratoire Poison, écrit et mis en scène par Adeline Rosenstein, du 4 au 8 octobre à la Comédie de Saint-Etienne (dernier épisode produit par la Comédie de Saint-Etienne)

 

 

 

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