De bluffants buffles au TNP

Buffles

TNP - Théâtre National Populaire

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Des buffles pour figurer une famille barcelonaise devant affronter la perte d’un enfant : c’est tout le talent de la marionnettiste Émilie Flacher au service de l’écriture de Pau Miró. Un remarquable spectacle enfin de retour après le Covid.

Les écritures de "jeunes" Européens ne sont pas si monnaie courante, pour se permettre de les rater. Pau Miró, pas encore 50 ans, est un de ceux qui marque la scène catalane. Parce qu’il s’imprègne de l’urbanité dans laquelle il vit et qu’il parvient à en restituer une forme de sauvagerie et de force.

à lire aussi : Clairière : l’éveil des printemps

En 2008, en pleine crise économique, il nous emmène dans une laverie automatique tenue par une famille dont l’un des enfants, Max, 8 ans, vient de disparaitre. Sa mère ne tardera pas à s’évaporer aussi. Le père, déboussolé, s’enferme pour jouer de la guitare. Restent les cinq autres enfants. Ils vont tenter de devenir adultes dans leur quartier populaire où rodent des lions qui seront les protagonistes d’une deuxième volet de cette trilogie — Les Girafes complètent le triptyque. Mais c’est aux buffles que s’intéressent la metteuse en scène installée dans l'Ain avec sa compagnie Arnica, Émilie Flacher.

Alors que l’auteur n’avait pas imaginé son texte pour des marionnettes, elle en fabrique, c’est une spécialité qu’elle travaille depuis plus de vingt ans et, grâce à ces masques ou ces animaux entiers, très articulés, manipulés à vue, le récit se colore d’une étrangeté bienvenue pour, à la fois, se décoller du réel (des bastons dans des zones un peu abandonnées, loin des flots de touristes des Ramblas) et se rappeler des fantômes d’une humanité attaquée dans une Espagne pas si ancienne (la mémoire de la dictature franquiste n’est jamais très loin).

Dans cette fable urbaine au langage simple et cru pour cinq comédiennes et comédiens, c’est aussi l’esthétique d’un autre ibérique, Picasso, qui apparait. Émilie Flacher s’est inspirée des tracés anguleux que le peintre conférait à ses bovins, elle les rends beaux et captivants.

Beaucoup de manières de sombrer

Le passage de l’un à l’autre de ces modes de jeux (tantôt les humains s’effacent, tantôt ils sont au premier plan) s’opère de façon extrêmement fluide avec un mouvement quasi constant. Mettant peu à peu au jour les dysfonctionnements (la domination de l’un sur l’autre…) de cette famille, les ressentiments, les peurs, la metteuse en scène restitue toute l’ambiguïté de leurs relations grâce aussi à l’utilisation du son (des grondements…) et d’un décor ingénieux qui s’ouvre, se ferme, se transforme en permanence pour suivre les jeunes buffles dans leurs pérégrinations urbaines qui les mènent à découvrir la vérité (glaçante) sur leur frère absent.

L’Église, le capitalisme, la gentrification : ces thèmes sont abordés avec autant de tact que ceux de l’intime. Et ces Buffles, devenus — visuellement ici — des avatars de leurs congénères humains, restent fortement en mémoire, trois ans et quelques confinements après avoir vu ce spectacle, créé en 2019.

Buffles
Au TNP du mardi 7 au samedi 11 mars

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X