Écoles d'art en lutte : l'ENSBA occupée

Éducation / Depuis plusieurs mois, une vingtaine d’écoles d’art et de design publiques, et des écoles d’architecture, sont entrées en grève, alarmant sur la détérioration des conditions d’étude, d’apprentissage et d’enseignement. Suite à la manifestation du 13 mars dernier devant la DRAC, l'École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Lyon est occupée.

« Ça craint là, ça pète partout, pfff... c’est la merde ! » laisse échapper une étudiante à voix haute, regard désabusé sur l’amas de pancartes et de messages qui perce la foule d’étudiants regroupée devant la DRAC ce lundi 13 mars 2023. Un autre, mégaphone en main, crie : « étudier doit être un droit, pas un privilège ! » D'autres étaient au même moment devant le ministère de la Culture pour faire passer leurs revendications.

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Depuis le 18 janvier 2023, une vingtaine d’écoles d’art et de design publiques, suivie des écoles d’architecture, sont entrées en grève (sur 45 au total), tirant la sonnette d’alarme sur la détérioration des conditions d’étude, d’apprentissage et d’enseignement — conséquence d’une baisse (dans les meilleurs cas d’une stagnation) des budgets alloués. Problème : alors que l’État a su compenser l’inflation et les coûts de gestion dans les dix écoles nationales, il se désengage peu à peu de la tutelle des 35 écoles territoriales — qui accueillent pourtant 70% des étudiants d’art de France — les laissant pour certaines à l’abandon. L’ESAD de Valenciennes risque la fermeture et annule son concours d’entrée 2023. Même danger pour l’EESI Angoulême-Poitiers, qui prévoit la suppression de quinze postes entre 2023 et 2026.

À Lyon, « on n'en est pas là, heureusement, mais il faut anticiper et faire front commun. Tout le monde est concerné. Petit à petit, c’est la pédagogie qui en pâtit » explique Francis Desjeunes, technicien responsable de l’atelier métal de l’ENSBA Lyon. « Le problème, c’est qu’on est attaqué par le privé qui menace nos écoles publiques. »

Mêmes diplômes, différents traitements

Ici, on délivre des diplômes nationaux faisant foi d’un niveau licence ou master. Pourtant, ce sont les collectivités territoriales qui portent quasi seules les écoles et les financent à 90% pour certaines. Nathalie Perrin-Gilbert alertait le 3 mars au micro de France Culture : « on ne peut pas dire que l’État ne s’est pas désengagé de ses missions d’enseignement culturel. Je suis présidente du Conservatoire à Rayonnement Régional, ce sont 8 millions d’euros mis par la ville de Lyon, et 300 000 euros mis par l’État. » Une précarité budgétaire qui conduit à des mesures d’austérité : hausse des frais d’inscription et de scolarité, suppression de postes, précarisation du personnel enseignant, administratif, technique, fermeture d’ateliers…

Dans une lettre ouverte au ministère de la Culture signée par NPG, Jean-Pierre Laflaquière (vice-président de la communauté d'agglomération du Pays Basque), Jean-Patrick Gille (conseiller régional du Centre-Val de Loire) et Yves Duruflé (président chez BGE Hauts-de-France), un parallèle est fait avec l’augmentation des budgets 2023 du ministère de la Culture (7% de hausse soit 527M€) : « Dans un tel contexte, il n’est pas recevable que l’enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de la Culture ne bénéficie pas de moyens dont il a impérativement besoin et que nos établissements servent de variable d’ajustement sur les territoires. » À Lyon, 18% du budget de la Ville est alloué à la culture (soit 120M€ par an). La Région Auvergne-Rhône-Alpes a quant à elle diminué son apport d’une centaine de milliers d’euros pour l’ENSBA l’an dernier.

Une occupation pacifiste

L’inter-organisation "Écoles d’art et design et lutte" rassemble des syndicats (artistes, personnel, étudiants, travailleurs de l’art…) appelant à la lutte. À l’ENSBA Lyon, cela fait neuf jours qu’une délégation tournante d’étudiants — dont Camille* (les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées) fait partie — occupent l’école. Les cours continuent, pour ne pas handicaper les étudiants dans leur année diplômante, des activités se mettent en place : un café pour nourrir la caisse de grève, un ciné-club orienté luttes, des lectures collectives ou des ateliers banderoles… Camille est en design d’espace : « ma promo s’est plutôt améliorée parce qu’on s’est battu, elle était destinée à fermer. » Les statuts aléatoires des professeurs impactent aussi les élèves : « lors de la rédaction de mon mémoire, la prof qui me suivait était vacataire, elle est partie au beau milieu, on a eu un nouveau prof cinq mois plus tard. Il a fallu repartir de zéro en octobre et faire un mémoire en trois mois, ce qui a bouffé notre temps de travail et de recherche pour le diplôme. »

Suite le 27 mars

À l'issue de la journée de mobilisation du 13 mars, le ministère de la Culture a annoncé un travail en cours de recensement par les DRAC des besoins d’urgence budgétaire des écoles. Le Ministère devrait rendre compte d’un soutien d’urgence le 27 mars même si « l’Etat se fait le pompier quand il y a l’incendie, mais on n’a pas de structuration d’une politique culturelle. Ce que les élus locaux demandent c’est une rencontre avec la DGCA — je suis adjointe à la Ville de Lyon, la ministre n’a jamais daigné avoir un temps de travail avec nous, c’est extraordinaire ce mépris des élus locaux » déclarait Nathalie Perrin-Gilbert lors de son entretien à France Culture. La lutte continue.

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