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Au Conservatoire de Lyon, « on doit être en lien direct avec les aspirations libres des familles »

Au Conservatoire de Lyon, « on doit être en lien direct avec les aspirations libres des familles »

Éducation / Le Conservatoire à Rayonnement Régional (CRR) de Lyon a fêté ses 150 ans d'existence en 2022 et poursuit un certain renouveau avec à sa tête, depuis peu — octobre 2021 —, le pianiste et ancien directeur du CNSMD Géry Moutier. Ce dernier, accompagné de Ludovic Vernu, le directeur du développement culturel, nous présente l'institution qui vient de se voir attribuer 4, 5M€ par la mairie pour moderniser ses locaux de Fourvière. Entretien.

Géry Moutier : Les 150 ans, fêtés en 2022, étaient une occasion extraordinaire de faire des rencontres avec le public, de faire rayonner le Conservatoire, de fédérer les équipes. Et de mesurer tout l'impact du Conservatoire sur la ville de Lyon et la région. 

Quel est ce rayonnement, selon vous, qui a permis au Conservatoire de fêter 150 ans d'existence ?
GM : J'habite Lyon depuis 2000 et j'y travaille depuis 1997. Je ne connaissais pas très bien le fonctionnement du CRR de Lyon. J'ai souhaité rester à Lyon, que j'adore, après mes fonctions au CNSMD...

Où vous aviez fait trois mandats de direction et ne pouviez donc pas continuer.
GM : Voilà. J'étais un des premiers directeurs d'un établissement public du ministère de la Culture à devoir m'arrêter avant la retraite. Le CRR s'est alors imposé à moi. Je savais qu'il y avait ici un corps enseignant de haute-volée. C'est une bulle, l'enseignement supérieur au CNSMD, une mission particulière : la projection vers la vie professionnelle de jeunes dont la vocation est établie depuis longtemps. Il y a un concours d'entrée, après la responsabilité est lourde mais elle est simple. 

Ici, par contre, c'est un archipel, un foisonnement de missions et de responsabilités et ça s'inscrit dans un territoire — ce qui nous donne une responsabilité dans la proximité avec les usagers. On doit être en lien direct avec les aspirations libres des familles. Sans enjeu. Ou avec un désir que l'on doit accompagner. 

Quelle est la différence fondamentale entre ces deux conservatoires que vous avez dirigé ? L'un est-il là pour se diriger vers une démarche professionnelle, quand l'autre satisfait plutôt des vélléitées amateures ?
GM :
Celui que je dirigeais auparavant, le CNSMD, relevait uniquement de l'enseignement supérieur. J'y avais créé le master et le doctorat. Et ce grand Conservatoire de Lyon, le conservatoire historique dans lequel nous sommes aujourd'hui, c'est celui qui conduit de la petite enfance jusqu'à la vie professionnelle. Jusqu'au seuil des quelques établissements en Europe qui font uniquement de l'enseignement supérieur.

Nous, on a un cycle important qui est la prépa à l'enseignement supérieur, mais on a aussi en charge la sensibilisation, l'accueil des tout-petits, les cycles découverte, les vrais débutants. On vient de réouvrir des possibilités pour les amateurs de venir au Conservatoire. Et on a une mission très belle, une vraie fierté, qui correspond à la politique dans laquelle on s'inscrit, celle de l'éducation artistique et culturelle : on a une équipe de 33 intervenants en milieu scolaire, ils font ça pendant le temps scolaire à partir de projets et de conventions, dans les écoles, et ils touchent environ 14 000 enfants par an. C'est quelque chose qui existe depuis presque trois décennies au Conservatoire et ça n'a de cesse de se développer. C'est actuellement très soutenu par la Ville. On craignait de manquer de moyens pour cette mission, qui est fondamentale. Au contraire, aujourd'hui, on des moyens plus solides. On peut vraiment travailler en partenariat avec d'autres établissements. Mais on a une place unique : un établissement-école, avec des équipes d'enseignants, spécialisé dans le domaine de la transmission. Le CRR est le principal établissement dans ce domaine de l'éducation artistique et culturelle : on revendique cette place en musique, en danse, et peut-être à l'avenir en théâtre. 

Un archipel de missions assez incroyable

Il y a donc plusieurs moyens d'être élève au Conservatoire : être scolarisé dans son établissement habituel et voir venir un enseignant qui se déplace, suivre un cursus complet en classe au Conservatoire, ou donc avec des pratiques amateures le soir ?
GM : Voilà. Alors, les enfants qui sont dans les écoles et sont pris en charge par le Conservatoire, ne le savent même pas, qu'ils sont en quelque sorte élèves du Conservatoire... Et c'est très bien ! Ça correspond à une politique générale d'éducation sur la ville de Lyon. Par contre, il y a plus de 2000 élèves qui sont inscrits ici, sur place, hors temps scolaire. Ça va de l'enfant jusqu'à ceux qui préparent un concours dans le cycle supérieur. C'est un archipel de missions assez incroyable ! C'est un établissement beaucoup plus complexe que celui que je dirigeais avant, mais la complexité est une richesse, comme le dit Edgar Morin. 

Qu'est-ce qu'on y apprend exactement au Conservatoire : à jouer d'un instrument ? À créer ? Monter un groupe ?
GM :
Il y a tout ça. Avec une spécificité : un grand conservatoire comme celui-ci, ce n'est pas une addition de choses qui se côtoient sans communiquer. C'est au contraire la chance de pouvoir créer des échanges entre classes, lancer des cours et des pratiques collectives. Elles sont instrumentales, ces pratiques, ou solfégiques, de culture, pour le théâtre elle concernent les adolescents et les jeunes adultes... Pour la danse ça touche les trois disciplines principales : classique, jazz et contemporaine. Pour la musique, ça touche le jazz et les musiques actuelles et amplifiées, les musiques anciennes — de la Renaissance jusqu'au baroque, sur instruments authentiques — ; et puis toutes les disciplines de la musique dite classique. Avec la création, la composition, tous les instruments de l'orchestre et des instruments parfois un peu délaissés dans l'enseignement supérieur comme la guitare, le saxophone, l'accordéon — aucun de ces trois instruments n'est enseigné au CNSMD par exemple.

Toutes ces spécialités travaillent et travailleront de plus en plus ensemble. Certains jeunes rentrent avec un domaine d'élection, un désir, une vocation, sont très bons instrumentistes et à l'âge de 16 ans commencent à s'intéresser à l'écriture harmonique, au contrepoint, puis finalement à la création électro-acoustique. La circulation de l'énergie à l'intérieur de l'établissement est très importante.  

La Ville a récemment débloqué un budget assez considérable 

De l'extérieur, on pense souvent que le Conservatoire se limite à la musique mais ce n'est pas le cas puisque danse et théâtre sont aussi enseignés ici.
GM :
On a un problème de communication sur lequel on doit encore travailler pas mal. Sur le fond, on doit faire en sorte que les Lyonnais se disent : "c'est mon Conservatoire". Que ce soit sur le site de Fourvière mais aussi à travers toutes nos antennes de quartier. Qu'ils se l'approprient et nous aident à le faire évoluer. C'est très important.

La deuxième chose, c'est que l'ensemble des départements de la musique font que historiquement, il y a un poids considérable de la musique dans ce Convervatoire. Ça a tendance à mettre un petit peu trop d'ombre aux autres disciplines, c'est vraiment dommage. La danse doit s'exercer dans des conditions extrêmement professionnelles d'enseignement, dès le plus jeune âge, car c'est lié à la santé, au développement du corps, au développement de techniques qui sont parfois très  exigeantes. On a la chance d'avoir des professeurs de danse qui ont fait une grande carrière jeunes, mais à partir d'un certain âge dansent moins sur scène et consacrent leur énergie à la transmission. 

Pour le théâtre... Il y a eu une éclipse dans l'histoire de ce Conservatoire. C'est revenu il y a quelques années. Il a un rayonnement pour les jeunes qui s'intéressent au théâtre, il est très connu. Mais moins connu du grand public, c'est vrai. Il y a une bonne raison : nous n'avons pas de salle que l'on puisse ouvrir au public pour qu'il puisse venir assister aux performances de nos jeunes. On manque de ça. Sur le site de Fourvière, quelques salles sont rénovées au fur et à mesure, mais il reste encore daté, dans son jus, et n'était au départ pas fait pour être un conservatoire. La Ville a récemment débloqué un budget assez considérable de 4, 5M€ pour faire des travaux sur le site de Fourvière.

Nous allons nous-même refonder les fonctionnements dans les antennes du Conservatoire. L'idée est de renforcer tous les points de notre archipel. Et grâce à la dotation et aux travaux qui sont en cours d'étude actuellement, on va pouvoir redonner une nouvelle dimension à l'accueil des publics. C'était une grosse problématique pour le Conservatoire, à cause de ces locaux. On a été avec ses problèmes de circulation, du plan Vigipirate, du Covid, en déficit tragique d'accueil des familles, d'être un lieu de vie. On espère beaucoup que les travaux qui commenceront en 2024 vont pouvoir complètement renouveler notre relation au public. C'est très important : il n'y a pas que la démarche pédagogique ou artistique, il y a aussi les conditions d'exercice dans lesquelles elle se fait. La mairie a très bien compris où étaient nos enjeux.

Est-ce qu'il y a des partenariats avec des salles lyonnaises ?
Ludovic Vernu : Pour donner à voir ce que travaillent nos élèves, que ce soit en musique, en danse et en théâtre, nous sommes exclusivement à l'extérieur. Pour les 150 ans, on a fait un énorme concert à l'Auditorium. On a des partenariats avec tous les théâtres lyonnais : les Célestins, Point du Jour, Clochards Célestes, Théâtre de la Croix-Rousse... Plus largement sur la Métropole, nous travaillons avec le Théâtre de la Renaissance à Oullins, le Toboggan à Décines... On a des partenariats avec les musées, les médiathèques, tout le réseau de lecture publique. On fait de la danse au milieu des bibliothèques ! Ça foisonne. En fonction des esthétiques, on peut aller plus loin : Jazz à Vienne, ou récemment au spectacle des Enfoirés à la Halle Tony-Garnier auquel deux de nos danseuses ont participé. Côté musiques actuelles, avec Le Labo, on travaille avec tout le réseau des SMAC, du Marché-Gare au Brise-Glace à Annecy. 

Pourriez-vous nous préciser ce qu'est Le Labo ?
GM : Le principe, c'est l'aide à l'émergence de groupes qui se sont déjà un peu constitués et qui portent un début de projet et ont besoin de se professionnaliser, de s'adosser à des professionnels — nos professeurs, qui vont les aider à ouvrir et développer leur travail. 

LV : Tu peux rentrer dans deux cursus au Labo : en tant que musicien et passer ton diplôme, ou tu peux te présenter sans être à la recherche d'un diplôme mais être dans une voie de professionalisation, pour façonner ton projet qui peut être un groupe comme un projet solo ou un duo. Ils bénéficieront des cours, mais aussi du réseau avec des professionnels que nous faisons venir, tourneurs, programmateurs, etc. On a l'exemple de Citron Sucré qui est sorti l'année dernière du Labo et qui en ce moment cartonne, qui était récemment à la Philharmonie de Paris, sur CultureBox...   

Comment fonctionne le Conservatoire ?
GM : On est une collectivité territoriale en propre. On porte tous nos emplois : c'est important, parce que c'est assez rare pour le modèle des conservatoires qui sont en général plutôt des services. Le Conservatoire est doté à 80% par la Ville de Lyon, 19% par la Métropole, et une part assez faible de la DRAC. Une part de son abondement vient aussi des cotisations des élèves. Il est régit par un conseil d'administration qui s'appelle comité syndical. On a une mission de service public, qui est une belle mission. 

4, 5M€ vont donc être investis par la Ville : pour quels travaux ?
GM : Tout doit se faire dans le cadre de l'écoresponsabilité au niveau de la construction. Il faut des bâtiments mieux isolés, plus économes : c'est clair. Mais le but, c'est de sortir du modèle d'il y a trente ans avec beaucoup de cours individuels, dans des petites salles, pour faire tomber quelques murs et remettre de la logique de création au point de vue musical, de créativité au point de vue pédagogique, de façon à ce que les énergies puissent circuler, que l'on puisse recevoir des gens, créer des salles un peu neutres et rafraîchies dans lesquelles les professeurs puissent travailler leurs projets avec les élèves. Le collectif est devenu un élément majeur : chœurs, orchestres pour enfants, etc. 

L'arrivée de Nathalie Perrin-Gilbert comme adjointe à la Culture de Lyon, mais  aussi comme présidente de votre conseil d'administration, a-t-elle permis cette  nouvelle relation constructive avec la Ville que vous décrivez ?
GM : Oui, tout à fait. Je suis arrivé quand elle était déjà en fonction, en octobre 2021. Ça a participé de ma motivation à venir. Parce que je savais qu'il y avait, à partir de son arrivée, et à partir de ce que souhaitais le maire, Grégory Doucet, pour l'éducation artistique et culturelle, pour l'ensemble des enfants de la ville, une vraie politique qui se dessinait pour le Conservatoire.

Notre mandat est très simple : sortir autant que possible de notre bulle et que toute la qualité des différentes branches et spécialités du Conservatoire profitent à un maximum de personnes. J'ai assez vite senti qu'il était en attente de ça, ce Conservatoire. Ça génère un renouveau et une nouvelle dynamique. On a aussi pour objectif d'ouvrir deux nouvelles antennes, dans une logique de proximité. On veut faciliter la possibilité pour les usagers de pousser la porte, car c'est un service public qui leur appartient. 

Conservatoire de Lyon
4 montée Cardinal Decourtray, Lyon 5e
T. 04 78 25 91 39

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